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Citations de Muriel Pic (27)


Rêve d’oiseaux
  
  
  
  
Je sais seulement qu’il y a parfois des phrases qui restent, qui résistent, qui se déforment en résonnant, qui deviennent plus vastes, plus lointaines, plus anciennes, plus proches, plus inédites, des phrases qui dérivent, suscitant des fleuves, des lacs, des mers, des océans, des sources. Il y a des phrases qui vous emportent dans le rêve, des phrases qui enclenchent la rêverie et mettent en état de divagation, des phrases qui jouissent.
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À Prora, personne n'aurait dormi sans rêver de Hitler.
La nuit : la sueur.
Le jour : affiches, gros titres, banderolles, haut-parleurs.
L'âme dans les filets de la machine totalitaire.
Et partout le regard des soldats redoutés
le bras tendu vers un naufrage.
Les peines de l'île sont encore là.
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Voici des rêves…



Voici des rêves, des grisailles, voici des voix, des dialogues et des morts. Voici des photographies, des images décolorées, des lumières passées, des fossiles ramenés des temps profonds, des corps évanouis, des cendres portés par les vents et les eaux. Ainsi je veux partir. Voici des testaments, des témoins, des vœux. Voici demain. Voici hier. (...)Voici les photogéniques, les images sorties des cartons, données, trouvées, soulevées, déchiffrées. Voici les philologiques, les bribes, les fragments, les mots égarés sur une page, mutilés par un agrafe, les brouillon les livres-brouillards et les notes de chevet. Voici l’infralyrique, les hantises documents. Voici les rapports, la littérature grise, les documents, les actes, les traces, les données, les fantômes cartonnés, les articles de dictionnaire, les faits. Voici les phonogéniques, les voix tirées des boîtes, les bandes magnétiques, l’audiovisuel des spectres, les brouillages radiophoniques, les voix perçues, évaporées, les échos et les simulacres. Voici les tragiques, les météorologiques, les thucydides et les insulaires.
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Le rêve est l’espace possible…



Le rêve est l’espace possible d’un dialogue des morts, une ronde des spectres, un temps insulaire. Son argument est infralyrique, rythmes de l’en-dessous, chants comme courant, voix déferlantes » (On pourrait dire aussi voix affaiblies comme Eric Villeneuve qui me semble tant dans le champ de l’infralyrique, si toutefois je comprends bien cette notion). « Le rêveur envisage et dévisage, pas d’échappées lyriques ni fuites, seulement des déplacements infimes entre le corps et son ombre, nos corps et les ombres. L’infralyrique est une vibration lumineuse qui s’amplifie la nuit, un frôlement morphologique entre deux images, une perfection de hasard, la photogénie de l’impondérable.
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Symptôme de ruines



extrait 3

À la radio pour la première fois
l’empereur du Japon donne de la voix
c’est la capitulation en radiodiffusion.
Tout le monde écoute
– dans le silence d’Hiroshima
Une grenouille maigre étourdie
tombe mollement d’un hameçon
sursaute à peine et sans lutte finit.
Des enfants la ramassent
la font frire
et l’enveloppent dans un papier
à l’effigie de l’empereur Shôwa.
Ils mangent en silence devant le ciel bleu
le ciel d’août sans demain
sans destin
le ciel du grand champignon : le pikadon
les pétéchies
et la maladie des rayons
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Symptôme de ruines



extrait 2

Le docteur Michihiko Hachiya
fume cigarette sur cigarette
consigne chaque jour
les crânes chauves
les langues crevassées
les documents humains.
La ravissante jeune fille brûlée
ne montrait aucun signe d’alopécie.
Elle gisait toujours dans une flaque de pus
et son état semblait inchangé
ni mieux ni moins pire.
Les gens souffrent sans savoir de quoi.
Les cheveux tombent par poignées
et le plâtre du plafond
fleurs de cerisier sur les visages irradiés.

Autopsies et photographies interdites.
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Symptôme de ruines



extrait 1

Le parfum de la vie est si fragile
qu’il ne saurait durer ?
Thé vert homme qui dort
Sei Shônagon prend une nouvelle feuille de papier.
Une classe d’officiers
arrogants et bravaches s’était développée.
Les autorités militaires avaient trahi
l’empereur
le peuple japonais
et rien dit sur la bombe atomique.
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Mais le plus important est de planter le poirier, le pommier, le cerisier, le prunier, l'abricotier en suivant la méthode de l'affranchissement. [...] Le nouveau venu rompt en quelque sorte avec le passé et invente de nouvelles racines.
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Le tarot est un art d'imaginer juste à partir d'un nombre d'images données. Je dispose devant moi celles que j'ai collectées à propos de Jim, photographies, timbres, cartes postales, dessins, cartes à jouer, livres, et bouts de texte. Les fragments se combinent pour raconter un chapitre possible de sa vie, mais je dois continuellement rejouer la partie, car une seule configuration n'est pas suffisante pour saisir ce personnage vernal et ses histoire d'affranchissements.
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Dans certains jeux de tarot, l'Hermite est remplacé par le Bossu, quoique la figure reste la même : [...] c'est un sage détaché du monde, mort aux passions et aux ambitions, un esprit profond, méditatif, étranger à toute frivolité, un médecin de l'esprit.
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L'homme est malheureux et méchant tant qu'il est enchaîné par la loi, l'usage et les idées reçues. Il suffit de l'affranchir pour faire son salut.
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C'est Giacomo Leopoldi qui cherche constamment dans ce qui l'entoure les plus fines ressemblances, les oppositions et les rapports les moins évidents. Il estime que rien ne montre mieux la grandeur et la puissance de cet humain que sa capacité à comprendre et à ressentir pleinement sa petitesse. L'incompréhensible vastitude de l'existence lui sera d'autant plus évidente qu'il s'attachera aux moindres détails, [...]. Pour lui, comprendre sans sentir n'est pas possible, c'est la base de sa théorie de plaisir.
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1927

Autour de moi, il n'y a plus que des petits bossus. Il viennent s'asseoir à mes côtés à la bibliothèque et, dans chaque livre que j'ouvre, ils sont là.
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2000

En ouvrant Spring and All de William Carlos Williams, j'ai tout de suite aimé son désordre, sa manière inhabituelle de mettre les choses ensemble.
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Je voulais parler de la liberté, j'ai ouvert une collection de timbres et retrouvé la ruine d'une famille. Étrange réponse des mots et des images à la question de l'affranchissement. La liberté a toujours un prix fort : la solitude, la pauvreté, l'exil. Il faut payer quelque chose pour avoir sa prairie sèche, sa 'dry meadow', son jardin fou et divers, où l'on se sent chez soi, foulant du pied les désirs relâchés qui vont et viennent, grouillent en lignes serpentines.
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II. Les enveloppes



                                2001

Extrait 3

    Jim est au bureau de poste, il choisit des timbres et discute avec la postière. Le bleu de ses yeux est plus intense, son pouls s’accélère, le temps passe plus vite, les nuages occupent tout le ciel en une couche épaisse et sombre. Est-il possible de revivre ce que l’on n’a pas vécu ? Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre folle… Pourtant je le vois, il est là, c’est l’automne 1998, il a déjà un cache-col bleu clair, bientôt ce sera l’hiver. Dans la campagne, la surface des étangs deviendra solide, opaque, la vie en sommeil. Tout semblera figé, immobile, ralenti, saisi par la lenteur de la glace. Mais je vais trop vite, nous ne sommes que le 29 septembre. Jim achète quatre timbres sur le progrès automobile par les records de vitesse. Il regarde d’anciens bolides aux formes allongées qui font des courses sur la plage de Pendine Sands.

    J’ouvre les enveloppes dans l’ordre. Il y en a vingt-six : une pour l’année 1998, douze pour les années 1999 et 2000, une pour 2001. Chacune comprend quatre timbres, il y en a donc cent quatre. Ma main ouvre ce que la main de Jim a fermé. Elle tremble légèrement. Les images tombent sur la table. Je repousse la nostalgie et les dispose en ligne pour bien les regarder. […]
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II. Les enveloppes



                                2001

Extrait 2
                                                                Je quitte le clavier, je m’achète un beau carnet et un beau crayon, en vain. Rien ne vient, même s’il est bien là avec moi, plein de sollicitude et d’empathie. Je suis compliquée et ambitieuse, Jim est simple et calme comme un arbre, une fleur, une plante. Mon cœur se déchire à la première passion quand le sien est un asile pour toutes choses. Je me perds dans les mots, quand il lui suffit d’un bref regard silencieux pour s’orienter dans le monde. Un sens lui fait défaut, celui qui lui donnerait prise sur l’amour ou la gloire. Je dois m’en amputer. Il veut n’être rien, je veux être tout. Il est tout, je ne suis rien. Il est sans pourquoi, je ne cesse de me poser des questions, idiote derrière ma loupe, spectatrice ignorante et honteuse des derniers mois de sa vie. Il est là, près d’un talus ou le nez au vent. C’est l’habitant du jardin, une sorte d’ermite ornemental, le bossu dans le parc, avec quelque chose d’un clochard ou d’un ange qui aurait refermé ses ailes. Il aime la nature sans la penser, il l’aime comme il regarde une fleur. Il l’aime sans savoir ce qu’aimer signifie, il est dans l’innocence de ne pas penser, mais d’être spontanément à l’écoute par le dedans, en acceptant que toute chose soit limitée. Mais de tout cela suis-je vraiment sûre ? En réalité, je n’en sais rien.
    Il me faut donc recommencer, repartir du début.
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II. Les enveloppes



                                2001

Extrait 1

    Quelque chose qui n’a probablement pas existé s’est formé en moi à partir d’échos, de traces, de bribes, l’infra-ordinaire de Jim, le texte en lambeaux d’un monde inconnu que je devais traduire à partir du grimoire magique d’un album de timbres. J’avais entre les mains les dernières années de la vie d’un homme et notre passage au troisième millénaire. Qu’ai-je donc fait de décembre 1998 à janvier 2001 ? J’essaie de retrouver ma propre vie avec chaque timbre, de repasser les saisons, mais en vain, cette époque que j’ai vécue ne m’appartient plus. Une obscure culpabilité m’oblitère, le sentiment d’une dette à rembourser m’obsède. J’ai l’impression de devoir quelque chose. Je ne vois que Jim, je ne pense que Jim. C’est une appropriation réciproque par petites perceptions. Mes efforts cependant sont vains, la page reste blanche, rien ne vient qui pourrait m’aider à la faire revivre. Il me manque le contact entre l’imagination et la vie, il me manque la liberté. Je voudrais, comme lui, sentir les microséismes d’un instant, expérimenter la théorie mathématique des bifurcations, croire que la plus petite particule peut enrailler le système général et lancer des nouvelles dynamiques se ramifiant à toute vitesse et dans toutes les directions. Je voudrais faire de la poésie ma manière d’être seule. Mais j’échoue constamment.
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La peur est sans doute de toutes nos émotions la plus délétère, nous empêchant d'imaginer ce que nous ne voyons plus et qui se tient pourtant là, sous nos yeux, à l'échelle de nos existences oppressées par le souci d'argent.
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XI LA NEIGE


Réveillez-vous ! Tout est blanc !
Les ruches sont pleines de neige.
Nulle trace, tout est possible encore
la dictature du temps
de l’histoire
rompue comme les rails des chemins de fer.
Plus rien ne passe et tout se tait.
Réveillez-vous ! Un folio attend
votre réveil éblouissant.
Pour vous seul sans limite
le blanc sans fin à couvrir.
Réveillez-vous ! le jour point comme un stylet.
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