Moshe Pearlman

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Des amateurs l'auraient frappé, giflé, roué de coups. Ses ravisseurs au contraire, s'étaient conduits correctement, sans faire inutilement usage de leur force. L'examen qu'ils faisaient maintenant, montrait qu'ils étaient des experts.
[...]
- Qui êtes-vous ?
Il s'adressait à lui en allemand.
- Ich bin Adolf Eichmann, répondit-il immédiatement.
Cela leur coupa le souffle. Personne n'avait prononcé son nom. On ne lui pas demandé de confirmer qu'il était Adolf Eichmann. On lui avait seulement demandé qui il était.
- Je suis Adolf Eichmann, avait-il répondu.
Il ajouta ensuite :
- Je sais. Je suis entre les mains des Israéliens.
Cela aussi était saisissant. Personne n'avait parlé en hébreu.
[...]
Mais Eichmann avait deviné. Et deviné juste. Il avait été capturé par des Israéliens et se trouvait entre leurs mains.
La longue chasse de quinze ans avait pris fin.

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Mais peu de gens au Parti avait de réelles connaissances concernant les Juifs. La grande masse ne cherchait pas à en savoir plus long que le simple fait qu'elle les détestait. Il y avait donc, au Musée Juif, une merveilleuse occasion pour le sergent SS Adolf Eichemann de devenir l'expert en une matière chère aux nazis mais où il n'existait qu'une faible concurrence : la question juive.
[...]
Sa carrière était maintenant bien lancée. Il était en effet l'expert dont les avis allaient diriger l'action anti-juive. Eichmann n'écrivait pas de traités de philosophie sur les Juifs, mais il savait combien il y avait de Juifs dans chaque ville, les noms des chefs de chaque communauté, les affaires sous direction juive, les activités des clubs juifs et des mouvements sionistes. Nanti de ces renseignements pratiques, le service pouvait entreprendre son action d'expropriation, d’expulsion et d'arrestation.
[...]
Son "maniement" efficace des Juifs d'Autriche fit automatiquement de lui le candidat à la direction d'opérations analogues en Tchécoslovaquie après l'occupation de ce pays par les Nazis.
Entre temps, la Pologne avait été envahie [...].
On fit appel à l'expert éprouvé et digne de confiance, l'habile organisateur de la répartition des Juifs. Et, en janvier 1940, Adolf Eichmann fut installé au quartier général berlinois du R.S.H.A., comme l'homme responsable du service des affaires juives de la Gestapo.
[...]
Eichmann tissa la gigantesque toile d'araignée où devaient être pris les Juifs de seize pays au cours des quatre années suivantes avant de subir la déportation et le massacre.

- Adolphe Eichmann, voilà l'homme qu'il faut traduire en justice.
L'homme qui tonnait ces mots, en ponctuant chacun d'eux d'un coup de poing sur la table, était un leader sans État, le chef du Mouvement Sioniste Mondial, l'homme au front auréolé d'argent, qui devait occuper le premier les fonctions de Premier ministre d'Israël : David ben Gourion.
C'était en 1945, peu de temps après la guerre.
C'est alors que commença la chasse d'Eichmann, cette longue chasse qui ne devait prendre fin que quinze ans plus tard, dans un faubourg, en Amérique du Sud.

La Chambre fut comme électrisée. Pendant quelques secondes, il y eu un silence abasourdi. Tout à coup, de tous les côtés de la Chambre monta une clameur d'applaudissements. Rarement la Knesset s'était trouvée aussi unanime. Rarement ses membres avaient été aussi bouleversés. Le meurtrier de leur peuple était pris. Il était en Israël. Il serait traduit en justice.
[...]
L'homme qui incarnait les forces de l'ombre, le responsable de l'extermination de millions de Juifs, allait être jugé selon la loi par les Tribunaux de l’État d'Israël.

A cette époque les camps de prisonniers étaient médiocrement gardés, et Eichmann n'eut aucune difficulté à s'évader.
[...]
Beaucoup de gens, à ce moment, erraient à travers l'Allemagne et les pays voisins et Eichmann pensait que, si on l'arrêtait, il pourrait prétendre être un rescapé juif des camps de concentration à la recherche de sa famille. Il connaissait assez bien la vie des camps pour pouvoir rassurer tour ceux qui lui poseraient des questions !

[...]
- Mon Dieu, bien sûr ! s'exclama Gad. Pourquoi le second mari de Mme. Eichmann se rappellerait-il l'anniversaire de son premier mariage ? Et pourquoi, si cela était, célébrait-il cet évènement avec des fleurs ?
Dov sourit.
- Donc, Klement est Eichmann. Enfin ! Il ne peut plus y avoir de doute. Voilà la brèche que nous attendions depuis si longtemps.
- Les amis, dit Ygal, ceci appelle deux choses : boire un verre et envoyer un télégramme chez nous. Le verre, nous allons le boire tout de suite. Le message, je l'enverrai en rentrant.
Quarante minutes plus tard, le télégramme suivant fut expédié en Israël d'un bureau de poste à mi-chemin entre le lieu de réunion et l'appartement de Ygal : "Ha'ish hu Ha'ish." "L'homme est l'homme."