Iris
Trois pétales de sommeil, si légers,
en leur accord la perfection se couronne.
Ainsi l’image t’accomplit-elle, ô fleur d’argent,
dans la seule rime de tes lignes concises
– cet art du manque, le plus sûr,
t’a tout entière parfaite, et tu risques une forme,
synthèse pure, matinale blancheur
des couleurs de l’automne, après les neiges.
Jours anciens
L’humble note
monte en un souffle.
Qui l’a jouée ?
Pas même le vent.
Ces couleurs cèlent
des formes recluses.
Création docile,
résignée.
Toute mémoire
est à venir.
Moi seule, révolue,
vis devancée.
Ils sortent la folle de la chambre.
Ils réveillent la folle (d’où ?).
Elle est belle, elle a les yeux fixes
d’une qui est morte pour s’être vue.
(Laissez-la dormir, dormir,
car moi-même je dispense déjà l’horizontale
dans la taille de ce mien corps imprévu.)
Elle est grande et ne me voit,
elle laisse dans les lins sans tache
son repos, si loin,
si loin... ici ?
Je suis ici. Captive aphasie que la folle
apporta avec elle. Et je pense ?
Je m’incline pour la revoir.
Le couloir – un coin –
je suis venue d’où elle s’en fut.
Quel lit très long, quelles hautes
parois étroites ! Toutes blanches.
Je marche sur le carrelage. Cette équerre
dans la porte... (On va la refermer)
sur quoi ?
– sur ce corps répandu
à cette porte, son terme.
Est-ce moi m’écoutant ? Oui, je parle.
Et la voix, si c’est une voix. se délie
en quelque racine de langue, vers le haut.
– Gorge de celle qui s’en est allée
et maintenant m’habille ?
Demanderai-je ? – Non – que dire –
et je refuse de me dire.
Désir, désir encore,
rien que celui de comprendre. Comprendre ?
– Sur tant de tissu déployé, mes fatigues
redoublées. Nageant parmi tant de tissu
ce petit corps qui est le mien
ignore qu’il flotte. Je ne m’allonge même pas.
Cesser ? Je le puis seule,
or je veux être,
au bord du lit très long, je veux être.
Toi – panthère – nuit obscure !
Perdant sa dépouille dans le noir
la lumière se bigarre, jaunit
et lustre le dos de la montagne.
Quel soleil, tournesol oblique,
broya son grain dans ce sillon ?
Quelle lune t’ensanglanta le front
ô nuit obscure – panthère ?
Un astre brille en mélasse,
rosée de la faim noire
distille ta langue inerme.
À poindre, le vert t’aveugle,
le regard s’apaise en citernes
et l’aurore s’incline sur ta trace.
Deux poèmes
1.
Nuit blanche, cette feuille. Tu n’as pas dormi.
Puisque ton jour insiste,
préfère une encre noire.
Tu n’as pas vécu aujourd’hui – et la nuit gagne.
2.
Adieu – son de silence qui m’effraie.
Dans ce chancellement violet je me retire,
il est tard, ce que je te demande fut sans jour.
Rester ! Amour, qui sait si tu n’adresses
pour adieu tes ailes sous le vent ?
Ton vol, qui le suivra, si l’étreinte est refuge ?