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Citation de Charybde2


J’ai gravi les marches du proche, vite, pas de bruit de voiture, j’ai tâtonné pour introduire la clé dans la serrure, j’ai dû m’y prendre à deux ou trois reprises, mais la porte s’est ouverte, dans un bruit déchirant, strident, interminable, les gonds grinçaient, on m’entendait à l’autre bout du village, j’étais cuit. Paralysé de trouille devant l’ouverture je voyais déjà Mathilde accourir pour protéger sa sacristie et me prendre la main dans le sac. Poussé par le désespoir je me suis engouffré à l’intérieur, plaqué contre le mur, et j’ai attendu. Rien, le silence. Au bout d’un moment, je me suis décidé à repousser tout doucement la lourde et à allumer la lampe. L’ombre du Christ tordu de douleur a failli me faire crever de peur. C’est vraiment sinistre, une église dans la pénombre. Je ne me suis pas attardé, je sentais le regard des saints et des martyrs sur mes épaules, je suis allé directement vers la gauche, où je me souvenais d’avoir vu les cierges, et effectivement, le trésor était là : de pleines brassées de bâtons de cire, certains à demi brûlés, d’autres intacts, des fins, des épais, des longs, des courts. J’en ai pris une demi-douzaine, parmi les plus gros, sans réfléchir ; je me suis précipité vers la sortie. J’ai hésité à laisser la porte ouverte et à m’enfuir, mais c’était signer mon crime, j’ai préféré prendre le risque de la refermer tout doucement, millimètre par millimètre, de l’intérieur, avant de me faufiler, pour rester le moins de temps possible dehors. La serrure a fonctionné à merveille, j’ai pris mes jambes à mon cou, le larcin sous le bras, paniqué, j’ai glissé et je me suis étalé de tout mon long. J’imaginais déjà les titres du journal local :

SENSATIONNEL !
L’ETHNOLOGUE PROFITE DE L’OBSCURITÉ
POUR PILLER UNE ÉGLISE !

Comment ai-je pu me mettre dans une situation pareille, j’ai pensé la gueule dans la neige. Courage, maintenant, courage ; j’ai ramassé mon butin, retraversé la route, le cœur à cent à l’heure. J’ai posé les cierges devant ma porte le temps de remettre la clé à sa place, vite, vite. J’ai planqué le corpus delicti dans mon anorak et je suis reparti vers chez Lucie plein de remords mais aussi de fierté, je dois bien l’avouer.
En marchant dans la nuit, j’ai repris un peu mes esprits.
Par temps de pénurie, il faut savoir se débrouiller.
J’ai été capable d’imagination et de célérité.
Tout le monde peut devenir criminel, j’en avais la preuve.
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