Oh ! oui, oui, c'est à ce moment que je dansais. Les galants... Ils ne savent que me dire ça. Vous n'y étiez pas.
Je dansais? Peut-être pas bien mal. Une fois, il y en avait un un garçon le jour de la fête, qui faisait danser la Marie du Lac... Mais on ne dansait pas comme aujourd'hui ; c'était une polka ou une mazurka. Vous en dansez encore? Pauvre, quand ce fut fini, il la souleva à bout de bras et je ne sais pas comment il s'y prit, il la fit passer, la tête la première, par dessus son épaule. Elle rit ! Elle n'était pas comme moi ! je serais morte de honte...
Et tout de suite, il vint me chercher. Je ne voulais pas me risquer avec lui, tenez
- Vous avez peur que je vous fasse comme à la Marie?
- Je ne sais pas si j'ai peur, mais vous, vous sauriez comment je m'appelle.
- Elle est raide comme un pieu. Je l'ai bien remuée ! Il n'y a que vous qui dansiez bien, vos pieds ne touchent pas terre.
De ces choses : jamais je n'ai bien cru les compliments du monde. Je dansai avec lui ; même il dansait crânement bien.
On me maria. Moi, je serais bien restée fille ; je ne le pouvais guère. Deux femmes ne font pas valoir un bien et ma pauvre mère était vieille.
Qu'il faut batailler sur cette garce de terre ! Et un jour, d'un biais et jour de l'autre... Non, tout n'est pas rose, non. Que vous seriez heureux, pauvres enfants, si vous saviez le connaitre ! IL y en a qui disent que leur vie passe : la mienne me paraît bien longue. C'est un voyage dans un pays qu'on ne connait pas, des chemins qui montent et des chemins qui descendent, et un peu de bien et un peu de mal : on ne sait pas comment les choses tournent.
Ce pauvre pré vaut de l'argent, encore on nous vola : vous avez droit à un chemin entre les deux places, je ne sais pas si le chemin s'y trouverait. Qu'il est devenu grand le cimetière ! Et on disait l'autre si grand... - Vois comme ces fleurs bleues font des touffes : on croirait qu'on les à semées. Ce sont des "je vous aime". On les met des "aime moi" et des fleurs blanches. Les places sont vite vendues, va.