Je regarde de l’autre côté des fenêtres du carrosse. Le voyage de Trevion à Chander est toujours aussi ennuyeux. La durée de ce trajet me rend folle, particulièrement aujourd’hui. Je ne veux pas arriver là-bas si tôt et j’espère à la fois sortir de ce véhicule maudit le plus rapidement possible pour prendre mes jambes à mon cou. Cette situation n’est pas exactement plaisante. Osant à peine jeter un regard à mes parents, qui sont assis juste devant moi, je lisse ma robe bleue tout en ajustant les gants de dentelle sur mes mains. Chaque premier jour de juin depuis bientôt huit ans, mes parents s’entêtent à m’habiller et me parer de mes plus beaux atours pour aller à la rencontre de la famille royale de Chander. Depuis toutes ces années, j’ai cru que je me rendais là-bas pour rencontrer des gens de la cour la plus réputée du continent au lieu de rester seule, enfermée à la maison, comme me l’a répété maintes fois ma mère. Mais maintenant, je sais. Je sais que ce n’était pas la véritable raison de mes visites saisonnières (et obligatoires) au royaume d’à côté. En fait, comme je viens tout juste de l’apprendre, je suis promise au prince Naythan de Chander depuis ma naissance. Je n’en reviens toujours pas. Ce n’est que maintenant qu’on décide de m’en informer ? Incroyable ! Depuis toutes ces années... Je connais à peine le prince ! Je n’ai même jamais entretenu une conversation de plus d’une minute avec lui, qui s’est toujours montré complètement indifférent à mon égard, alors pour ce qui est de l’épouser...
Par situation, ma mère fait allusion à la mauvaise économie de notre royaume. Une alliance entre Trevion et Chander pourrait bien nous apporter un bon soutien, mais je persiste à croire qu’il existe un autre moyen de remédier à nos problèmes. La seule idée d’un mariage m’effraie. Je ne suis pas prête. Pas maintenant. Pas avec lui ! Comme n’importe qui, je veux me marier par amour.
Je vois les vérités de mes parents m’ont cachées durant toutes ces années. Je suis comme une rose que l’on aurait déracinée pour essayer de l’enterrer dans un autre sol.