Moussorgsky occupe une place bien spéciale dans le groupe : par ses tendances, il s'apparente directement à Dargomyjski, et dans quelque mesure à M. César Gui. Il n'a presque aucun trait commun avec Borodine, Balakirew, Rimsky-Korsakow. Son langage musical a cependant la même origine que le leur, auquel il ressemble par plusieurs côtés : s'il n'offre pas la moindre trace d'orientalisme, il contient nombre d'éléments populaires slaves.
Lorsqu'on se propose d'étudier l'oeuvre de Glinka, il est particulièrement important de ne point perdre de vue les conditions d'époque et de milieu où vécut ce maître. On y trouvera l'explication de certaines particularités manifestes de sa musique : par exemple, de la part d'influence italienne dont on retrouve presque partout les traces, de la quiétude avec laquelle il sait s'accommode des formes coutumières, lui si riche en idées musicales nouvelles et grosses de radicales réformes.
La place de Moussorgsky dans l'école russe
L'école russe ne ressemble à aucune autre par son histoire ni par son caractère. Elle est née presque subitement, en plein dix-neuvième siècle, après une élaboration dont l'histoire peut, à la rigueur, retrouver des traces, mais dont les fruits apparurent d'un coup. Avant même d'avoir cinquante ans d'âge, elle constituait un tout indépendant, homogène, étendu. Le cas est assez rare pour déconcerter d'abord ; et ce n'est point seulement la soudaineté de cette croissance qui étonne, mais surtout les qualités excellentes et distinctives qu'ont en commun les œuvres qui l'affirmèrent.
Pendant ces mêmes années. Liszt donna régulièrement des leçons de piano, d'orgue, de harpe et aussi de trombone. Parmi les pianistes qu'il forma à cette époque et qui firent le plus honneur à leur maître, il suffira de citer Hans de Bulow, Bronsart, Klindworth et Tausig; parmi les organistes, Winterberger, Reubke et Gottschalg.
Dans le courant de l'hiver 1822-1823, Franz se fit entendre assez souvent du public viennois, et obtint le môme triomphal succès que dans les villes où il avait débuté. Ce fut à cette époque qu'il reçut aussi la plus belle consécration qu'artiste pût rêver : Beethoven, sur les instances qu'on lui fît, consentit, non sans peine, à aller écouter le jeune virtuose : il fut enthousiasmé au point que, dès que Liszt se leva du piano, le maître prit le jeune homme dans ses bras et lui donna un baiser.
Comme, à une répétition de la huitième symphonie de Beethoven, un jeune étudiant lisait avec zèle la partition, Eusebius pensa : « Ce doit être un bon musicien ! — Pas du tout, dit Florestan. Le bon musicien, c'est celui qui comprend la musique sans partition, et la partition sans musique. L'oreille ne doit point avoir besoin des yeux, ni les yeux de l'oreille. — Une haute exigence, conclut maître Raro; mais je t'en félicite, Florestan.
La première enfance de Franz se passa au milieu de paisibles et poétiques paysages, et dans une atmosphère extrêmement artistique. A six ans, l'enfant reçut de son père les premières leçons de piano, et se passionna tout de suite pour cet ingrat travail. Il apprit tout seul à barbouiller de notes des pages entières de papier à musique, avant même que de savoir former des lettres.
A part la musique et les jeux, il n'aimait guère que la lecture et la comédie. Il composait, paraît-il, de petits mélodrames, et, avec l'aide de son père, de son frère Julius et de camarades d'école, les mettait à la scène sur un petit théâtre qu'on lui avait agencé. Son père, enchanté de ces indications, chérissait l'espoir de le voir un jour devenir un écrivain célèbre.