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Citation de lanard


A propos de Ile de A. Huxley (p. 198)
« Huxley a publié Ile en 1962, c’est son dernier livre, poursuivit [Michel]. Il situe l’action dans une île tropicale paradisiaque – la végétation et les paysages sont probablement inspiré du Sri Lanka. Sur cette île s’est développée une civilisation originale, à l’écart des grands courants commerciaux du Xxe siècle, à la fois très avancée sur le plan technologique et respectueuse de la nature : pacifiée, complètement délivrée des névroses familiales et des inhibitions judéo-chrétiennes. La nudité y est naturelle ; la volupté et l’amour s’y pratiquent librement. Ce livre médiocre, mais facile à lire, a joué un rôle énorme sur les hippies et , a travers eux, sur les adeptes du New Age. Si on y regarde de près, la communauté harmonieuse décrite dans Ile a beaucoup de points communs avec celle du Meilleur des mondes. De fait Huxley lui-même, dans son probable état de gâtisme, ne semble pas avoir pris conscience de la ressemblance, mais la société décrite dans Ile est aussi proche du Meilleur des mondes que la société hippie libertaire l’est de la société bourgeoise libérale, ou plutôt de sa variante social-démocrate suédoise. »(…)
« Comme son frère, Aldous Huxley était un optimiste…(…). La mutation métaphysique ayant donné naissance au matérialisme et à la science moderne a eu deux grandes conséquences : le rationalisme et l’individualisme. L’erreur d’Huxley est d’avoir mal évalué de le rapport de forces entre ces deux conséquences. Spécifiquement, son erreur est d’avoir sous-estimé l’augmentation de l’individualisme produite par une conscience accrue de la mort. De l’individualisme naissent la liberté, la sensation du moi, le besoin de se distinguer et d’être supérieur aux autres. Dans une société rationnelle telle que celle décrite par le Meilleur des mondes, la lutte peut être atténuée. La compétition économique, métaphore de la maîtrise de l’espace, n’a plus de raison d’être dans une société riche, où les flux économiques sont maîtrisés. La compétition sexuelle, métaphore par le biais de la procréation de la maîtrise du temps, n’a plus de raison d’être dans une société où la dissociation sexe-procréation est parfaitement réalisé. : mais Huxley oublie de tenir compte de l’individualisme. Il n’a pas su comprendre que le sexe, une fois dissocié de la procréation, subsiste moins comme principe de plaisir que comme principe de différentiation narcissique ; il en est de même du désir de richesses. Pourquoi le modèle de la social-démocratie suédoise n’a-t-il jamais réussi à l’emporter sur le modèle libéral ? Pourquoi n’a-t-il même jamais été expérimenté dans le domaine de la satisfaction sexuelle ? Parce que la mutation métaphysique opérée par la science moderne entraîne à sa suite l’individuation, la vanité, la haine et le désir. En soi le désir – contrairement au plaisir – est source de souffrance, de haine et de malheur. Cela, tous les philosophes – non seulement les bouddhistes, non seulement les chrétiens, mais tous les philosophes dignes de ce nom – l’ont su et enseigné. La solution des utopistes – de Platon à Huxley, en passant par Fourier – consiste à éteindre le désir et les souffrances qui s’y rattachent en organisant sa satisfaction immédiate. A l’opposé, la société érotique-publicitaire où nous vivons s’attache à organiser le désir dans des proportions inouïes, tout en maintenant la satisfaction dans le domaine de la sphère privée. Pour que la société fonctionne, pour que la compétition continue, il faut que le désir croisse, s’étende et dévore la vie des hommes. »(…)
« il y a des correctifs, des petits correctifs humanistes… dit doucement Bruno. Enfin, des choses qui permettent d’oublier la mort. Dans le Meilleur des mondes il s’agit d’anxiolytiques et d’antidépresseurs ; dans Ile on a plutôt affaire à la médiation, les drogues psychédéliques, quelques vagues éléments de religiosité hindoue. En pratique, aujourd’hui, les gens essaient de faire petit mélange des deux.
- Julian Huxley aborde lui aussi les question religieuses dans Ce que j’ose penser, il y consacre toute la deuxième partie de son livre,(…). Il est nettement conscient que les progrès de la science et du matérialisme ont sapé les bases de toutes les religions traditionnelles ; il est également conscient qu’aucune société ne peut subsister sans religion. Pendant plus de cent pages, il tente de jeter les bases d’une religion compatible avec l’état de la science. On ne peut pas dire que le résultat soit tellement convaincant ; on ne peut pas dire non plus que l’évolution de nos sociétés soit tellement allée dans ce sens. En réalité, tout espoir de fusion étant anéanti par l’évidence de la mort matérielle, la vanité et la cruauté ne manquer de s’étendre. A tire de compensation, conclut-il bizarrement, il en est de même de l’amour. »
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