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Citation de Leg12


Dans le porte-revues de mon grand-père, un hors-série de L’Humanité attire mon attention. Il date du printemps précédent et a été édité pour le vingtième anniversaire de la libération des camps nazis, 1945-1965. J’en tourne les pages, où des textes commémoratifs violemment accusateurs, mais comme recueillis, s’accompagnent de nombreuses photographies en noir et blanc. Intrigué, puis effaré dans le silence du regard, je découvre des scènes de supplices, des corps inertes sur des barbelés électrifiés, des bâtiments à hautes cheminées, des fours remplis d’ossements, des châlits dont émergent des morts-vivants en pyjamas rayés. Rien ne m’y a préparé. Que s’est-il passé dans cet autrefois pourtant proche ? Et pourquoi le souvenir en est-il consigné dans cette revue qui me semble comme réservée, détentrice d’un secret très retenu ? Rétrospectivement, je me dis que cette mémoire m’est parvenue à travers les pages d’une publication communiste, forte de toute son intransigeance. Sans doute ai-je accédé ce jour-là, par la voie émotive, à une première notion de ce que l’on appelle l’Histoire, non pas les sagas médiévales ou les romans de mousquetaires dont j’avais déjà tâté, mais le récit d’une proximité révolue affectant des vivants. J’ai remis le magazine dans le porte-revues et suis sorti dans le jardin de mon grand-père, un peu étourdi sous la lumière soudain étrange d’un juillet de province, la quiétude d’une cité ouvrière où les visages des aînés, se saluant de clôture à clôture, recelaient peut-être les silences d’un monde d’avant, les abysses d’un effrayant passé.
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