La nuit enveloppe nos corps douillettement enfoncés dans les draps soyeux sous les figures distendues et ridicules de nos mâles soumis et silencieux.
Pouvais-je réellement parler de douleur lorsque tout mon corps n'était que plaisir ? Un bien-être étrange s'était emparé de moi. J'avais l'impression d'émerger d'un brouillard de plusieurs mois. Je renaissais à la vie. Je me sentais tel que je devrais toujours être... Bien dans ma peau. Je trouvais exaltante cette vie qui, hors de la servitude, me paraissait froide, sans relief, sans goût.... Je fermais les yeux pour mieux mesurer l'étendue de mon bonheur. J'étais fatigué et heureux. Enfin, enfin j'étais heureux... »
« ... J'ai succombé à vos charmes et je suis à votre merci. Si vous désirez pousser plus loin votre avantage, je suis à votre entière disposition, prêt à devenir un pantin entre vos jolies mains... car je vous aime, mademoiselle... je vous aime d'un amour qu'il me sera désormais impossible d'éteindre.
Mes yeux flamboyants sont devenus durs, cyniques, cruels. Franck comprend qu'il est perdu, qu'il ne s'appartient plus qu'il est devenu, en quelques secondes, ma propriété exclusive. Il s'incline :
« L'être ainsi illuminé d'amour, ne voit plus rien d'autre que le seul objet de sa passion et de sa folie. Ne craignez point quelques infidélités ! Ô femme exquise à la cruauté limpide. Ô vénération de mon âme avilie et prisonnière ; fière et despotique divinité au culte duquel mon cœur, gonflé aux sèves de la folie, saigne abondamment des larmes de joie sous la hautaine et méprisante pression de votre talon puissant ; croyez-vous vraiment, après ce que vous venez d'entendre qu'il existe une raison pour me barrer la route ? Non... Enchaînez-moi sans attendre et que ma fortune, ma renommée, ma dignité et tout mon être disparaissent à jamais, engloutis dans l'impudique mousson de vos ambitions, de votre beauté, de vos volontés et de vos haines. Rien ne m'importe : je vous aime et, pour cela même, il m'est indifférent que vous me haïssiez. »
Tout m'était préférable à cette vie vide, dénuée du moindre intérêt. Cette vie sans esclavage, cette ignoble obligation d'être libre.
Marika Moreski est née en 1943 en France. Écrivaine à plusieurs casquettes, à plusieurs traits de plume, elle a participé dans les années 1970/1980 à de nombreuses revues à Paris et à Bordeaux (Club International, Maîtresse Sapho…), au début des années 1980 elle a participé à un débat télévisé sur Antenne 2 concernant la domination et le féminisme. Tout ceci était dans une autre vie, aujourd’hui elle a pris sa retraite, elle réside dans un pays francophone en Europe.
Pour la connaître un peu plus avant, on peut citer un extrait du blog de Maeva à qui elle s’est confiée dernièrement : « Marika Moreski est une romancière qui publia de nombreux livres dans les années soixante dix, une période de libération des mœurs mais où la censure exerçait encore beaucoup son diktat judéo-chrétien... Dans son premier roman, Les Bêtes à plaisir, son éditeur la présentait comme « une Sade en jupon ». Ensuite, une quinzaine de livres ont paru, faisant autorité dans le milieu SM. Grande Prêtresse de la Suprématie Féminine, cette impérieuse brune régnait alors sur un cheptel d'esclaves consentants, triés sur le volet. En outre, elle avait épousé un homme qu'elle avait ensuite totalement asservi... Marika Moreski écrit des livres où la Femme est reine et despotique, elle force délibérément le trait, les fantasmes sont sans limites quand il s'agit de littérature. Marika Moreski ne fait pas qu'écrire, elle est experte en Domination/Soumission, elle ne raconte pas n'importe quoi, interviewée par Maud Chateil dans un article évoquant mutilations et tortures, elle répondra catégoriquement : « Ces façons de procéder sont au sadomasochisme ce que le viol est à l'amour. Ces tortures sont du sadisme pur et simple, il ne faut pas encourager ces jeux cruels qui peuvent devenir dangereux. Il faut essayer de raisonner ces masochistes-là, de leur faire comprendre qu'il existe une marge entre les fantasmes et la réalisation. »
Depuis 2009, Les Editions Dominique Leroy ont entrepris la réimpression des récits de Marika Moreski au format numérique, ils sont progressivement disponibles sur ce site.
Gladys, ce soir-là, me conduisit à la salle de bains et m'ordonna une toilette minutieuse qu'elle surveilla avec attention. La sévère garde-chiourme avait très vite saisi qu'il m'était très désagréable de devoir faire mes ablutions intimes devant elle. Ainsi prenait-elle un malin plaisir à assister à chacune de mes séances d'hygiène corporelle. Mais, ce soir plus que tout autre fois, elle me passa une inspection en règle pour s'assurer que les plus intimes replis de ma personne étaient impeccablement propres. Ce qui me fit présager une utilisation imminente de mon corps.
« La quasi-totalité des captifs de la princesse Malika était composée de jeunes gens de différents pays attirés, de façons diverses, dans l'antre de la belle dominatrice noire pour y être réduits en esclavage. Le but que s'était fixé la cruelle favorite du Général-Président Katoga était simple mais ambitieux : posséder un esclave blanc de chaque pays d'Europe et de chaque état américain.
Malika pouvait se féliciter de posséder déjà une splendide collection d'esclaves mais elle était encore loin d'avoir réalisé son rêve.
Chaque nouvelle prise était, pour elle, un véritable délice. Elle aimait étudier les réactions de ces hommes lorsqu'ils s'apercevaient qu'ils avaient été bernés et attirés ici pour servir de paillasson aux pieds d'une maîtresse noire.
Quelle belle revanche, pour cette arrière-petite-fille d'esclaves, cette petite fille de colonisé et cette fille d'indépendantistes contestés et moqués, de voir ces sains et robustes mâles blancs se prosterner à ses pieds et subir les plus dégradantes humiliations... » « En entrant dans la chambre l'Anglais aperçut la maîtresse. Elle était debout sur la carpette vivante près de son lit. Ses mules à hauts talons s'enfonçaient profondément dans la chair blanche dont la peau paraissait déjà être entaillée mais la maîtresse noire n'en avait cure.
Tour à tour pédicure, coiffeur et maquilleur l'esclave suédois s'était à nouveau recyclé, cette fois en soubrette pour vêtir la splendide créature qui ne faisait aucun effort pour l'aider dans sa tâche... »
Je songeais à toutes ces femmes qui, de par le monde, se plaignent de la promiscuité du mâle au lit et se lamentent de voir leurs nuits gâchées par les ronflements bestiaux de l'homme. Marilyn et Pamela avaient résolu le problème. L'un dormait au loin, recroquevillé dans sa niche, et l'autre veillait sur leur sommeil en servant de penderie à chaussures. Ainsi, elles pouvaient reposer en paix et force me fut de reconnaître que celles qui se laissent voler leur sommeil sont des dindes qui ne méritent pas meilleur traitement
La dominatrice est une femme à part. L'élite de la féminité, la reine des abeilles, l'étoile polaire, l'exception du genre humain, la seule femme qui soit digne d'intérêt. C'est une femme fière et hautaine avec un port et une démarche altiers, un air insolent et méprisant. Très imbue de sa supériorité, elle n'aime qu'elle et regarde les autres de toute sa hauteur. Elle n'a confiance qu'en elle et se sait belle et excitante.
Et elle songea que l'esclave mâle était un accessoire indispensable au bonheur d'une femme.