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Citation de missmolko1


La Mort descend sur le quai numéro trois à 8 h 14, avec sept minutes de retard.
Elle se fond dans la foule des migrants journaliers, ballottée entre les sacs, les mallettes et les valises, qui ne sentent pas son haleine froide. La Mort marche d’un pas hésitant, se protégeant contre la hâte des autres voyageurs.
Elle traverse le vaste hall de gare, parmi les hurlements de gamins et les odeurs de croissants décongelés. Elle regarde autour d’elle, sèche d’un geste rapide une larme sous le verre gauche de ses lunettes, puis son mouchoir regagne la pochette de sa veste.
Le bruit et le flot de personnes qui circulent entre les magasins récents lui indiquent la sortie. Elle ne reconnaît pas les lieux, du reste tout a changé au cours de ces longues années. Elle a tout planifié dans le moindre détail. Hormis la recherche de la sortie, il n’y aura pas un seul moment d’incertitude.
Nul ne la voit. Les yeux d’un jeune homme qui fume, adossé à une colonne, glissent sur elle comme si elle était transparente. C’est un regard clinique : rien à piquer, les souliers usés et le costume démodé en disent aussi long que les verres photochromiques et la cravate foncée. Les yeux poursuivent leur chemin et s’arrêtent sur le sac ouvert d’une dame qui parle au téléphone en gesticulant frénétiquement. Personne d’autre ne voit la Mort traverser, incertaine, le vestibule de la gare.
La voilà dehors. Humidité, odeur de gaz d’échappement. Le trottoir boueux est glissant. Il vient juste de cesser de pleuvoir, mais déjà un rayon de soleil se fraye un passage entre les nuages. Plissant les yeux dans la lumière soudaine, la Mort sèche une autre larme. Elle regarde autour d’elle et avise la station de taxi. Elle marche en traînant un peu les pieds.
Elle monte dans une voiture en mauvais état où l’accueillent des relents de tabac froid et une banquette défoncée. Elle murmure l’adresse au chauffeur, qui la répète à voix haute pour en avoir confirmation, avant de démarrer sur les chapeaux de roue et de s’insérer dans la circulation sans céder la priorité. Nul ne proteste.
La Mort est arrivée en ville.
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