Pour quelques grammes d'éternité
Il suffit que quelqu'un ne partage pas votre opinion pour que, automatiquement, vous le trouviez hostile. Modérez-vous, vous y gagnerez en amitié. La vie n'est pas blanche ou noire : il y a aussi toute une gamme de gris dont les nuances, je le crains, vous échappent trop souvent.
Amusée, la femme subissait les assauts de trois galants. Comme la plupart des hommes désireux de plaire, ils rivalisaient en compliments creux et en mots d'esprit faciles. Son récent et relatif célibat en faisait une invitée de choix aux nombreuses soirées mondaines organisées dans la région. Elle était devenue la cible favorite des gigolos de tous bords, qui ne ménageaient pas leurs efforts pour la séduire l'espace d'une nuit et ajouter ainsi à leur palmarès son cri de jouissance, dérisoire trophée du mensonge. Elle connaissait la splendeur des courtisanes d'autrefois, cultivant avec délices la cruauté envers tout ce qui ne respirait pas à la même altitude qu'elle.
Tenez-le-vous pour dit et imprégnez-vous des principes fondamentaux qui caractérisent un bon domestique : entendre et ne pas écouter, voir et ne pas regarder, savoir et ne pas juger.
Un long couloir, bordé d’une trentaine de colonnes où reposaient des bustes de philosophes antiques et de politiciens illustres la séparait du salon français. À l’extrémité de la galerie, une grande tapisserie des Gobelins déployait avec ostentation une scène de chasse sous Louis XIV. De nombreux tableaux intimistes ponctuaient majestueusement le parcours des visiteurs.
Après le départ de John, elle avait craint l'ennui. Maintenant, elle savait que jamais plus, elle ne connaîtrait le désoeuvrement. Elle imaginerait d'autres scenarios avec d'autres pantins qu'elle habillerait puis briserait, le moment choisi. Seul compterait le raffinement des derniers instants.