Citations de Michel Angot (24)
[...] les hindous en tant qu'hommes de foi ont été très choqués par les analyses de leurs textes religieux réalisées par des savants européens et américains, voire indiens.
Au pays de l'ahimsâ [non-violence] la guerre a longtemps été un mode de vie général, y compris chez les ascètes.
Le religieux dans les pays indiens passe par la voix et ce qui est dit doctrinairement est souvent moins important que la culture vocale.
L'invention de l'Inde par les Anglais s'est accompagnée parallèlement de la prise de conscience, lente et multiforme, de l'indianité de l'Inde par ses habitants. (p. 401)
[...] les péchés sont punis [...] par des incarnations [...] notamment en animaux variés; cela explique en partie le développement du végétarisme : un animal peut toujours être l'incarnation d'un parent fautif.
La colonisation britannique a [...] fait naître une conscience indienne [...]
Dans les Indes plurielles, les mythologies ne se laissent pas comparer à celles des Grecs ou des Égyptiens dont les religions sont mortes depuis longtemps. Les mythes ne résonnent pas dans la conscience des Indiens comme la guerre de Troie ou la fondation de Rome par Énée dans la nôtre, simples sujets culturels des opéras, des pièces de théâtre, des peintures et des sculptures de l’Europe moderne. Éventuellement, on peut les rapprocher des histoires de la Bible qui formaient la materia christiana.
Il existait une médecine magique d'origine védique qui n'a jamais cessé d'exister. Mais l'ayurveda "savoir sur la longévité" est d'une autre nature : sans être une science à proprement parler, ce savoir a intégré dans plusieurs théories remarquables de nombreuse pratiques fondées sur l'observation et le bon sens. Médecine surtout préventive, l'ayur-veda se présente comme une hygiène de vie générale, très attentive à l'environnement : pour ne pas être malade il faut vivre en harmonie avec son environnement qui est constamment changeant [...]
Les brahmanes que l’on connaît aujourd’hui en Inde ne sont déjà plus ceux que connurent l’abbé Dubois à la fin du XVIIIe siècle ou même Margaret Sinclair Stevenson à la fin du XIXe. Or ceux-là étaient déjà loin du monde brahmanique que ces paroles de brahmanes vont évoquer. Ils savaient qu’ils étaient en train de disparaître et c’est ce qui justifiait en partie leur volonté de transmettre à M.S. Stevenson et à d’autres leur savoir. En Inde, pays d’hommes qui procédaient par accumulation et non par rupture16, la présence contemporaine d’un groupe social de brahmanes est en continuité sociologique avec les brahmanes d’autrefois, et non pas en continuité spirituelle et intellectuelle.
Ultimement, il n'y a pas de cause, pas de création, pas de dieux, ni de Dieu : Dieu est la forme la plus glorieuse de l'ignorance créatrice ; c'est le brahman inférieur, « qualifié». Une telle connaissance est donc une étape, elle permet une libération par étapes, mais seule la connaissance du brahman non qualifié permet de réaliser l'unité plénière du Soi personnel et du soi universel. Et là, il n'est plus question de Dieu.
Jusqu'à la colonisation, les deux temps forts [de l'Histoire de l'Inde] sont [...] celui de la cosmopolis sanskrite, puis celui de l'Inde islamisée ou Hindoustan.
Il semble d'ailleurs que l'essentiel de la conquête visait moins à absorber le royaume ou la province voisine, ou à supprimer un roi rival qu'à lui faire courber le front, à établir des liens de vassalité, en quelque sorte. Le paiement régulier d'un tribut, la fourniture de contingents militaires, une politique de mariages et d'otages semblent avoir été les pratiques les plus courantes.
D'ailleurs les hymnes du Veda ignorent la loi du karman, la réincarnation, la souffrance générale de l'existence, la valeur du renoncement et de la non-violence, toutes notions qui vont prospérer dans la partie de la société de l'Inde classique qui, pendant des siècles, aura quasiment le monopole de la parole
Les hymnes védiques et les brahmana, comme le montre l'érudition ancienne et contemporaine, résonnent d'un e conception somme toute optimiste de la vie [...] Si ce que disent les hymnes est à l'unisson des populations qui les récitaient ou les écoutaient, on peut imaginer une société jeune, dynamique, confiante dans l'avenir, peu sensible aux doutes métaphysiques.
On ne connaît pas la religion pratiquée par la population de la civilisation de l'Indus. Quant à la population qui entre - 1500 et - 1000 composa et institua les Veda, on ne sait pas et, à moins de découvertes improbables, on ne saura jamais quelle était sa religion [...]
Ce qui s’applique ou ne s’applique pas sans cause (hetum) limitante
(niyama), sans cause d’application (pravṛtti-nimitte) relevant del’objet, qui engendre ou empêche, est arbitraire.
L’āyurveda est la principale des médecines savantes des Indes. Elle doit son existence ancienne et sa transmission jusqu’à aujourd’hui aux érudits locaux, les brahmanes. Ils ont élaboré leurs textes en sanskrit (traduits dorénavant dans les langues indiennes et en anglais) à partir du début du Ier millénaire. L’āyurveda « savoir (veda) pour la longévité (āyus) » se définit ainsi :
On le nomme āyurveda parce qu’il fait savoir (vedayati) quelles substances sont bonnes pour la vie (āyuṣya) et lesquelles ne le sont pas.
Bābur, un des fondateurs de l’Empire moghol (1526), un bon œil et une bonne plume, perçoit bien en quoi les terres qu’il conquiert relèvent successivement de l’espace jaune et sec des steppes parcourues par les chevaux des guerriers et les caravanes de dromadaires des marchands, puis de l’espace vert et humide des forêts que l’on parcourt à dos d’éléphant. On peine à reconnaître le même pays tant l’opposition entre ces deux temps de sécheresse et d’humidité marque profondément le paysage.
Le temps n’est pas parti, c’est nous qui partons ;
le désir n’a pas vieilli, c’est nous qui vieillissons.
Des pratiques comme la chasteté, l'ardeur ascétique, la véracité, la tempérance, la maîtrise de soi, la non-violence sont couramment associées aux autres modes de vie. Leur pureté les constitue en facteurs éminemment favo- rables à l'émergence de la connaissance. Et il en va de même des pratiques de contemplation yogique et de fixation mentale.