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Critique de Woland


Etoiles Notabénistes : *****

Clover No Kuni No Alice - Cheschaneko To Waltz
Traduction : Tony Sanchez
Adaptation graphique : Clair Obscur

ISBN : 9782355926839

GARE AUX SPOILERS !

Si les événements se précipitaient dans le tome VI, un peu comme s'ils testaient leur résistance à soutenir sur la longueur une vitesse supérieure, on peut affirmer, sans exagération aucune, que, dans ce septième et dernier opus du Cycle de Trèfle, ils mènent un galop d'Enfer. Dès le début, Vivaldi elle-même, en train de déguster son thé, se plonge au coeur de l'action lorsqu'elle reçoit des informations apportées par une domestique Sans-Visage dont on ne sait trop, compte tenu de l'attitude soudainement hostile de la Reine et des deux gardes qui "raccompagnent" la jeune femme si, tout d'abord elle ne fait pas partie du Complot et si, ensuite, elle ne finira pas décapitée dans quelques minutes.

Alarmé par les renseignements fournis à la Reine ou par autre chose qu'il a compris, Peter se précipite illico pour sauver Alice. Il sait qu'une phase décisive du jeu va s'ouvrir. Dans son restaurant, Alice, quant à elle, oeuvre toujours sous la surveillance attentive d'un Chat du Chester qui, cette fois-ci, met la plus grande discrétion - Alice doit être en cuisine - pour suivre au-dehors le client qui avait égaré son stylo dans le volume précédent et qui, vous ne l'avez certainement pas oublié, lui avait paru suspect . C'est qu'il vient de se remémorer ce que lui avait un jour confié le Loir Insomniaque, qu'il venait de surprendre à la fin de l'une des "missions" confiées par le Chapelier. Comme Boris s'étonnait de le trouver si net et ne dégageant aucune odeur désagréable, Pierce lui avait fait observer que, justement, le propre d'un Nettoyeur, c'est ça : ne laisser aucune trace et n'en transporter aucune avec lui - et certainement pas des odeurs de sang ou de corps morts. Or, le client au stylo, qui s'inquiétait tant pour Alice, ne dégageait lui non plus aucune odeur révélatrice, Boris l'avait déjà remarqué et lui aurait sans doute demandé quelques éclaircissements si la jeune fille n'avait été présente. Aujourd'hui, une fois de plus, le Chat du Chester ne flaire que les effluves du plat d'agneau commandé par le client. Rien de plus. La conclusion est facile : tout gang se doit d'avoir son Nettoyeur ...

Pour discuter en toute tranquillité, Boris avait confié Alice à la garde de Pierce, - dans l'espoir de réconcilier ces deux incompatibles, la jeune fille avait eu l'idée de leur offrir un repas à la même table, avec du poisson pour un Chat du Cheshire boudeur et légèrement agressif, et des monceaux de fromage pour un Loir aux anges et que la peur abandonne pourvu qu'Alice soit dans le secteur lorsqu'il affronte Boris. Mais, devant le brusque départ du Chat du Cheshire et les explications bien faiblardes de Pierce, Alice réalise que celui qu'elle croit aimer s'est certainement lancé à la poursuite de quelqu'un, et supplie le Loir de le lui ramener car elle craint qu'il ne coure un danger. Surgissent alors deux employés du Chapelier, lesquels assurent Pierce qu'ils vont prendre le relais de sa garde. Au lieu de quoi, ils enlèvent Alice. La femme surtout est agressive et mieux vaut ne pas se demander à quoi lui sert l'étrange outil qu'elle porte ajusté à la cuisse droite par une élégante jarretière noire. Mais, à la stupéfaction d'Alice, alors que la Sans-Visage hostile s'apprêtait manifestement à lui faire passer un sale quart d'heure, son compagnon l'abat propre et net.

Au lecteur maintenant de se rappeler la mission que le Chapelier, parfaitement au courant de l'infiltration de son personnel par deux membres du gang des Sans-Visages, avait confiée à l'un de ses hommes au tome précédent. Sur le moment, on n'en avait pas su grand chose mais il s'agissait, comme l'explique maintenant l'homme du Chapelier, de prendre, auprès de sa complice, la place du Sans-Visage infiltré - ce qui s'était accompli avec toute la dextérité requise - et de se tenir aux aguets pour le moment - inévitable - où le couple enlèverait la jeune fille.

Dans l'immeuble où Alice - et d'autres otages - se trouvent confinés, le Chapelier, qui a fait son entrée théâtrale et distinguée habituelle dans le bureau du responsable du gang des Sans-Visage, ôtant ainsi à l'homme, qui ne s'y attendait pas, une partie de ses moyens, s'apprête à ouvrir le jeu. Une authentique partie de poker - de poker-tueur, même. Une fois de plus, on admire la rare maîtrise de soi dont il fait preuve car, s'il est pratiquement sûr qu'Alice est en sécurité et que le Chat du Chester, en principe sans "famille", a accepté de lui prêter main forte, il n'ignore pas que, comme toujours dans ce genre d'affrontement, un grain de sable est susceptible d'enrayer la belle mécanique.

Le grain de sable en question, ce sont les innombrables charges d'explosifs dont le chef des Sans-Visages a truffé l'immeuble, bien décidé, s'il ne parvient pas à vaincre le Chapelier, à se mettre peut-être en route vers l'Enfer mais aussi à y expédier tout le monde avec lui. Fort heureusement, le Lièvre de Mars avait prévu le coup et seules quelques rares charges parviennent à exploser. Elliott, qui n'est pas né dans le dernier plant de carottes du potager, a également donné l'ordre aux Jumeaux, survoltés et rendus joyeux par la perspective du combat et du sang versé, de surveiller les égouts. Il estime, non sans raison, que, dans l'hypothèse où les choses tourneraient à l'avantage du Chapelier, un homme de confiance du chef des Sans-Visages a certainement reçu l'ordre de s'enfuir avec tous les documents du gang. L'avenir prouvera que, comme disent les Jumeaux, "on ne le dirait pas mais le Lapin, il en a parfois dans la tête !"

Arrive maintenant le moment où, les choses étant rentrées dans l'ordre (et Nightmare, en tant que Responsable du Royaume de Trèfle, se voyant ajouter, à ses tâches habituelles qui l'horripilent déjà en temps normal, le soin de faire réparer les dégâts causés par toute cette guerre entre gangs ennemis), les membres, pas très fiers, de la Chapelier Family ainsi que, à Wonderland, tous ceux qui savaient ou avaient deviné que le Chapelier utilisait Alice comme appât dans cette histoire, se voient obligés de confesser leur participation ou leur complicité à toute cette machination, certes menée de main de maître mais qui eût pu néanmoins mal tourner pour la jeune fille. Tous n'ont qu'une seule crainte : qu'Alice leur tourne le dos et décide de rentrer dans son monde. Après tout, la "partie" n'est-elle pas terminée ? ...

Enfin, en ce qui concerne le troisième volet de l'Histoire-Bonus, il n'y a plus à se gêner. du coup, le lecteur a la confirmation définitive de ce qu'il suspectait depuis quelque temps, à savoir que, dans ce Cycle, les espaces spatio-temporels étaient trafiqués dès le début. L'explosion de la Grande-Roue du Parc d'Attractions, montée par le gang des Sans-Visages alors que le déménagement n'avait pas encore eu lieu, répond à celle de l'immeuble où le gang retenait ses otages mais, pour sa part, se déroule après. Elle est à la fois un essai (d'ailleurs raté puisqu'il n'y a pas eu de morts et peu de blessés) et un lien avec le temps parallèle où se déroulent les explosions destinées à piéger, dans le QG du gang, le Chapelier et tous ceux qui lui apportaient leur aide. La case finale est en ce sens sans appel puisqu'on y voit, côte à côte, des bulles exposant les paroles que le Chapelier dit à sa soeur alors que l'Affaire du Gang des Sans-Visages vient de s'achever et celles qu'échangent une Alice et un Boris encore en couple alors que l'on sait que, avec l'accord du Chat de Cheshire (ainsi relié à la première planche du premier volet de cette histoire-bonus, planche qui, sans cela, n'aurait aucun sens), Nightmare a mis fin à la mission dont il l'avait chargé : veiller sur Alice et la retenir à Wonderland.

C'est mené brillamment mais, disons-le, un peu brouillon aussi. le changement de dessinateur accentue peut-être cette tendance mais n'en est pas responsable - reprendre une série à succès pour en tirer un nouveau cycle, plus ambitieux, à notre sens, sur le plan scénaristique, n'est jamais chose facile. le lecteur qui s'attaque à cette trilogie doit donc, avant tout, aller plus loin que la définition habituelle du genre et ne pas se borner à n'y voir que des ouvrages bons pour les lycéens en mal d'amour ou les reprises inspirées de jeux-vidéos, de drague ou non. Il doit aussi posséder une vue d'ensemble de l'Art du manga, c'est-à-dire ne pas s'être borné au shôjo ou au shônen mais avoir diversifié ses connaissances. (Mais attention : Il ne doit pas pour autant perdre de vue les liens éventuels avec un jeu-vidéo ou une série animée) Si possible, il doit demeurer vigilant sur tous les détails. Certains n'ont aucune importance mais il en est d'autres qui sont cruciaux. Enfin, par-dessus tout, il doit évoluer sans trop de difficultés parmi les diverses théories sur l'Espace-Temps - non sur le plan scientifique, rassurez-vous, mais sur le plan littéraire, BD, fictionnel en un mot.

S'il remplit ces conditions - et si, dans le cas présent, il a lu et relu les deux aventures imaginées pour Alice par Lewis Carroll, aventures déjà fortement cryptées pour l'époque, consciemment mais aussi inconsciemment - la lecture du Cycle de Trèfle, même si elle lui semblera toujours un ton légèrement au-dessous que l'éblouissant Cycle de Coeur, lui sera tout de même infiniment agréable. ;o)
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