"(...) Il s’agit d’une chronique, chronique des « di », ainsi que nous le confie la narratrice qui réussit le tour de force de rendre leur lumière aux matins, la clarté que contient le di de chaque jour de la semaine, dans un livre qui conte l’histoire d’une femme abandonnée, d’une romancière qui ne parvient plus à écrire de fiction.
Celle qui partage ses pensées avec nous dort dans un hamac, a un amant occasionnel « gros et grand », et sait que « toute vérité qui n’est pas bonne à dire te retombe un jour où l’autre sur la gueule ». (...) Ses confidences sont légères comme la plume, comme nos vies prises dans un souffle qui ne peut se figer, même si « Quand on est dans la débine, au fond du trou, parfois ça dure, le vent du large passe loin en altitude et on ne se souvient même plus comment c’était. » (...)
Le sens du calendrier est un livre réconfortant, une mélancolie douce comme un désir de retour. Comme un appartement au parquet qui craque, des voilages aux fenêtres, des bras couverts d'un pull soyeux qui s'ouvrent par une journée pluvieuse. La narratrice est notre amie rêvée. Elle n'inflige rien. Elle évoque juste, par touches légères, toujours justes, elle convoque la musique des jours. « Quelque part je suis encore avec toi, dans le lit où la lumière du monde nous était tombée dessus, où, dans l'un des sommes qui entrecoupaient l'amour, j'ai vu des baleines bondir très haut, en plein ciel. »
On ne peut que s'éprendre de Nathalie Léger-Cresson, de son élégance, sa vivacité, de cette langue qu'elle lie et délie si bien, en boucles claires qui volent haut, arabesques aux volutes bleutées qui nous laissent un sourire rêveur. S'égrènent les mots, délicats, et légers malgré la tristesse, ces mots qui « ont des drôles de doubles fonds quand on se penche sur eux à l'improviste ». (...)
On a envie de lui répondre, de lui dire que oui, on est là, juste derrière ses mots, et même à l'intérieur. Oui, c'est vrai, c'est moi, ce toi auquel tu t'adresses, et ce toi qui me parle, toi qui ne peux plus « vivre comme avant dans une interprétation personnelle de la réalité ». On se reconnaît dans ces phrases. Oui, bien sûr, nous aussi on ramasse des cailloux et on hurle de joie dans le vent. Oui, tu as raison, c'est incroyable que chaque anniversaire marque « un tour de plus autour du soleil », sans parler de « Force de Coriolis », ce vent dû à la rotation de la Terre. Et même si on n'a jamais envoyé de lettre à des gens « choisis au hasard de l'annuaire », l'idée nous charme et nous fait sourire – d'un sourire un peu alarmé tout de même. Ce sourire qui nous accompagne tout au long du livre, qu'il soit attendri, complice, ou tourne à l'éclat de rire au détour d'une page. (...)"
Kits Hilaire dans Double Marge (Extrait)
Lien :
https://doublemarge.com/le-s..