La mort nous prive de la joie, car la vie est la joie.Chaque moment que nous vivons est un instant de plaisir et de bonheur.
L’orgueil du jeune Nabil avait été roulé dans la boue par la styliste. l’Oriental, croyant posséder sa femme en l’épousant,avait adopté une compilation de valeurs issues de son pays de naissance et de son pays d’accueil. Il appréciait, fort bien, la liberté à condition qu’elle restât sur le seuil de sa maison. Après son mariage, il voulut imposer à sa femme les valeurs qu’il téta dans son enfance, mais la styliste, artiste de métier et d’esprit,avait besoin de liberté pour son travail et son âme. L’amour, que ce beau garçon arabe fit pousser dans son cœur, étouffa dans l’étroitesse d’esprit de ce dernier. La styliste aima son prince,tandis que le prince voulut posséder une poupée. C’était une leçon d’amour et de liberté de l’avoir quitté.
Il vivait dans une bulle sans aucune chance de se fondre dans la société.
Dans une vie normale, on peut avoir une carrière professionnelle à bâtir, des enfants à élever, un amour à entretenir, Nadir n’avait rien de tout cela. Il vivait sans aucune ambition ni aucun projet. Il lui arrivait parfois de penser qu’il devait rentrer chez lui en Afrique et abandonner cette existence de mort vivant. Durer un mois, un an ou dix ans revenait à la même chose. Chez lui, au moins, la souffrance serait plus courte comme la vie.
Quand on vit à la rue, le monstre qui git en nous devient plus féroce et il n’est pas impossible que Najma soit victime d’un viol ou d’une agression .
Certaines mauvaises langues disaient que pour avoir une telle beauté, un de ses aïeux devait être le fruit d’un viol commis par un soldat d’Alexandre le Grand sur une femme du pays à l’aube de l’histoire. Ces légendes, probablement vraies,avaient pour but de dénigrer la jeune femme par jalousie, pourtant la moitié des jeunes filles dans ces contrées rêvaient d’avoir de pareils ancêtres.
Les prétendants ne parlaient pas entre eux comme s’ils attendaient leur tour pour passer à l’abattoir. On entrait par la porte de devant avec un léger sourire poussé par un brin d’espoir, et on sortait par une porte de l’autre côté du couloir comme pour marquer la séparation entre âme et corps. L’âme s’envola à l’intérieur, et le corps abattu traina vers l’extérieur.
L’Oriental se trouvait en terre hostile, mais envoutante. Il ne s’identifiait pas à son pays d’origine par arrogance, et ne s’identifiait pas,non plus, à son pays d’accueil par exiguïté d’esprit. Il appréciait la sérénité de la vie et la verdure de la nature dans son pays d’accueil. En revanche, il dédaignait les valeurs qui régissaient les gens peuplant ces terres.
C’est injuste de défendre des valeurs qu’on nous a fait absorber très jeune, et qui ne correspondent pas toujours à nos aspirations.
Un émigré a plus de difficulté à accéder à certains métiers qu’un enfant du
pays, mais c’est tout à son honneur. Un émigré qui accède à une très haute fonction dans la société suscite l’admiration pendant des générations, alors que l’enfant du pays, quand il réussit c’est son devoir, et quand il échoue, il est montré du doigt comme un enfant gâté.