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3.54/5 (sur 14 notes)

Nationalité : Suisse
Né(e) à : Lausanne , 1976
Biographie :

Marie-Jeanne Urech est une auteure et documentariste suisse.

Marie-Jeanne Urech passe une licence en Sciences sociales à l'université de Lausanne, puis un diplôme de réalisation à la London Film School en 2001. Après avoir signé quelques courts-métrages, elle a réalisé plusieurs documentaires - Sorry, No Vacancies (2001), Le Mammouth céleste (2002), Monotone, mon automne? (2005).
Alors qu'elle explore la veine réaliste via son travail de documentariste, elle développe dans son écriture un univers fantasmagorique très personnel, au fil de nouvelles et romans déjantés, parfois surréalistes, souvent caustiques.
Voyageuse invétérée, l’apparence fantastique de ses récits réside souvent dans le décalage des cultures dont s’inspirent ses histoires.

Source : Editeur et site personnel
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Bibliographie de Marie-Jeanne Urech   (7)Voir plus

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Citations et extraits (45) Voir plus Ajouter une citation
J'étais parti pour découvrir ce qui se cachait de l'autre côté de la montagne et qu'avais-je découvert ? Des heures de solitude. J'étais parti un jour de deuil et qu'avais-je trouvé ? Que ma famille était ce village, si petit qu'il aurait tenu dans ma poche si j'étais parti convenablement, en les serrant les uns après les autres dans mes bras. Mais la soif d'aventures me poussait toujours plus loin, plus particulièrement vers cette mer qui, pour un amiral des eaux usées fraîchement décoré, devenait le point d'orgue du voyage.
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(..) je suivis le torrent qui m'amena au bord d'un lac d'une étrange transparence. Au milieu de celui-ci, perchée sur un tertre, s'élevait une chapelle, pas plus grande qu'un livre de prières. Les lacs de montagne sont limpides, mais celui-ci était d'une pureté si grande qu'on aurait dit qu'il n'y avait même pas d'eau. J'y voyais le fond comme ma propre main. Un lac d'air, pensai-je. Tout était possible de ce côté-ci. Pour en être sûr, je lançai un caillou sur la surface qui se rida instantanément, puis dans un froissonnement de velours, se figea, se contracta, s'agrégea et enfin se cristallisa. Le lac n'était pas fait d'air, mais d'une eau qui venait mystérieusement de se transformer en glace. Enfant, j'avais lu que des chevaux s'étaient métamorphosés en statues de glace lorsque le lac qu'ils traversaient s'était brusquement cristallisé sous leurs sabots. C'était un conte. Le livre devait être encore dans la bibliothèque, enfin, sur le rayon à côté de la bible.
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- Vous vous connaissez? demandai-je?
- Pas besoin. Elle est comme moi, on vient de l'abandonner sur la route des vacances.
- Comment ça, abandonner?
- Il n'est pas d'ici, précisa le vieillard à sa voisine qui me regardait bizarrement. Chez eux, ils les enterrent.
- Ils ont acheté un chien, sanglota la dame. Il a pris ma place.
- Un classique, le chien ! Puis ils profitent de la faiblesse de nos vessies pour nous lâcher dans la nature et filer, m'expliqua le vieillard. On est trop encombrants pour nos familles. Surtout quand arrivent les vacances !
- Les enfants étaient tristes, je l'ai bien vu, soupira-t-elle.
- Alors, on attend de ce côté, car certains nous reprennent sur le chemin du retour. Les remords ! précisa-t-il.
- Et si personne ne vient ?
- On finit au village mais on ne veut pas y aller.
- Que se passe-t-il là-bas ?
- On nous fait travailler. Porter des pancartes publicitaires nuit et jour, par tous les temps.
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Et puis l'un deux s'est mis à parler du jeune homme en costume de dimancheuil qui leur avait rendu leur dignité en les conduisant à la grange. A présent, au lieu d'étirer leur vieille carcasse au bord de la route, ils faisaient un bras d'honneur à leur famille ! Même que ce jeune homme, il l'appelait leur fils. Ce fils en costume de dimancheuil, Bartholomé, est-ce toi ?
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César, le fils d'Anton, est parti lui aussi. Au début du mois de juin. Il n'a pas pris le chemin de la montagne comme toi, mais le train rouge qui conduit à la plaine filamendreuse. On n'attendait pas grand-chose de lui à part de la force dans les bras. Si tu t'en souviens bien, il avait plutôt de la force dans les idées. Ses parents l'ont laissé partir, même qu'il n'avait que quatorze ans. Il aimerait devenir le roi des hôteliers et parsemer d'étoiles le monde entier. Te rappelles-tu sa maison ? Ce n'était pas le grand confort. Les toilettes au fond du jardin et l'eau, il fallait la tirer à la fontaine, toujours glacée quelle que soit la saison. Où a-t-il pêché ses idées d'aisance ? Sur le quai de la gare, habillé d'une confiance en lui aussi forte qu'en sa croix de communiant, César a promis de revenir au village et de nous y apporter du luxe. Moi, la seule lumière que j'espérais voir briller, c'est la tienne, Bartholomé.
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-Et qu'est-ce qu'il y a qui vaille la peine d'être enterré si ce n'est un homme ? répliquai-je ?
- Des déchets nucléaires, pardi ! "
Cela me fit l'effet d'une bombe. Des champs, je ne connaissais que ceux de blé et voici que je me trouvais au-dessus d'un champ de mines. De mines invisibles, aux blessures sournoises et irréversibles.
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Au village, nous n'avons jamais vu de centrale nucléaire. C'est un fantasme de plaine. En revanche, nous nous sommes battus contre des moulins à vent et nous avons gagné. Un col blanc de la capitale voulait nous imposer la construction de huit moulins sur la crête de la montagne. Par la voix du Président, nous avons refusé.
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Tout autour du lac poussaient des bungalows aux larges baies vitrées sur lesquelles était projetée l'image d'un crépuscule d'une beauté époustouflante. Une fois l'an, un saltimbanque du nom de Joseph projetait un film sur la façade blanche de notre église. Je crois bien que je regardai avec encore plus de fascination ce coucher de soleil que les frasques de Charlie Chaplin. De notre village, on voyait le soleil disparaître derrière la crête à seize heures, teintant furtivement le ciel d'un rose anémié, puis les étoiles scintillaient, nous signifiant que l'obscurité était tombée d'un coup. Ensuite, tout se déroulait à l'intérieur, derrière les fenêtres timbre-poste de nos chalets, éclairés à l'économie. Ici, la transition entre la nuit et le jour durait une éternité. C'était beau.
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Je me réchauffais à peine quand je vis le fleuve s'illuminer. Des centaines de lumières apparaissaient un peu partout à la surface de l'eau. Je pensai à des lucioles. On en voyait au village. Si le mois de juin était assez chaud, on se rendait dans le sous-bois près du ruisseau et l'on guettait les flammèches lumineuses, pareilles à des comètes. Mais les lumières que je voyais à présent ne dansaient pas de manière joyeuse et désordonnée. Elles s'élevaient dans les airs, rigoureuses, carrées, formant des colonnes lumineuses, créant une structure électrique immense. Devant moi se dressait à présent une forêt de gratte-ciels. Elle occupait une minuscule bande de terre au milieu du fleuve. Quelle merveille, cette ville toute en verticalité, en puissance, en élégance !
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Je m'allongeai dans mon tunnel, les pieds dans le vide, le visage voisin du plafond, pris d'un sentiment de suffocation. Je pensai au père, envoyé sous terre dans une position semblable. Etait-il vrai que père et fils finissaient par se ressembler? Je bondis hors de ma cage et dévalai les escaliers.

"Ventilateur?" me cria la feme de la réception.

Dehors l'air était lourd, mais au-moins respirait-on. Je traversai le damier urbain abandonné aux éboueurs et aux policiers, tous deux chargés de traquer les souillures de la ville, et ne m'arrêtai qu'une fois devant le pont. A l'aube, on m'échangea contre un autre, venu remplir son sac à commission dans cette ville où les champs s'étendaient à perte de vue. Pour autant qu'on reste couché à fixer le ciel.
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