Elle garda ses propres rideaux fermés. Elle aimait son intimité et elle aurait préféré que madame Strapp aille vivre ailleurs. Sur
Pluton, par exemple… Même si ce n’était plus une planète. En tout cas… elle n’était pas la seule dans le quartier à ne pas l’aimer. Ruby doutait vraiment que quiconque lui prête une oreille attentive, quand elle faisait son
compte-rendu de l’emploi du temps de Ruby.
Elles étaient vprobablement allées à ce club de striptease et elles s’étaient sûrement fait
harceler et peut-être même dépouiller de leur argent. Et maintenant cette imbécile voulait demander l’aide de la seule personne blanche à laquelle elle bavait parlé de la soirée. L’Anglais bedonnant d’âge moyen en costume de pirate
ne comptait pas.
" La première chose à regarder, ce sont les chaussures, " lui avait une fois dit un ancien petit-ami qui avait travaillé dans un magasin de vêtements de luxe pour hommes. « Rien qu’en regardant ses chaussures, tu peux tout de suite savoir le niveau de richesse d’une personne.Peu importe que ce soit pour faire leur jogging ou pour marcher sur la plage, les gens riches auront toujours des chaussures neuves. La seule exception, ce sont les vieilles fortunes. Ils ne se soucient pas de leur apparence parce qu’ils n’ont rien à prouver. Mais ils ont tout de même une manière particulière de se tenir et de se comporter. Une confiance en soi qui constitue un indice très révélateur. »
La police ne révèle pas le nom des témoins dans une enquête en cours.
Mais il suffisait que la police mentionne le fait que le corps ait été découvert par un barman de La Crique du Pirate, et les médias sauraient tout de suite qu’il n’y avait que deux possibilités. Il ne leur faudrait pas longtemps pour découvrir que c’était elle qui avait trouvé le corps. Et son nom apparaîtrait dans les journaux. C’est vrai qu’elle s’était déclarée sous un faux nom. Mais il se pourrait qu’ils publient sa photo. Bien qu’elle ait teint ses cheveux et changé de coupe, si son visage se retrouvait sur internet, n’importe qui pourrait la reconnaître. Et tout se saurait…
Elle ne parvenait pas à effacer de sa tête l’image de ce cadavre. De ce type jeté dans une benne à ordures. Peut-être qu’il avait lui-même été une ordure de son vivant, mais personne ne devrait finir sa vie de cette manière, jeté dans une benne comme un vulgaire détritus.
Elle frissonna en revoyant cet homme, gisant au milieu des sacs poubelles, des bouteilles vides d’alcool et des emballages de fastfood. Elle but une gorgée de rhum pour éviter d’y penser.
On aurait dit qu’ils essayaient de trouver n’importe quelle excuse pour dire que vous aviez quelque chose à voir avec sa mort. » Ruby sentit son cœur cesser de battre. « Comment pouvait-il vous connaître ? On n’est jamais venu ici. Je ne connais même pas l’île. Je ne connais personne, ici. » Elle prit la main de Ruby. « Mais vous, c’est différent. Vous avez l’air de savoir vous débrouiller. Et vous connaissez les Bahamas. J’ai besoin de votre aide. »
Les clients sont devenus complètement fous. Pas qu’elles
soient particulièrement jolies, mais c’étaient visiblement des amateurs et c’est le genre de truc qui plait aux mecs. Des femmes au foyer en chaleur ! C’est un fantasme assez courant. Beaucoup de nos clients sont
ouvriers et normalement, les femmes de classe moyenne comme ces deux-là ne prennent même pas la peine de les regarder. Et là, elles faisaient un
striptease pour eux. »
Elle s’en voulait également d’être aussi faible avec l’alcool. Elle regarda par la fenêtre
du taxi et vit défiler les hôtels de luxe et les parcours de golf, les villas de vacances et les restaurants gastronomiques. Ce quartier fit bientôt place à un district d’affaire très peu fréquenté par les touristes, avant de passer à
un quartier résidentiel habité principalement par des Bahaméens.
Elle était toujours vaseuse. Malgré la douche et un café fort, elle était toujours à moitié ivre. C’était ce moment horrible du lendemain de veille, sur le point de se transformer en véritable gueule de bois. Elle avait mal à la tête et elle avait la bouche sèche. En fait, elle avait l’impression que tout son corps était intoxiqué. Et c’était probablement le cas.
Elle avait commencé à s’entraîner au combat à l’âge de dix ans et elle avait eu sa première vraie bagarre à seize ans, quand un garçon de son école avait pensé pouvoir profiter d’elle en compensation pour l’avoir invitée à dîner. Elle lui avait brisé la clavicule et elle avait été renvoyée de l’école. Quant à lui, il n’avait reçu aucune punition.