Mélanie Czajkowski

La Vie m'apprend que la fin de quelque chose est le début d'autre chose. Que la mort n'est pas horrible et ne doit pas être taboue : elle aussi fait partie de la Vie.

Tout le monde mange, sourit, rigole, m'ignore moi et le chagrin qui me submerge.
Je ne comprends pas, je ne comprends plus.
Je réfléchis à ma vie à jamais fichue.
C'est donc ça la vie ? C'est donc à ça que se résume la mienne ? Perdre ma mère et me retrouver là, plantée, mon plateau dans les mains ?
Seule. Tellement seule…

La Vie est pleine d'enseignements.
 
La Vie m'apprend que tout arrive pour une raison. Les bons moments comme les moins bons. Les épreuves que nous traversons arrivent exactement à l'instant où nous sommes capables de les surmonter et nous permettent d’en tirer des leçons.

Je ressens déjà un pincement au cœur de savoir que je quitterai cet endroit un jour mais j'ai hâte de retrouver ma mère, mon oxygène, mon bonheur, mon monde…
Elle est TOUT pour moi. Ma mère, mon père, ma sœur, ma meilleure amie, ma confidente…
Jamais sans elle. Je sors avec elle, fais les courses avec elle, dors avec elle…
Elle essaye parfois de me laisser me détacher, me permet de partir en colonie de vacances, par exemple. Mais je ne veux jamais. Hors de question de la quitter.
 

 

Je me sens seule et incomprise.
Ma vie n'a plus de sens et celle des autres me paraît étrange et insignifiante. Notre vie à nous était bien. Pas parfaite, loin de là. Mais elle me convenait. À présent, plus rien ne me convient. Tout est tellement nul…
Les gens me disent des phrases toutes faites pour me rassurer. On me dit souvent qu'avec le temps, ça ira mieux. Je ne le crois pas. Je ne crois plus personne. Je ne crois plus en rien.
Seulement en Maman.

Il approuve en silence.
Je ne sais pas ce qu'il pense ni à quel point il est triste. On ne parle pas trop de nos souffrances mais une chose est sûre : on est plus soudés que jamais.
 
Tous ces gens heureux. C'est trop pour moi. Je suis si jalouse… J'en veux au monde entier de me retrouver enfermée là. Je voudrais hurler. J'essaie de contenir mes larmes mais c'est trop tard. Je pleure déjà.
 

J'en veux au monde entier. Mais les pauvres, je ne leur dis rien… Je sais qu'ils ne veulent pas me faire de mal. Certains sont maladroits et je ressens totalement la pitié d'autres. Je choisis de faire comme si de rien n'était et me montre de bonne humeur et enjouée. Parfois plus et parfois moins. Mais je fais en sorte de ne pas pleurer devant les gens.
Excepté quand je ne contrôle plus rien...

Le couteau ! Il aime me torturer à se retourner dans tous les sens, ce traître !
Je lève mon regard sur la table de nuit. La bouteille d'alcool et des boîtes de cachets y sont encore. Je n'ose pas m'approcher mais je vois qu'il reste moins de la moitié de la bouteille d'alcool. Elle qui ne buvait jamais… Ou alors deux bières quand elle avait le moral à zéro…

En une fraction de seconde, j'ai traversé une autre dimension. Plus rien ne me semble réel.
 
-       Ta mère est morte, Mélanie.
 
Cinq mots. Cinq mots minables que je n'aurais JAMAIS voulu entendre. Cinq coups de couteau en plein cœur. La lame épaisse s'enfonce. Tourne et retourne. Creuse, brise, arrache ma chair et fait couler mon sang.

Dorénavant, je comprends ce que veut dire l'expression “il manque une partie de moi”. C'est exactement la sensation que j'ai. Une partie de moi est morte, elle aussi.
“Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.”
Bordel, c'est tellement vrai…
Tout est vide de sens. À commencer par ma vie.