Mon père est mort. Je ne crois pas que je mesure encore bien toute l'étendue du cataclysme. Quand je ne serai plus anesthésié par la brutalité de sa disparition, j'entreverrai alors peut-être toute l'étendue intime du deuil. Pour conjurer la peur, depuis tout môme, j'ai imaginé ce moment sous toutes ses coutures. Je l'ai tellement fantasmé que lorsqu'il est arrivé... j'ai été soulagé. Etrangement, c'est comme si je m'étais dit : "On y est. C'est arrivé. Une horreur de moins à vivre, c'est toujours ça de pris." Mais dans ces innombrables fantasmes morbides, ces mises en scène, dans toute cette préparation rituelle, il y a une chose que je ne pouvais pas savoir... Rien ne prépare à la permanence de l'abomination. (p. 27)