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Citations de Mathieu Brosseau (38)


.. il se pouvait donc qu’en toi, rien ne fasse fin, il faut dire que la fin, tu la portais en toi, dans un sac à dos troué, il faut dire que tu as cru que dans la fuite il y avait de l’infini, tu as pensé que par les trous, il y aurait des mondes à toucher, aussi durs que ma corne
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Il Padrino, lui, était désormais immobile et muet, sur son siège à bascule. Une poche à pisse à droite, une poche à merde à gauche, il portait un bavoir couleur arc-en-ciel qui recueillait la mousse écumeuse que sa langue repoussait par à-coups brefs. Il ne bouge pas le vieux, se disaient ensemble les sœurs jumelles, la vieille a dû lui couper les roustons, à force de les lui ronger, c’est ça l’amour, pas vrai ?
Elles en déduisaient qu’avec l’âge et l’infirmité, on était moins conquérant.
Quand il était beau gars, il avait dû traficoter pas mal, Il Padrino, comprenaient-elles, à venir de l’Autre Ville avec sa palabre, à faire son commerce avec les peuples en guerre, ceux du désert, qu’est-ce qu’il avait dû pavoiser ce conquérant voleur de pièces de musée, pilleur de païens animistes, aspirateur de cultures à recracher plus tard aux archéologues amateurs de ruines, poussières, et qu’est-ce qu’il en vendait des armes pour que les primitifs s’entretuent, munitions aux fous de dieux archaïques, ventes d’œuvres d’art aux opulents, et on tire sur ceux qui ne veulent pas de nos armes, et on écarte ceux qui ne veulent pas de notre culture-la-nôtre, on vend des mitraillettes et avec l’argent récolté, on se fabrique des musées dans la Ville ou dans l’Autre Ville monte des expositions qui inspirent nos peintres en mal de gâchettes, parce qu’il n’y a pas de sang sur les pinceaux, tout se transforme, et dans le désert, ça vend, ça n’arrête pas de vendre, et ça transite comme dans les intestins, la guerre, ça se passe dans les boyaux, il y a un espace pour tout, le lieu des intestins et le lieu du crâne, les militaires se musclent l’œsophage barbare à force de gueuler, et les kalachnikovs caquètent, dessinent le contour des corps étendus, et les agonisants font la même tête que lorsqu’ils sont nés, magnifiques, qu’ils sont beaux ! une bulle sur leur bouche, qui claque, un soubresaut avec le ventre rouge, si beau ! et Il Padrino, il en vendait du sang, de la gouache, et les barbares, eux, pour croire que le monde a une raison d’être, qu’il a la vérité d’un art, et c’est pourquoi ils s’entretuent, la prière, et Il Padrino, il savait ça, il avait des relations à travers le monde, les barbares pensent qu’il y a des idées qui valent mieux que leur propre vie, mais ils ne savent pas que la nature, c’est-à-dire les vagues continues de la matière, est la seule chose qui ait une raison, parce que les hommes, eux, n’ont pas encore leur vrai visage.
Il Padrino avait toujours été une ordure, il n’avait plus de roustons, il voyait le monde comme un réseau de capitaux, un marché de symboles et de faux sentiments dégueulasses. La Bourse des guerres et des Musées, il avait tiré des ficelles, lui et ses amis. (…) Il Padrino et ses pairs avaient passé leur vie à faire croire qu’ils ne faisaient que bouger des flux, fruits de leurs vols et ventes et c’était tout, que ça bougeait comme des cartes sur une table de voyante, un point c’est tout, ils déclinaient toute responsabilité, ne faisaient jouer que des mouvements entrants et sortants, tout naturellement, rien de plus. C’était ça la vie, entrer et sortir. Rien de plus. Entrer ➔ sortir.
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homme libre, tu verras l’immensité toute tendue contre les coeurs des uns et des autres mêlés, tu seras parent des temps concentrés dans l’expression des vies, tu seras l’âne et le corbeau puissant, l’aigle et le vers disgracieux, de jugement tu n’auras que celui qui absorbe tes mouvements dans la joie, les chatouillements et les vacillements du corps seront rejetés comme diable en aval, la parole donnée sera source de rafraichissement, les mains mortes donneront à boire, non dans la charité, seulement dans l’expression du vivre là dans ça, en son corps, en son temps, homme libre, tu ne craindras plus l’accident, tu seras l’accident, l’éclair de l’accident. Et nous nous aimerons quand même il serait trop tard.
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.. revenir à ce qui est nôtre, par les animaux qui me délient dans les landes désertes à l’abri d’une mer à peine calmée, au delà de la succession, il paraît que nous vivons, je ne parviens pas à y croire, je détermine l’horizon seul, il est un lieu réel où nous ne vivons pas, une cachette où tout est nombres, par l’ombre, où tout est nombres encore inconnus,
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... nous nous fabriquons et nos prières s’adressent à nous-même, nous ne saurions vivre sans acheter nos possibles, nous ne saurions vivre entre deux os, sans lien, garde-toi de perdre la mémoire, c’est autant de possibles qui te quittent, c’est autant de promesses qui périssent, garde-toi d’oublier la trace de ton corps, elle définit ce qui advient, tout se transforme, le train avance, celui du continu, les rails portent la valeur de l’échange.
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Tout se passe comme si l’absence n’avait pas sa place au monde. Il collectionne les évidences comme autant de souvenirs laissés sur la pierre et les murs. S’il fait silence, il n’y aura pas d’horizon, s’il le fait, ce sera-là sa seule certitude. Il voit là-bas ce qu’il faut voir... et s’il oublie, il ne peut plus. Il ne peut plus oublier qu’il a jambes et bras et tête. Impossible !
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Prendre corps au rebond



Extrait 2

Et un corps, ne jamais répondre à la question triviale :
« Oh, mais quel bon vent vous amène ? » Taire la pensée
des autres n’est pas la nier, elle, non, non, c’est juste
rester fluide, le, fluide, dans ses, attaques, et, ses, remous.

Ça ressemble à du rafting ça.

Ou à un corps ça.

Un objet chutant sans fin dans un tunnel mal pavé,
chutant comme celui d’une pensée vivante, un corps-
poupée parfois raclant les pierres, rafting, chutant,
ou rebondissant contre elles, parfois tamponnant
contre les rochers qui l’expulsent ou glissant dans
un air noir.
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"Ma chère Amie,

Il serait convenable que vous appreniez par la présente combi­en la peur, une peur honteuse, une peur coupable, m’habite quand je vous vois me regarder dès lors que je prends la parole avec mes lèvres, ma salive et ma langue ; toute cette chair m’épouvante jusque dans les extrémités les plus insensibles de mon corps."
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"Tout ce qui était creux devenait plein et le plein de la bouche devenait bruit."
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"quand il s’agit, pour nous de parler, le corps de la voix, non juste son timbre mais sa parole en entier, le grave de la voix, l’hésitation, le silence, la culpabilité, la lenteur, le corps des mots, leur sens, l’haleine, le corps du corps, les yeux qui disent, la phrase, l’ensemble, du début à la fin, la fin comprise dès le début, le bègue, le début qui fait obstacle, la difficulté de dire, le corps de la bouche, le corps de la voix, de ce qu’elle a à dire, coupable, pourquoi dire, s’autoriser, imposer les mains de sa parole, avoir une place, le corps de l’ombre, une honte, non, avoir cette joie, cette égalité, apaiser la rencontre avec le corps, le corps dit, le corps parle, il a à dire le corps de la parole,"
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Et dites-moi, vous saviez que sur Mars, malgré son nom, il n’y a pas d’armée ? Il n’y a que des Martiens, dit-elle avec un sourire dégagé. Ils élèvent des brebis rouges. C’est un peuple libre et sans attache, leur seule langue est celle de l’émotion, il n’y a pas de langage à proprement parler ; toute gesticulation, tout râle n’est bon qu’à transcrire l’émotion. Leur vrai problème, c’est que ceux des autres planètes souhaitent les envahir. Or ils sont sans défense et le rouge de leurs brebis attire tous les guerriers interstellaires. Un peuple maudit…mais ils nous survivront, je pense.
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Vivre ne sert qu'à ça -> voir les rêves dans la vie -> attendre, attendre qu'ils apparaissent et noyautent le Chaos, que des histoires fabuleuses interviennent toujours et encore dans le cours des choses. Pour que nous puissions nous rencontrer. Vous et moi.

Alors oui, sans les yeux, voyons-nous au milieu des flots torrentiels et des courants du Nouveau Monde.
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Il n’y a pas d’âge pas plus que d’esprits. Il n’y a que des phénomènes superposés par effet de rouleau et qui en définitive n’en sont qu’un seul, communiquant, le singulier et le plusieurs se rejoignent, les langues apparaissent dans les plis de cette immense vague, ce phénomène qui décolle et s’écrase en un rouleau multiplicateur de confettis géants, aucune forêt ne cache l’arbre, aucun arbre ne cache l’autre arbre, il n’y a qu’une vague d’arbres uniques au-dessus de laquelle se courbe le monde plat du ciel, aspirant les vagabonds, les errants par son sablier filamenteux. Il n’y a pas de chose, il n’y a que des pertes.
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La peur hurle à l’intérieur de la bouche, qui se met à faire des histoires, c’est sûr, mais M. n’a jamais eu peur, même tout petit. Il n’avait pas encore deux ans qu’il coupait déjà la tête de courageux vers de terre avec un couteau de cuisine géant. La guillotine, comme Pinocchio, lui faisait grandir le sexe, à force d’avoir une tête à plusieurs têtes. Les fables poussaient toujours sur de la bonne peur, cette bonne pâte, cette panique, reine maîtresse de toutes les folies mais M., lui, ne comptait que des paroles entre le monde et lui ; elles étaient sa seule histoire.
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C’est dans le chahut, le bouillon ou bien le calme absolu que toutes les lignes de ce livre sont tracées, et lancées depuis l’origine d’une trachée en mouvement.
Aujourd’hui, le gant s’est retourné, le temps est blanc, les mots sont le chemin même et la mémoire est anthologie de mythes.
Tout bouge, moi avec, le style est humeur ; tantôt le bateau ne bouge, tantôt file avec la grâce de l’étalon, puis paraît sans raison mis en difficulté par un petit vent, il vogue précieux un jour, et insulte les courants le lendemain, il cause charretier à t’en foutre du dégoût, puis vire de bord avec l’élégance royale d’un trois-mâts.
Tout bouge, moi avec, le style est humeur des vents et des marées.
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à ceux qui voudraient entrer, là dans l’acier, intérieur, sans doute est-il possible, non par érosion mais par fracas, de s’y insinuer tant nous sommes tête d’eau, vous êtes, et si la rupture de vos corps tendus, corps claqués, là sur le seuil d’une ligne invisible, frontière poreuse des choses prisonnières, dedans le dehors des surfaces de fer, et si rupture se fait, là tête d’os, craquage de phalanges, un temps de métronome buté battant contre l’acier, elle est moins de corps, la tête, que de souffle ; souffle, souffle sur cette matière, vous l’animal, toi léchant la texture. Vous tapant, un jour au dedans un œil se réveillera. Un jour, à l’intérieur de l’oeil, un objet sera retrouvé, ce VÔTRE tant et tant perdu.
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Ah, j’aime aujourd’hui penser la culpabilité comme un fondement de nos perceptions. Notamment de l’espace. Volume, distance, profondeur de champ. Le souffle comme une souffrance.
Ah, respire et crève !
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Ici l’appartement, murs et porte, volets, agencement des livres, cuisine où vaisselle choit, parquet épineux, le lit devant la fenêtre, l’air porte la poussière, des acariens plein les tissus, un plafond et quelques craquelures, une armoire pauvre en vêtements, ils sont froissés, des clés solitaires sur la commode silencieuse du vestibule, la porte d’entrée ne s’ouvre jamais sans la peur de perdre, un peu d’air, la peur d’échanger son intimité, son identité, qu’on sorte ou entre, le lien et l’entre-deux, l’articulation et l’entretemps, une rumeur dit que la folie guette ceux qui violent les frontières.
Et pourtant, et pourtant, écoutez la bouche en distance percée.
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Prendre corps au rebond



Extrait 1

Allons

Mieux vaut, amnésiques et funestes, prendre son
  corps au rebond plutôt que rire de sa trace.

Ou pire : s’endormir dans le lit de son récit.

Mais, définitivement, l’irréparable serait de prendre
deux corps ou plus, porteurs d’autres vies. Leur fiction
vous attirerait irrémédiablement vers leur jus sucré
collant et vous n’y échapperiez pas, sauf à devenir
bêtement fou (c’est-à-dire détisseurs de broderies).
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Et quand j’avance…



Et quand j’avance
en cadavre, rien, rien ne juge en retour
pas même pas même : rien

ça tire, et traîne un corps, ça

des yeux sont ouverts au scalpel, miens
l’écorce des pupilles remonte et se retourne
à la façon des pétales

sève, lave ou pus poussés
à la vitre les yeux d’un mort ne disent : rien
pas même pas même

et se libèrent et s’envolent les derniers oiseaux
encore là, restés



il n’y a plus qu’un œil à la fenêtre
pas plus
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