Très jeune, j’y restais longtemps à boire des cafés en scrutant les visages des hommes qui venaient s’accouder devant un verre, silencieux, presque recueillis, souvent simplement rêveurs. J’attendais qu’ils s’aperçoivent de ma présence, j’attendais jusqu’à ce qu’un regard se pose sur moi. Je le soutenais quelques secondes et je m’en allais. Quelque chose me fascinait dans ces brèves apparitions, l’idée de leur effacement, je crois, j’en éprouvais alors un vague et voluptueux désespoir. J’arrivais en retard au lycée et j’essayais de me souvenir d’eux, de tout ce qui pouvait les rapprocher de mon père, du souvenir que j’avais de lui.