" Tu t'en vas, et tu ne reviendras plus. "
" Oui, dit-il. Nous avons longtemps compagnonné tous les deux, et cela a été bien agréable - agréable pour nous deux ; mais je dois partir maintenant, et nous ne nous reverrons plus."
" Dans cette vie, 44, mais dans une autre ? Nous nous reverrons dans une autre, quand même, 44 ? "
Alors, tranquillement et avec pondération, il fit cette réponse étrange :
" Il n'y en a pas d'autre."
Une influence subtile souffla de son esprit au mien, transportant le sentiment vague, imprécis mais bienheureux et encourageant que ces mots incroyables pouvaient être vrais - et même qu'ils devaient être vrais.
" Tu ne t'en es jamais douté, August ? "
" Non, comment aurais-je pu ? Mais si ça ne peut être que vrai... "
" C'est vrai... " La vie elle-même n'est qu'une vision, un rêve."
C'était électrique. Mon Dieu, j'avais nourri cette même pensée des milliers de fois au cours de mes songeries !
" Rien n'existe ; tout est un rêve. Dieu - l'homme - le monde - le soleil, la lune, le désert des étoiles : un rêve, tout n'est qu'un rêve, ils n'ont aucune existence. Rien n'existe sinon l'espace vide - et toi ! "
" Moi !"
" Et tu n'es pas toi - tu n'as pas de corps, pas de sang, pas d'os, tu n'es qu'une pensée. Moi-même, je n'ai pas d'existence, je ne suis qu'un rêve - ton rêve, une créature de ton imagination. Dans un instant tu l'auras compris, tu vas alors me bannir de tes visions et je me dissoudrai dans le rien à partir duquel tu m'as crée....
" Je péris déjà - je m'affaiblis, je m'éteins. Dans un instant tu seras seul dans l'espace sans rives pour errer à jamais dans ces solitudes sans limites, sans ami ni compagnon - car tu resteras une Pensée, la seule Pensée existante, et par nature inextinguible, indestructible. Mais moi, ton pauvre serviteur, je t'ai révélé à toi-même et t'ai libéré. Rêve d'autres rêves, des rêves meilleurs ! ..."