Nathalie Nabert. Détachement.
Pas à pas, la route prend forme.
Cailloux déplacés, cailloux écartés,
Chemins pressentis, pistes délaissées.
L’homme s’invente passereau de l’Adrar.
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Sinueuse patience des grands épineux
Lueurs de schiste.
Le chant des ancêtres peuple nos mémoires éoliennes.
Nous sommes gens de passage.
Pistes, pp. 37, 38
« Il y a en moi un puits très profond. Et dans ce puits, il y a Dieu. Parfois je parviens à l’atteindre. Mais plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits, et Dieu est enseveli. Alors il faut le remettre au jour. »
Etty Hillesum
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Cette Voix de l’origine – Voix d’aube, de l’orient – traverse les siècles, les millénaires, toujours à fleur de silence ; un soupir lumineux, un appel délicat qui luit et bruit en secret dans chaque vivant. Certains le perçoivent, avec plus ou moins d’acuité, d’autres n’entendent rien (et/ou ne veulent surtout rien entendre). Tous ceux et celles qui se laissent surprendre par elle, qui l’accueillent et se penchent à son écoute en un dialogue silencieux, finissent par « prendre » des inflexions de sa grâce. « Hineinhorchen, écouter ‘‘au-dedans’’ […] ma vie n’est qu’une perpétuelle écoute ‘‘au-dedans’’ de moi-même, des autres, de Dieu. Et quand je dis que j’écoute ‘‘au-dedans’’, en réalité c’est plutôt Dieu en moi qui est à l’écoute. Ce qu’il y a de plus essentiel et de plus profond en moi écoute l’essence et la profondeur de l’autre. Dieu écoute Dieu », écrit Etty Hillesum dans son Journal en un temps d’extrême persécution. (...)
(édition Salvator-Diffusion, Préface, p. 9, 17)
Seigneur, donne-moi ta divine douceur
Seigneur, donne-moi Ta divine douceur,
Toi qui voulu être un petit enfant enveloppé de langes,
un adolescent soumis à Marie et Joseph,
un Messie jamais conquérant,
un Ressuscité dans le secret.
Seigneur, donne-moi Ta divine douceur,
Toi qui as dit : « Bienheureux les doux, ils posséderont la terre. »
Donne-moi de saisir chaque chose avec douceur :
le téléphone et la valise,
la plume et le balai,
la fourchette et le plat,
et surtout la main qui se tend vers moi.
Seigneur, donne-moi Ta divine douceur,
Toi qui as dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. »
Donne-moi d'accueillir toute chose avec douceur :
le bon et le mauvais,
la joie et la peine,
l'encouragement et la critique,
l'instant tel qu'il est
et surtout l'autre tel qu'il se présente.
Vierge pleine de grâce, Vierge du sourire,
restaure en moi la divine douceur,
apprends-moi à guérir ceux que j'ai blessés,
que ta tendresse fasse surgir sur mes lèvres
les paroles d'amour qui rétablissent la paix.
SŒUR EMMANUELLE (1908-2008)
Dans Confessions d'une religieuse, Flammarion, 2008.
Bienheureux calme dans la nuit
Regarde, dans la nuit calme Dieu est né, enfant,
Et ce qu'Adam a perdu est regagné.
Si ton âme est calme et si elle est nuit pour la créature,
Alors Dieu est en toi, homme, et tout est reconquis.
Les eaux frôlées
Sont certitude du passage,
Ajournement
Du dehors et du dedans,
Nudité
Où nous nous unissons.
Noël
Petit Jésus qu'il nous faut être,
Si nous voulons voir Dieu le Père,
Accordez-nous d'alors renaître
En purs bébés, nus, sans repaire
Qu'une étable, et sans compagnie
Qu'un âne et qu'un bœuf, humble paire ;
D'avoir l'ignorance infinie
Et l'immense toute-faiblesse
Par quoi l'humble enfance est bénie ;
De n'agir sans qu'un rien ne blesse
Notre chair pourtant innocente
Encor même d'une caresse,
Sans que notre œil chétif ne sente
Douloureusement l'éclat même
De l'aube à peine pâlissante,
Du soir venant, lueur suprême,
Sans éprouver aucune envie
Que d'un long sommeil tiède et blême
En purs bébés que l'âpre vie
Destine, — pour quel but sévère
Ou bienheureux ? — foule asservie
Ou troupe libre, à quel calvaire ?
PAUL VERLAINE (1844-1896)
Dans « Liturgies intimes », Œuvres complètes, éditions Vanier, 1905.