"Une toile d’araignée brillait dans l’encadrement de la porte d’entrée. Elle occupait tout l’espace disponible, recouvrant l’intégralité de l’ouverture, à la façon d’une grille de sécurité. Des fines gouttes d’eau perlaient sur les fils de soie, tombant sur le sol ou roulant tout le long jusqu’à un nœud où une plus grosse goutte se formait pour tomber à son tour. Il s’approcha doucement, effrayé par ce qu’il voyait devant lui. Il leva la main à hauteur de son visage et toucha un fil du doigt. Celui-ci trembla, laissant tomber une myriade de gouttelettes, dans un effet qui aurait pu être magnifique. Il eut envie de vomir, réprimant un haut le cœur. Car le fil de soie ne cassa pas. Il l’avait senti s’enfoncer dans la chair, comme l’aurait fait la lame d’un scalpel."
"Une fois dehors, il se dépêcha de mettre ses écouteurs et d'allumer son baladeur, qui diffusa Nick Cave et sa chanson « Where the Wild Roses Grow ». Il prit une respiration, ferma les yeux et laissa le couple de chanteurs lui donner sa vision de l'amour."
"Puis il entendit un rire, aigu et moqueur. Ce rire fit littéralement voler en éclats le silence de la salle. Ce fut une souffrance sur laquelle il ne put mettre de nom. Car ce rire, il l'avait reconnu. Il aurait pu le reconnaître parmi une foule entière. Lorsque les néons se rallumèrent, il aperçut Charlotte et Andréas, main dans la main, hilares. Ils rigolaient tellement et tellement fort que le reste de la salle s'esclaffa aussi, bruyamment."
"C’était lui qui avait aiguisé les couteaux de la maison et il avait admirablement bien travaillé. Pour celui-là en particulier, il lui avait précisé que cela lui faciliterait grandement la tâche dans sa découpe du poulet. Elle eut presque envie de rigoler à ce souvenir, mais le rire s’étouffa dans sa gorge. Est-ce qu’il avait déjà aiguisé des couteaux pour sa nouvelle pouffiasse ?"
"Il lézarda ainsi, jusqu'à ce que sa peau soit complètement sèche. Il se releva et prit lentement la direction du crash. L'avion apparaissait d'un coup, au détour d'une dune. Petit et gris, son aspect abîmé lui donnait un air de peinture d'enfants. Sa queue relevée et la masse informe qui autrefois était le cockpit en faisaient pourtant un engin bien réel."
" Le moment où, me retournant vers toi, heureux comme un prince, je te vois dans les bras de ce charognard. Tu n'as pas idée de la torture que ce fut. C'est pour ça que j'ai mutilé la blatte, lui retirant les pattes une par une, pour finir par la décapiter à l'aide de mes ciseaux. Bien sûr que tu n'en as jamais rien su."
"C'est ici que je suis né. C'est ici que je suis né, lorsque le monde est mort. Ce n'était pas dans un cri, mais dans un murmure. Le monde était alors peuplé d'êtres sans fond, parcourant la terre sans véritable but, allant de ci de là, à la recherche d'une raison de vivre."
"La Machine, elle, analysait les données qu'elle recueillait par vague de milliers de giga-octets. Elle continuait ses expérimentations, classifiant ses données en ordre précis, émotion par émotion, réaction par réaction, créant des hyperliens dans son savoir universel."
"Elle apprit alors que l'Homme ne peut se passer d'autorité, il est conditionné dans sa globalité à obéir à une instance supérieure, moralisatrice et punitive, à l'image d'une hiérarchie patriarcale. La population continuait ainsi à se soumettre au pouvoir en place."
"Il aurait pu protester, mais à quoi bon ? Ce qu'il ne pouvait avoir à un endroit, il allait le prendre ailleurs. C'était comme ça depuis tellement longtemps qu'il avait fait le deuil de sa dignité. La liberté n'apportait pas tout, loin de là."