Manon Page

Je n’étais pas une adolescente difficile, enfin je ne crois pas. Je me suis toujours appliquée à l’école, je respectais mes parents et les règlements de la maison, je ne prenais pas de drogue, mais j’aimais bien prendre une bière de temps à autre (je n’aimais pas vraiment la bière, mais c’était à peu près tout ce qu’on pouvait facilement se procurer, n’ayant pas l’âge légal pour consommer). Bien sûr, il y avait des crises et des disputes avec mes parents comme partout ailleurs je crois, mais sans être une enfant difficile. En réalité, le fait de côtoyer des amis au look de mauvais garçons et d’écouter de la musique agressante pour les adultes était suffisant pour moi pour évacuer la «révolte» que je ressentais devant l’autorité.

Je ne veux pas renier mon passé, ni même diminuer l’amour que j’avais pour lui à ce moment-là, ni dire qu’il était une mauvaise personne. Je l’aimais profondément avec la passion d’une adolescente mal dans sa peau, il était la seule chose qui comptait pour moi. Je ne vivais que pour lui, mes rêves et mes buts n’étaient qu’en fonction de finir ma vie avec lui. C’était complètement malsain pour une jeune de mon âge. Je le comprends aujourd’hui, mais je me demande pourquoi on ne m’a pas arrêtée, brassée ou tout simplement envoyée voir un psychologue? Enfin, cette relation a, je pense, défini la route que ma vie allait prendre. Bonne ou pas, on ne peut pas refaire le passé.

Nous avions beaucoup de plaisir ensemble, on riait beaucoup. Il était tellement imprévisible; il y avait une belle folie qui régnait dans la maison. Je pouvais me lever le matin et voir de petits mots d’amour écrits un peu partout, recevoir des fleurs sans m’y attendre… Amoureux à l’eau de rose, mais en même temps, il avait la manie de me faire des coups pendables, comme me verser une chaudière d’eau froide sur la tête quand je prenais ma douche. Ce qui devenait inévitablement une bataille d’eau à coups de chaudière dans la maison. Nous étions immatures et un peu fous, mais on avait vraiment beaucoup de plaisir. Notre vie était heureuse, pas parfaite, mais heureuse.

Mes jambes sont molles et chancelantes. Je tremble de partout, mon corps est en état de choc. Un choc si immense, si affreux qu’aucun mot ne peut décrire avec exactitude l’ensemble des émotions et réactions que je subis à cet instant précis.

Nous avions beaucoup de plaisir ensemble, nous discutions sans fin, nous riions beaucoup. C’était le genre d’homme qui pouvait arriver avec un bouquet de fleurs comme ça, sans raison, mais qui pouvait aussi se fâcher sans crier gare. Quoi qu’il en soit, nous étions en amour et très passionnés.

À l’adolescence, une fois nos leçons et devoirs faits, il ne reste pas beaucoup d’autres options que de flâner entre amis. On est à l’époque où la télévision n’est pas si intéressante que ça et les ordinateurs ne sont qu’à la NASA.