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Citation de Charybde2


Vers quatre heures et demie d’une nuit sans lune, l’agent Karim Khayam, qui était de garde, a frappé à la porte de ma chambre.
« Pierre, le patron a appelé la Brigade nocturne. Ça urge. »
Je ne m’attendais pas à ce qu’on m’appelle pour une enquête car, ces dernières semaines, j’avais surtout été chargé de classer les dossiers du commissariat pendant le service de jour, comme si le chef ne me faisait pas confiance ou ne voulait pas me savoir dans la rue. Et puis les anciens voyaient d’un mauvais œil l’arrivée dans la Brigade de personnes de mon âge et de mon origine, habitués qu’ils étaient aux policiers vétérans, qui n’avaient fait qu’un passage éclair à l’école, et aux survivants de la dernière guerre, qui avaient de nombreux contacts dans les bas-fonds. J’ai donc sauté dans mes vêtements en un temps record et j’ai attendu que nous soyons en chemin pour tenter de soutirer quelques informations à Karim :
« Où est-ce qu’on va ?
– Au bar La Perla, dans le Marais.
– Le Rouquin est de retour ?
– Non, on ne sait toujours rien de lui.
– Et le Photographe ?
– Il doit déjà y être.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? Encore un coup des anarchistes ? »
Presque à bout de souffle, Karim a crié :
« Le Blanc faisait sa ronde dans le Marais, han, et il a vu un homme allongé dans la ruelle, han, j’en peux plus de ces rues en pente, han. Il a d’abord cru qu’il était ivre, il l’a secoué, han, et le corps a roulé sur le côté.
– Des traces de coups de feu ?
– Non, han, han… Han… Il a une blessure au cou… »
Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, la foule encerclait encore le cadavre. Karim s’est agenouillé.
« Va te, han, présenter pendant que moi, je reprends, han, mon souffle. Han. »
Nous nous trouvions dans la rue Vieille-du-Temple, qui abrite tous les lieux de perdition du quartier. À en juger par la foule présente, le corps avait été jeté presque aux portes du bar La Perla, dans la ruelle d’à côté.
L’un des collègues m’a bousculé en passant.
« Espèce de morveux ».
Rares sont ceux qui tolèrent notre présence. Karim, le Photographe et moi sommes les plus jeunes de la maison. Pas facile de faire ses débuts chez les policiers de Paris.
« Allez, messieurs. Les coupables, vous restez ici ; les autres, vous rentrez chez vous ! »
C’est le commissaire McGrau qui venait de hurler, le directeur de la Brigade des homicides. Il est toujours le premier à débarquer sur la scène du crime. Encore dans un demi-sommeil, il m’a semblé que le patron était auréolé de cette brume que l’on distingue au-dessus de la Seine au petit matin, j’en ai déduit que j’allais peut-être devoir porter des lunettes.
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