Chaos : ouverture, abîme, cavité / confusion générale des éléments de la matière, avant la formation du monde / ensemble de choses sens dessus dessous et donnant l'image de la destruction, de la ruine, du désordre.
Dans un monde tout en dualité et en conjonction, où la cellule se divise d'abord en deux, pour former trois, trois femmes au même prénom, qui ne se distinguent que par leurs caractéristiques, trois furies, reines du
chaos, la sainte trinité de la noirceur, en deux lieux différents, la Ville et l'Autre Ville, mais aussi la Ville Frontière, deux puis trois, encore, et ce train qui traverse les lieux comme la pensée traverse l'esprit, charriant son lot de paysages, de lieux communs, de nouveauté et d'émotions. Lorsque l'on n'a pas d'identité, qu'on est juste la copie de la copie, qu'on est soi en même temps qu'une autre, mais pas tout à fait, et qu'on est plus que la Folle, il y a de quoi devenir...
La folie, qui n'est ici rien d'autre qu'un traumatisme, celui d'être venue au monde dans un monde qui ne veut pas de soi, le cordon non encore coupé et ce vide qui aspire, toujours, l'invitation du
chaos, comme celle du serpent, l'oeuf cosmique. La mort plutôt que la vie, et comment ne pas perdre la tête, le corps, et cet oeuf toujours, sur le front, le phoenix qui renaît de ses cendres et les avale toutes crues.
Récit étrange, décousu, le passé mélangé dans le présent, une institution psychiatrique où l'on peut juste disparaître comme ça, presque un conte de fée où le preux chevalier enlève la princesse, sauf que non, c'est beaucoup plus noir. Une enfance terrible, une vie en hôpital, un exil thérapeutique, un élan de folie dans la folie dans la...
Une lecture pour le moins dérangeante, avec des faux airs parfois presque enfantins, naïfs - parce que si spontané, hors des règles adultes -, mais sans joie, sans illusion, avec le mauvais oeil qui guette, comme une plaie qui démange. Une écriture à vif, comme le dégorgement d'un mental à nu, sans le filtre de la raison, de l'esthétique, comme attrapée en l'air et retranscrite par le
chaos. Spectateur silencieux qui entend palpiter les cerveaux et les tripes de chaque personnage en approche et tout se mélange en une cacophonie à bout de souffle, pour qu'à la fin on ne sache plus, et c'est comme une sorte de virus dans l'air qui contamine, pour qu'à la fin les médecins deviennent fous et que les fous retrouvent leur tête - et tout le monde a du sang sur les mains dans cette famille, absolument tout le monde.
Et puisque c'est dans un train que j'ai englouti ce
chaos, dans un train vers d'autres lieux, et ce sentiment d'étrangeté qui fait quitter les repères pour s'abandonner dans le grand vide, alors je peux le dire, j'ai été littéralement soufflée, et ça m'a piqué, un peu, puis comme une caresse et des chatouilles dans le ventre pour finir comme une bosse au milieu du front. Il y a là de quoi être secoué.e si tel est votre souhait, attachez vos ceintures et enfoncez vos chapeaux, glissez dans l'abîme.
(voir la critique intégrale sur le blog)
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