Mahé aimait la petite boutique d’objets du monde devant laquelle elle venait de s’arrêter, l’appréciant pour le dépaysement mais aussi pour les entêtantes odeurs de patchouli, santal et vanille qui s’en dégageaient.
La jeune femme y entra comme c’était souvent le cas le soir avant de prendre son bus, fit le tour du magasin, sourit à la vendeuse qui ne semblait jamais la reconnaître et lui répondait chaque fois laconiquement. Du bout des doigts elle caressa les carnets de voyage en cuir. Mahé adorait feuilleter ces objets vierges de tout et engageant à tous les possibles. Elle regarda celui en cuir marron, à l’aspect tanné ; il sentait bon. Les pages jaunies lui conféraient une certaine authenticité. On eut dit le carnet d’un aventurier, peut-être le carnet de notes d’un conquistador à la découverte d’un nouveau monde ou encore le calepin d’un prévenu de la Grande Guerre. L’imagination n’a pas de limites pour peu qu’on en ai suffisamment.
Mahé était pétrifiée, sentant le canon froid de l’arme contre sa peau. Elle ne voulait pas mourir. Pas maintenant. Pas comme ça. Si Merlin, Arthur ou Morgane existaient, où étaient-ils donc ? Allaient-t-ils permettre que ce lieu soit souillé du sang d’innocents ? La jeune femme observait Catherine qui ne bougeait pas, ne parlait pas, en proie à des sentiments contraires. Qu’attendait-elle pour lui donner cette foutue épée ? Entre la vie et ce maudit objet, le choix selon elle était vite fait. Le temps était suspendu à cet instant surréaliste. Mahé avait l’impression d’être dans l’une de ces scènes de cinéma dans lesquelles les figurants sont à l’arrêt, tels des statues, et où le personnage principal se déplace en les regardant un par un sans comprendre ce qui leur arrive, spectateur de ce phénomène étrange.