Pascal M

Pour le rêve et la séduction incroyable d’un Rassam, ou pour le verbe et le glamour d’un Toscan. De tels personnages trouveraient-ils un rôle à jouer dans le monde du XXIe siècle ? La réponse est non. Ils feraient peur. On les tiendrait à l’écart du vrai pouvoir. HEC a remplacé Sciences Po ; les chiffres avant les mots, les bilans avant la parole. »

il vaut mieux se disputaient avec des gens intelligents que parler a des imbéciles.

Sa Sainteté insiste toujours sur le respect de nos religions, ou de notre athéisme, de nos manières de penser, de nos mémoires. Rien n’est plus vain que de vouloir plaquer une culture sur une autre. Cela ne peut qu’engendrer de lourds contresens. Par exemple, les magasins et revues de bien-être nous ont appris à caricaturer le mot zen pour en faire une posture New Age. Être zen ne signifie pas être détaché, ou devenir insensible, c’est tout le contraire. Zen signifie littéralement la conscience. Ainsi être zen, c’est atteindre un état de pleine conscience, de pure conscience, où chaque instant est vécu pleinement.
De même, le véritable sens du mot méditer n’a rien à voir avec ce qu’en disent nos marchands de bien-être. En sanskrit, méditer signifie entraîner notre esprit, pour garder la vigilance, la concentration tranquille, l’inverse d’un bouddhisme de pacotille.

Le hasard, qui n’existe pas, nous a conduits à vivre sur les contreforts de l’Himalaya, au Népal, dans le monastère du vénérable Shyalpa Rinpotché. Nos chambres sont blotties contre le temple peint par des pinceaux divins. Les peintures joyeuses, chaudes, rendent heureux ceux qui les regardent. Les neuroscientifiques ont démontré que ces formes et ces couleurs stimulaient certains processus cognitifs dynamisant le système immunitaire. Dès 4 heures du matin, on entend les prières, les chants et les silences remplis. Les ornements sacrés, les mandalas de fleurs, les gestes doux, les pas respectueux. Tout invite à la paix intérieure, au goût d’une existence qui est dans ce monde, mais pas de ce monde. L’immense parc, entretenu comme un jardin d’Éden par les moines, surplombe les vallées qui se perdent comme des vagues dans les nuages de la chaîne de l’Everest.

Relier spirituel et matériel

Mais peut-on concevoir une spiritualité qui soit concrète et pragmatique ? En réalité, rien n'est plus lié. Et même si cette idée peut faire sourire spirituel et matériel ne font qu'un.
Nous avons pris l'habitude de penser en segmentant tout, en opposant tout. Par exemple, contrairement aux sages de l'Antiquité, nous séparons le corps et l'esprit. Les dernières recherches médicales démentent ce postulat. La plupart des médecins expliquent qu'un malade possédant un esprit positif a toutes les chances d'influer sur sa guérison. Pythagore soignait en reliant corps et conscience. De même, les physiciens contemporains décrivent l'univers comme une réalité où rien n'est séparé, où tout est interdépendant, comme l'enseigne le bouddhisme. Autre exemple, nous considérons souvent le sommeil comme un temps inutile, par opposition à l'éveil, temps utile. Or, les neuroscientifiques démontrent qu'éveil et sommeil sont liés, que la qualité de l'un agit sur l'autre et que notre cerveau travaille plus quand nous dormons.
Spirituel et matériel sont intimement reliés. Si l'on entend bien sûr le spirituel comme un état divin de pure conscience, une dimension sacrée, après le mental, et non pas comme une croyance forcée en des dogmes, voire de l'idolâtrie sectaire.

Une sagesse concrète

Comment des pratiques spirituelles datant de plus de cinq mille ans pourraient-elles être d'une quelconque utilité aux Occidentaux que nous sommes ? Précisément parce qu'elles sont infiniment pragmatiques, efficaces et simples. Et telle est notre demande la plus profonde aujourd'hui. Emportés dans mille et un tourments, par le tourbillon des pensées, des opinions contraires, nous avons besoin d'une sagesse fondée sur le bon sens. Rien n'est plus difficile - et vital aujourd'hui -que de retrouver du sens, une orientation. Un sens, qui ne dépende pas d'une morale culpabilisante, de dogmes inadaptés à notre société, établis par des gens accomplissant parfois l'inverse de ce qu'ils professent.

Se prendre pour un « bouddhiste himalayen » est vain. Et cela n’a pas de sens dans notre société si loin du rythme de vie que nous connaissons au Népal, du tempo oriental. Là-bas, chaque instant prend tout son temps, au risque d’agacer notre mental occidental… En revanche, il peut arriver qu’une voie spirituelle comme le bouddhisme vienne éclairer les enseignements originels de nos cultures occidentales, du christianisme, de l’islam, du judaïsme, etc. L’un peut apporter à l’autre, tout en affirmant ses différences. Tel est le véritable échange, sans syncrétisme. De même, depuis une quinzaine d’années, le bouddhisme est venu éclairer les connaissances des psychologues, des neuroscientifiques athées.