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Citations de Matthieu Dauchez (11)


Je préfère ne pas répondre, car le ton de sa remarque m'agace un peu, à vrai dire. Pourquoi faut-il toujours que l'esprit moderne se raille de tout ce qui est spirituel
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Candeur
« Aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis. » Cela me rappelle la réflexion amusante d’Adrian, un enfant de la rue de onze ans qui était très intrigué par les procédures d’entrée au Paradis. Il s’ensuivit un dialogue insolite.
- Mon père, c’est bien saint Pierre qui garde la porte du Paradis et qui fait entrer ceux qui montent au Ciel…
- Oui, si tu veux, lui répondis-je, un peu amusé par le ton assuré de sa remarque.
- Mais il y a des gens qui meurent tous les jours, n’est-ce pas ?
- Oui, mais où veux-tu en venir ?
Adrian prit un air stupéfait :
- C’est dingue ! Ça veut dire que saint Pierre, il n’a aucun jour de repos.
Puis il me jeta un regard pressant :
- J’ai aussi une faveur à te demander. Tu es beaucoup plus vieux que moi, donc tu devrais monter au Ciel avant moi…
J’avoue que je fus quand même u peu contrarié de me voir déjà mis en si bonne place sur les starting-blocks de la course au Paradis.
- C’est ce qui devrait effectivement se passer, dans l’ordre des choses. Mais que veux-tu ?
Son air solennel m’intriguait, la demande devait être sérieuse. Adrian continua avec gravité :
- Pourrais-tu m’attendre au portail, s’il te plaît, quand ce sera mon tour de monter au Ciel, parce que je ne suis pas sûr que saint Pierre me laisse entrer…
Merveilleuse innocence des enfants. »

La prieure (avec une grande douceur) : « Que dites-vous, Sœur Constance ? Je vous donne bien volontiers la parole. Quand les sages sont au bout de leur sagesse, il convient d’écouter les enfants. »
Georges Bernanos, Dialogue des Carmélites, quatrième tableau, scène VIII

pp. 121-122
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le rejet est plus destructeur que le dénuement, la solitude plus terrible que la misère, l’indifférence plus meurtrière que l’adversité.
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Chapitre 9 Impitoyable pardon

La riposte la plus puissante, mais déroutante à la fois que l’on puisse opposer au scandale du mal, est un pardon donné. Réponse foudroyante parce qu’elle ne détruit pas mais convertit. Le mal n’est pas anéanti, il est transfiguré. Impitoyable répartie, puisque ce dernier, qui veut pourtant détruire, est ainsi inexorablement transformé en bien.
« Lorsqu’ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,33-34).
À la haine des bourreaux, le Christ, inflexible, répond par l’amour. C’est certainement là l’une des leçons les plus exigeantes qu’I l nous donne, mais aussi l’une des plus magnifiques et des plus fécondes.
La souffrance la plus terrible pour un enfant de la rue n’est manifestement pas la détresse matérielle. En effet, ne pas manger à sa faim ou traîner pieds nus dans les rues de la vie est une indigence à laquelle ils s’habituent bien vite. La survie est un art qu’ils maîtrisent à la perfection. Mais leurs cœurs ne s’apaisent pas pour autant, car s’ils ont trouvé refuge sur les trottoirs, c’est parce que leur a été refusé ce droit fondamental, sève de l’âme : aimer et être aimé.
Quel que soit le motif pour lequel ils ont dû fuir le foyer familial, c’est toujours une situation dramatique qui crée fatalement dans les âmes une blessure abyssale, déni d’amour. Leurs jeunes cœurs assoiffés se voient privés de l’essentiel. Ils s’arrêtent de battre, d’une certaine façon puisqu’on leur refuse cette dignité universelle.
Mais encore une fois, ce sont des va-nu-pieds qui nous montrent le chemin le plus noble du bonheur car leur soif d’amour est inextinguible et leurs cœurs crient sans repos le besoin d’aimer. La réponse la plus imparable qu’ils opposent à ce mal intolérable qui leur est fait, c’est le pardon. Ils le défient ainsi et proclament haut et fort, sur les toits du monde, qu’ils ont été créés pour aimer. Alors leurs cœurs se remettent à battre plus fort encore.

Invincible miséricorde
Le pardon est une arme implacable, probablement la plus puissante contre le mal puisqu’elle ne le détruit pas mais le transforme de l’intérieur, intimement. Le mal, formellement absence d’amour, devient lui-même le principe contraint d’un amour héroïque. Il perd toute substance dans ce mouvement simple et naturel du cœur. Il n’a plus de prise sur sa victime et devient tout bonnement impuissant.
Le pardon est donc une clé incontournable du bonheur parce que nous devons tous, immanquablement, le donner et le recevoir. C’est pourquoi, nous sommes tous, fondamentalement des « pardonnés ». Par conséquent les enfants des rues et des bidonvilles de Manille nous incitent à nous rendre disponible à cette miséricorde, paradoxalement si naturelle : aspirer à la grâce de pardonner – ce qui est très exigeant – et être pardonné – ce qui est encore plus exigeant.
Dale est un jeune qui a passé quasiment toute son enfance dans la rue. Il fut chassé du Foyer familial par un père irascible, alors qu’il n’avait pas encore atteint l’âge de raison, et se retrouva à errer dans les rues de la capitale sans comprendre ni même savoir les raisons de ce rejet. Il était persona non grata, condamné sans chef d’accusation.
Ce bannissement avait semé le poison du ressentiment au fond du cœur du jeune garçon, et provoquait parfois chez lui des accès de colère incontrôlables. Le volcan explosait pour évacuer une pression intérieure accumulée au cours des semaines, sans pourtant l’atténuer, et son cœur ne trouvait pas la paix. Il n’avait jamais vraiment réussi à se stabiliser et multipliait les allers-retours entre la rue et la fondation. Les éducateurs ont toutefois toujours réussi à maintenir un lien avec lui et Dale venait régulièrement se réfugier au centre d’accueil pour échapper aux dangers de la jungle urbaine ou simplement se reposer quelques jours.
Peu de temps après son quinzième anniversaire, Dale apprit qu’à la suite d’un cancer foudroyant, son papa s’était éteint sans qu’il ait eu le temps de le revoir. La nouvelle fit l’effet d’une bombe pour le jeune garçon qui fondit en larmes. Il était dévasté.
Je m’approchai de lui et tentai de le consoler avec des mots inévitablement maladroits mais Dale tourna la tête vers moi et, les yeux rougis par le chagrin me dit :
- Tu sais ce qui me fait le plus souffrir ? C’est que je ne pourrai plus jamais lui pardonner.
Les larmes les plus amères proviennent de pardons que l’on n’a pas donnés, les larmes les plus douces des pardons que l’on a reçus.
Matthieu 6, 9-15
Les larmes de Dale étaient sans aucun doute la manifestation extérieure d’une peine immense, mais aussi, inconsciemment, l’expression évidente de ce pardon qu’il aura tout de même donné à son papa, de manière mystérieuse.
Le bonheur est certes cruellement terni par le mal, mais il est en revanche ennobli par tous ces petits actes d’amour gratuits et inaperçus, donnés par ceux qui retrouvent ainsi leur dignité d’homme. Les plus pauvres sont, ici encore, nos maîtres car, préservés de l’illusion matérielle, ils gardent les yeux fixés sur notre vocation commune et éternelle : aimer et être aimé, ce qui peut en fin de compte se traduire par pardonner et être pardonné.
« La suprême forme de l’amour, disait Gustave Thibon, consiste à consoler le méchant du mal qu’il nous a fait. » (Notre regard qui manque à la lumière, 1953, p.30) Nos cœurs, s’ils se disposent au pardon, neutralisent vraisemblablement le poison amer de la rancœur. Les enfants des rues et des bidonvilles de Manille placent la barre très haut. Ils nous font cheminer du pardon impossible au pardon nécessaire.
Par le mal qu’ils subissent, nos jeunes victimes semblent être réduites à n’être que des objets aux yeux du monde. Il n’est donc pas étonnant que les piétons déambulent à côté d’eux sans même les apercevoir, ou que les décharges de la ville leur soient dévolues. Par le pardon, en revanche, c’est un soufflet retentissant qu’ils nous donnent. Ils prouvent à la face du monde que leurs cœurs sont dignes d’aimer et d’être aimés et qu’ils embrassent cette dignité avec une force bien plus époustouflante que nos propres cœurs ankylosés. Ils accomplissent le plus beau miracle : la résurrection.
Pablo a perdu sa maman alors qu’il n’avait que cinq ans. Cette souffrance, insoutenable pour un enfant, fut en outre exacerbée par l’absence d’un papa toxicomane, esclave de la drogue, et impliqué dans un trafic qui lui faisait oublier totalement son devoir de père. Pablo était laissé à lui-même, négligé. Il trouva refuge dans la rue, dont les dangers apparaissaient finalement moins cruels que l’indifférence de celui qui aurait dû lui manifester le plus grand amour.
Le jeune garçon n’échappa malheureusement pas aux traumatismes liés à la vie d’un enfant de la rue, qui laisse inéluctablement des blessures vives et tenaces au fond du cœur. Mais il fut vite retrouvé par les éducateurs de la fondation et rejoint le foyer d’accueil où il passa toute son enfance.
Son papa n’est jamais venu le visiter. Il s’enfonçait inexorablement dans sa passion destructrice, et, comme il fallait s’y attendre, finit en prison condamné à une lourde peine.
Pablo a aujourd’hui vingt-deux ans. Il s’est marié avec une jeune fille qui a connu, comme lui, les déboires de la rue, et ils ont eu un petit garçon au sujet duquel Pablo déclara avec détermination au jour de sa naissance :
- Mon fils ne vivra jamais ce que j’ai vécu.

Or, il y a quelques mois, son papa est sorti de prison, sans ressources ni recours. Disgrâce violente, conséquence directe d’une vie corrompue par le vice. Ses anciens amis d’infortune lui tournèrent le dos, sans pitié ni compassion. Il était jeté à la rue et n’avait donc plus d’autre choix que de reprendre contact avec son fils.
N’était-ce pas le moment rêvé pour rendre la monnaie de sa pièce à un père indigne et lui faire enfin éprouver la morsure du dard terrible de l’indifférence ? Pourtant Pablo l’accueillit chez lui, sans hésiter un seul instant. Il lui rendit sa place de père et lui offrit en prime, celle de grand-père. J’étais estomaqué par la simplicité avec laquelle notre jeune chef de famille avait ouvert les portes de son foyer. Il me donnait l’impression de revivre la magnifique parabole du fils prodigue (Luc 15, 11-32).
La similitude entre les deux scènes est saisissante, sauf que cette fois, c’est le père qui « est revenu à la vie » relevé par la miséricorde si spontanée de son fils.
Un jour, alors qu’il me partageait sa joie de voir sa famille se recomposer, je me risquai à lui demander :
- Pablo, n’as-tu pas ressenti de colère en voyant ton papa revenir ainsi après tant d’années ?
Le jeune père de famille me dévisagea comme si ma question le surprenait, puis il afficha un franc sourire :
- Pas le moins du monde ! Mon histoire fut douloureuse, mais elle est aujourd’hui heureuse. Pourquoi donc l’assombrir à nouveau avec le poison de la rancœur ?
Le papa a retrouvé assez vite un travail dans le quartier. Je l’ai croisé plusieurs fois près de la fondation… Il portait toujours affectueusement son petit-fils dans ses bras.
« Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font », c’est bien à cet instant si solennel de la Croix, au moment même où le péché est commis contre l’innocence suprême, que l’amour le plus noble et le plus éclatant se manifeste : la miséricorde. Le pardon donné terrasse le mal. Le bien triomphe parce que, par amour, il s’est laissé dominer. Cette parole du Christ en Croix n’est pas seulement émouvante, elle est aussi prodigieuse car elle résume en quelques mots toute la substance du salut.
Le pardon est la contre-attaque la plus infaillible, celle qui désarme littéralement l’ennemi. Il est à la fois, une expression resplendissante de l’amour de Dieu pour l’homme et son plus vibrant appel. « Supportez-
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La résilience est déconcertante car elle surgit dans l’épreuve comme un secours intérieur inattendu, un bouclier qui nous protège contre les flèches assassines de la désespérance.C’est une grâce qu’il faut savoir accueillir.
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écoute ton cœur un instant, Anjo. Laissez-le parler. Apprends son langage, c'est une parole vraie. Puis passant sa main sur les yeux d'Anjo pour le forcer a fermer ses paupières, il chuhota : entends ces mots qui ont valeurs d'éternité.
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En fait, tu t'apparentes à tous ces hommes qui s'imaginent intelligents parce qu'ils sont obsédés par le doute.
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Le mal c'est être privé de ce qui nous est dû.
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Un coeur brave, c'est celui qui s'agenouille pour demander la grâce d'aimer et se lève pour la vivre.
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"Que personne ne vienne à vous sans repartir meilleur et plus joyeux" disait la sainte de Calcutta
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Matthieu Dauchez
Le chromosome de l'amour

Le cardinal Luis-Antonio Tagle, archevêque de Manille, est connu pour sa simplicité et son amour des plus pauvres. Lors d’une visite à la fondation, il s’est amusé à demander à un groupe d’enfants assemblés devant lui, ce qu’ils aimeraient être quand ils seront adultes. Les plus jeunes se sont facilement prêtés au jeu et nombreux sont ceux qui se sont approchés de l’estrade pour répondre au cardinal et partager leur rêve devant les autres.

Le prélat tenait le microphone et écoutait avec attention chaque réponse. Nous ne saurions comptabiliser les garçons qui ont dit vouloir être policiers, ni les filles désirant être maîtresses d’école, bien évidemment, mais nous avons pu recenser aussi quelques soldats, médecins, infirmières… et surtout un certain nombre d’enfants a fait part de leur volonté de reprendre le flambeau des éducateurs dans la fondation afin d’aider, à leur tour, les enfants abandonnés dans les rues de Manille. La scène « tait touchante.

Mais le plus bouleversant fut le moment où la jeune Toinette, enfant trisomique de quinze ans, extirpée quelques années auparavant d’une prison de quartier, s’est approchée à son tour. Le cardinal fut aussitôt conquis par son pas assuré et son regard malin. Son handicap mental n’a jamais modéré sa témérité et la jeune fille ne semblait pas du tout intimidée de parler devant tout le monde.

L’échange fut déconcertant :

- Et toi, Toinette, alors, que veux-tu faire dans quelques années ?

Et sans hésiter, elle répondit :

- Quand je serai grande, je veux être l’amour !


C’est une jeune fille trisomique, enfant de la rue à Manille, qui résume en quelques mots le chemin le plus noble qui soit. Mystérieuse innocence. La sagesse de notre petite trisomique nous rappelle très fortement celle de la petite carmélite de Lisieux :

« La Charité me donna la clé de ma vocation. Je compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plu nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un cœur et que ce Cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’amour enfermait toutes les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… En un mot, qu’il est éternel !

Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée :ô Jésus, mon Amour… ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’amour !... Oui j’ai trouvé ma place dans l’Église et cette place, ô mon Dieu, c’est vous qui me l’avait donnée… Dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’AMOUR… »


Je me souviens avoir entendu le magnifique témoignage des parents d’un enfant trisomique. La maman partageait la stupeur qu’ils avaient ressentie à l’annonce du handicap, mais aussi le refus catégorique qu’ils avaient opposé à la solution facile et injuste de l’avortement. Elle avait expliqué avec humilité la peur des premiers mois, la difficulté du quotidien et la souffrance provoquée par les regards indélicats et les remarques maladroites ou volontairement cruelles d’inconnus. Puis elle avait eu ces mots si profonds :

- On m’a expliqué que le handicap de notre petit garçon était d’avoir un chromosome de trop. J’ai mis plusieurs années à comprendre qu’il s’agissait du chromosome de l’amour !

On ne répond pas au mal par une équation mais par une effusion d’amour. Les puissants de notre monde en souffrance, ne comprennent apparemment pas cette logique, mais les plus pauvres l’ont assimilée en profondeur et la mettent en pratique avec générosité.

pp. 118-121
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