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Citations de Maurizio de Giovanni (257)


Qu'attends-tu du printemps ?
Que demandes-tu à cette saison qui t'offre, arrachées au parfum de la mer, de nouvelles fleurs et de nouvelles idées ?
Peut-être oublier le froid et l'humidité de l'hiver. Ne serait-ce que cela. Quitter les manteaux gris, les protège-bottines, ranger les parapluies après en avoir ciré la toile une dernière fois. Recouvrir les pantalons de papier journal pour qu'ils ne prennent pas de faux plis.
Ou bien de goûter les fruits nouveaux et retrouver les saveurs attendues comme les membres d'une famille de retour de voyage, un temps oubliés mais toujours familiers.
Que demandes-tu en cadeau au printemps ?
De ne plus côtoyer pendant plusieurs mois les gants épais aux bout des doigts un peu usés, et les bas de laine ornés d'un trou impertinent qui résiste à chaque raccommodage. Et pourquoi pas de redécouvrir un chapeau de paille ou un foulard coloré qui aura résisté aux mites.
Le printemps pourra peut-être t'offrir un nouveau souffle, avec la saveur des feuilles nées dans le bois de Capodimonte, si le vent trouve le bon versant ; ou l'image d'un cocher endormi sur le siège de sa calèche, un sourire vague posé sur sa bouche édentée, perdu derrière un rêve de jeunesse, indifférent aux mouches attirées par l'odeur de son cheval.
Alors, les scugnizzi (1) accrochés en grappe à l'arrière des trams qui remontent la via Medina te sembleront plus joyeux au printemps, lorsqu'ils interpellent lestement les jeunes filles à leur sortie du collège, piazza Dante, leurs livres sagement attachés par une sangle. Et lorsque leurs amoureux serreront les poings et les inviteront à des duels sanguinaires, ils se seront déjà élancés en riant via Toledo, dans leur course journalière vers la mer.
Que demandes-tu au printemps, tandis que tu te laisses aller à de nouvelles espérances jusque-là insoupçonnées, et que tu commences à penser qu'une vie heureuse t'est peut-être réservée ?
Demande au printemps, et peut-être que, dans sa folie, il te donnera satisfaction.

1. Nom donné aux gamins de Naples, orphelins ou abandonnés, qui vivent dans la rue.
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Le vendredi après-midi, la ville se moque de la chaleur, comme elle se moque du froid, de la pluie ou du vent.
La ville, le vendredi après-midi, a une ambiance qui n'appartient qu'à ce jour-là. C'est l'ambiance de l'attente délicieuse de deux journées dans lesquelles l'emprise du travail se relâche, dans lesquelles chacun peut enfin penser un peu à soi. Des jours pour les rencontres, la messe et le bal... La ville, le vendredi après-midi, comble ses rues par l'attente : c'est tellement mieux d'attendre le samedi tous ensemble, au lieu de rester enfermés à la maison. La via Toledo se remplit de voix et de bruits : le vendeur de pastèques qui promet la fraîcheur de sa marchandise, le marchand de café qui roule son pot géant sur un chariot, le marchand de citrons avec ses fruits qui pendent du décor de feuillage de son éventaire. Et les fouaces aux anchois frais, les fruits de mer, les jolies paysannes tenant d'une main une chèvre en laisse et de l'autre un broc en fer pour y recueillir le lait.
La ville, le vendredi après-midi ne veut pas entendre parler de pauvreté ou de faim.
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Le premier matin de froid a une saveur et une couleur qui n'appartiennent qu'à lui. Parce que le froid arrive toujours la nuit, quand les gens dorment, pour les prendre par surprise ; et il arrive juché sur les ailes du vent.
Il arrive en changeant le goût de la pluie, qui sentait un peu la mer et qui, maintenant , sent la glace ; il la transforme en aiguilles qui pénètrent les vêtements et les regards, et modifie la lumière jusque-là noire et jaune, en un mélange gris et uniforme.
Le premier jour de froid, on s'habille au lit : et il en sera ainsi durant tout l'hiver. On se tortille sous les couvertures pour retenir jusqu'à la dernière goutte de chaleur nocturne, on se bat contre la résistance de la chemise de flanelle qui s'accroche aux draps, on garde ses longues culottes de laine qui tombent jusqu'aux genoux, et on enfile bas et jarretières laissés prudemment auprès du lit, la veille au soir.
Et puis, c'est la course vers la cuisine, par les couloirs glacés, pour se débarbouiller à l'évier. Pendant ce temps, mères et épouses apportent en courant les autres vêtements réchauffés sur le poêle enviant les quelques bienheureux qui possèdent des toilettes à la maison ...
Les mères sortent les mitaines qui permettront aux doigts engourdis d'écrire et réveillent les enfants. Elles laveront les plus petits, encore endormis, découvrant juste le bout de frimousse à nettoyer, en prenant le savon de Marseille qui sert aussi à la lessives...
Les poêles marchent à plein régime. Le bois mis de côté ces derniers jours va finalement être brûlé. On se réchauffe les mains en les posant sur le tuyau, à travers un morceau de laine dont la bonne odeur se répand dans la maison...
Le premier matin de froid, même si on s'y est préparé, arrivera sans qu'on s'y attende et cueillera par surprise les anciens avec de nouvelles douleurs et la certitude qu'ils vont vivre leur dernier hiver. Avec un châle noir attaché autour du cou par une épingle, un chapeau usé porté même à la maison, une mélancolie nouvelle se lira dans les regards. Et ce n'est pas seulement à cause du temps qu'il fait qu'un frisson courra le long de la colonne vertébrale.
La première matinée de froid est porteuse d'idées noires.
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Elle n'a pas apporté la feuille de papier, Eleonora. Ca lui semblait inutile, voire nuisible. Comme s'il était nécessaire de fournir des preuves, un certificat.
C'est difficile, d'annoncer une telle nouvelle. On ignore si elle est bonne ou mauvaise. On le comprend en voyant le visage de l'autre, au moment même où le mot tombe dans le vide entre les deux interlocuteurs et devient solide, une rose ou une pierre, une note de musique ou une lame.
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Rosaria était belle, et chaque jour elle devenait encore plus belle. Aucun de ceux qui passaient par les fermes, les commerçants qui venaient acheter les brocolis, les bouchers qui amenaient les cochons à élever, arrivait à la regarder sans tendre la main vers elle. J'avais seize ans et elle quatorze, et je peux pas vous dire combien de fois j'ai retenu mon couteau pour la défendre, de peur de me retrouver en prison. Mais aujourd'hui, j'ai compris qu'une femme aussi belle, elle devrait pas naître dans un endroit comme celui-là. C'est pas sa place. La beauté, commissaire, il faut pouvoir se la permettre.
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Une dernière sortie sur cette mer froide qui ressemble à une table de verre noir, comprimée par un ciel aussi lourd que du marbre.
Une dernière sortie pour défier le temps, pour arracher à l'eau un souffle de vie. Aux heures où le jour se bat avec la nuit, quand les lumières tremblotent dans l'air immobile et que les mains gelées n'ont plus de prise sur les cordages et sur les rames.
Une dernière sortie, plus brève et donc plus désespérée, avec des gestes fébriles rendus frénétiques par le temps et la nécessité.
Une seule possibilité, courir d'un bout à l'autre de l'embarcation pour être sûrs qu'il n'y a pas de noeuds dans le filet, que sous la surface noire les mailles ne s'entortillent pas pour se capturer elles-mêmes, et qu'on ne va pas s'épuiser à remonter une masse de cordes et d'algues, après s'être donné tant de mal.
Une seule sortie, deux fois plus rapide que d'habitude, pour chercher du frais à rapporter dans les paniers de jonc qu'on mettra sous les yeux de ceux dont l'unique préoccupation est d'avoir à préparer le repas de Noël.
Une dernière sortie, avec les articulations douloureuses qui nous laisseront sur une chaise à cinquante ans ou à peine plus, perclus de douleurs, à regarder les jeunes qui finiront comme nous. Une seule sortie dans l'aube glaciale du jour qui précède la veille de Noël, si différent des autres.
Rêvant de tirer un filet plein de petite friture et de calamars, d'ombrines à bouche d'or et de mendoles au ventre argenté, de homards et d'anguilles de mer. Les voir remplir le fond de la barque et les sentir frétiller autour de nos pieds, leur vie contre la nôtre et celle de nos enfants.
Une dernière sortie, vie contre vie pour gagner quatre sous.
Et pour un nouveau Noël.
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En suivant Ricciardi, Maione exhalait de la vapeur, comme une petite locomotive.
"Vous avez tout à fait raison, commissaire. On peut voler la vie de quelqu'un, ses rêves et ses espérances. Le plus grand crime c'est celui-là : le vol de l'espérance."
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Romualdo Palmieri di Roccaspina aurait voulu rêver de son grand amour, mais il rêva de sa femme.
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Au milieu de la matinée, à mesure que forcissait le vent du sud, arriva un parfum indéfinissable, et plus qu'un parfum, une sorte d'arrière-goût, de senteur. Il était fait de fleurs d'amandiers et de pêchers, d'herbe nouvelle, d'écume de mer brisée sur les rochers lointains.
Personne ne le remarqua, pas d'emblée, mais quelqu'un s'aperçut qu'il avait ouvert le col de sa chemise, en avait déboutonné les poignets, avait rejeté son chapeau en arrière. Et une sorte de bonne humeur, comme lorsqu'on attend quelque chose de positif, on ne sait pas quoi au juste, ou qu'il est arrivé une chose agréable, même minime, à un ami : on se sent bien, mais on ne saurait pas dire pourquoi.
C'était le printemps…….
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Assise dans son fauteuil, occupée à tricoter, Rosa regardait Ricciardi dîner. Ou plutôt, elle le regardait pignocher dans son assiette et s'amuser avec la nourriture...
Sans interrompre le cliquètement de ses aiguilles, elle lui lançait des regards par dessus ses lunettes.
Elle soupira : le bonheur est un oiseau rare, qui se pose parfois, mais rarement là ou on l'attend.
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Les files de marins et d'ouvriers s'allongeaient devant les portes des bordels : la saison nouvelle brouillait le sang comme par magie.
Quelques jeunes femmes pleuraient leur amour perdu. Et le printemps riait, narquois, de toutes les promesses qui ne seraient pas tenues.
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Le destin. Encore lui, le maudit, l'impénétrable destin. Le rempart derrière lequel se cachent les peurs, les responsabilités : "c'est le destin", "laisse faire le destin", "ça se passera comme le veut le destin". Dans les chansons, dans les contes. Dans la tête des gens.
Comme si tout était ordonné ou écrit et que rien n'était laissé au libre arbitre des hommes. Mais non, il n'y a pas de destin, pensait Ricciardi en arrivant, flanqué de Malone, devant la porte du divisionnaire, il n'y a que le mal et la douleur.
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Au fond pensa-t-il, cette ville n’est qu’une immense crèche que l’amour, la faim, la haine et les rancœurs font vibrer, qui se protège du mieux qu’elle peut de la chaleur et du froid et réfléchit à la manière d’améliorer sa triste condition. Une crèche dans laquelle les bergers sont prêts à tout.
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Qu'attends tu du printemps? Que demandes tu à cette saison qui t'offre, arrachées au parfum de la mer, de nouvelles fleurs et de nouvelles idées? Peut etre d'oublier le froid et l'humidité de l'hiver. Ne serait ce que cela. Quitter les manteaux gris, les protèges bottines, rangé les parapluies après en avoir ciré la toile une dernière fois.
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Une relation sans avenir, mais avec un présent peut-être.
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L'aube d'un jour de pluie.

Les jours de pluie, on ne voit pas l'aube naître.
Tout à coup, elle est déjà là ,qui vous regarde ,elle est arrivée tandis que vous pensiez à autre chose.

Vous la sentez dans l'air.

Vous voyez la nuit abandonner les gouttes, peu à peu, et soudain il y a une lumière pâle, translucide comme un drap de soie mouillé.

Elle descend doucement ,telle une maladie.

Elle s'appuie sur les arbres gris fumée, couvre les murs de larmes, opacifie les pierres luisantes des rues.

L'aube d'un jour de pluie coupe la respiration et ajoute de la douleur à la tristesse de ceux qui sont encore éveillés.
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La mort est une danse.Une danse conçue par un mauvais chorégraphe.
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La vérité n'est pas toujours celle qu'on l'imagine. Et même, elle ne l'est presque jamais. Elle est un peu comme la lumière étrange de ces lampadaires, tu vois, Livia ; elle éclaire un coup à droite, un coup à gauche. Jamais tout ensemble. Alors on doit deviner ce qu'on ne voit pas. On doit le deviner à une parole dite ou non dite, à une trace, à une empreinte. A un signe minuscule, parfois.
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Le Dr Bruno Modo était chirurgien et médecin légiste. Il avait été formé en Italie du Nord comme officier, mais il pensait que les pires choses, il les avait vues plus tard, en constatant le mal que les gens étaient capables de faire, sans la justification de la guerre. Si toutefois on pouvait reconnaître et tolérer que la guerre fût une justification, pensait-il avec amertume. Il s'étonnait lui-même de son absence de cynisme ; il pouvait encore sentir glisser sur sa peau la douleur des blessures, le flux du sang des pauvres gens qui passaient du matin au soir entre ses mains. Mais il ne s'était jamais décidé à fonder une famille : il n'aurait jamais accepté de lancer un fils dans ce monde qui était devenu un égout sans fond….
Il analysait son époque avec distance et sans la moindre complaisance pour ce nouveau régime (1) fondé sur la violence. Il n'acceptait pas que l'on puisse faire le mal au nom du bien : il le disait haut et fort, et cela lui valait d'être tenu à l'écart de la haute société napolitaine et le privait de la carrière que son talent lui aurait permis de faire.


(1) 1931 Régime de Mussolini
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Plus elle constatait combien il était difficile d'entrer en syntonie avec cet homme mystérieux, plus elle se sentait attirée par lui.
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