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4.65/5 (sur 10 notes)

Biographie :

Nathalie Ohana est diplômée de l'ESCP. Après avoir travaillé dans un grand groupe, elle a développé le programme de développement personnel qu'elle a créé : « Avoir plusieurs vies ». Aujourd'hui, c'est sa propre expérience qu'elle livre à travers ce récit.

Source : L'Inventoire
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Nathalie Ohana
Voici un livre proprement révolutionnaire.
Avec « réveiller ma mère », Nathalie Ohana nous raconte d’une écriture sensible en même temps que pudique la révolution identitaire que les derniers instants vécus auprès de sa mère mourante lui ont permis d’achever. « Écrire a été le seul remède à la hauteur du manque ».
La force du récit vient précisément de cette prise de conscience qui met en parallèle les derniers moments d’une relation mère/fille et la reconstitution d’un itinéraire zigzaguant éclairé d’un jour nouveau, lumineux quoique crépusculaire.
Au centre du récit, les rapports à la fois fusionnels et heurtés entre une mère trop aimante et sa fille sur laquelle fut greffée une secrète espérance : la voir réussir là où elle-même avait eu le sentiment d’échouer : jeunesse tunisienne déracinée, déconvenue sentimentale, difficultés insurmontables pour s’intégrer dans un pays qui, bien qu’elle en comprît la langue, lui demeurait comme étranger. La fille en explique les raisons : « Les traumatismes des générations précédentes avaient fait des ravages en baignant dans le jus du secret. En les refoulant, tes ancêtres les avaient fait grandir (…) les complexes hérités de tes aïeuls avait eu raison de toi».
Nathalie, « enfant arrivée sur le tard, comme une dernière chance », fut donc missionnée pour redresser la barre ! La mère allait tout faire pour que La fille rompe avec une généalogie qui paraissait maudite. Elle s’annulerait elle-même, s’il le fallait, pour élever son enfant au-dessus des déterminismes familiaux : « La seule vérité que tu voulais me livrer, c’était que la force de ton amour pour moi compensait tout ce que l’on ne t’avait pas donné ».
Mais cette abnégation n’allait pas jusqu’à faire prendre de risque à la valeureuse jeune fille que l’on jetait pourtant dans un combat titanesque. Nathalie ne devait pas prendre de coups. On la surprotégeait : « toujours tu voulais prendre les coups à ma place (…) m’éviter les uppercuts de la vie ». Les injonctions étaient contradictoires. Sortir mais rester protégée. Prendre le large tout en demeurant chez soi. Nathalie vivra longtemps avec cette sensation de ballotement qui lui fera ressentir en toutes occasions qu’une fois ici on était (sans doute) mieux là-bas, où que la chose qu’elle tenait en main ne valait (peut-être) pas celle qu’elle venait d’abandonner.
Nathalie fit de cette oscillation un atout, comme les oiseaux migrateurs arrêtent leur course pour profiter des courants ascendants. A la force du poignet et en mobilisant sa grande intelligence sensible, elle parvint à remplir à merveille la première partie de la mission : s’extraire de son milieu pour s’élever socialement. C’est ainsi qu’elle fut soudain projetée des ruelles odorantes du quartier du Belvédère à Tunis dans une classe d’Hypokhâgne d’un grand lycée parisien à plancher sur une pensée d’Althusser. Elle en fit un rêve qu’elle raconte au chevet de sa mère : « j’étais sur un gros bateau (la classe de lycée) au milieu d’une mer agitée (cet agité d’Althusser qui voulait se hisser au niveau de l’intelligence historique des événements et qui finit par tuer sa femme) ; sur le pont il y avait tes parents, tes grands-parents et tous les autres habillés en tenue d’époque et ridés (le vieux monde, jusqu’à Moïse sans doute). J’étais dans une toge blanche (comme Ulysse qui fit un long voyage) et je naviguais vers la cote (le grand monde) en les rassurant ; tout irait bien, je les mènerais à bon port ».
Voilà pour le rêve. Dans la réalité, l’embarcation ne pouvait contenir tout le monde. Elle le confesse ouvertement à sa mère pour la première et la dernière fois : « la petitesse de votre univers mental me faisait presque regretter la méchanceté de mes professeurs. Et ce fut au milieu de ces études-là, pour nager définitivement vers l’autre rive, sans me retourner, que je me mis à t’abandonner émotionnellement ».
Nathalie fit donc seule la traversée à la nage voyant s’éloigner progressivement la côte qu’elle abandonnait : « Le monde qui peuplait ma tête s’éloignait du tien jour après jour. Pour réussir, je devais me transformer (…) je sentis que je devais lâcher ta main. » Un aveu fait alors qu’elle serrait la sienne si fort dans les derniers instants sur son lit d’hôpital.
Quelques années plus tard elle arriva effectivement à bon port sur une plage non loin de Tel Aviv où elle entama sa deuxième vie. Un nouveau choc qui l’entraîna dans un second demi-tour. Le retour sur la terre de ses grands-ancêtres fut l’occasion d’un dépassement. Oui, elle avait réussi à partir au loin et même au-delà, vers l’ailleurs. Oui, elle était parvenue à mettre une mère à distance et la mer entre elle et son milieu d’origine. Mais cet éloignement, plutôt que d’effacer les traces, faisait, comme par miracle, revenir le passé ; non comme un fantôme traînant son boulet mais comme une charge émotionnelle qui soudain allégeait sa conscience : « Un matin, en sentant l’odeur de la fleur d’oranger dans mon jardin, je sus que je ne t’avais pas quittée. Je te revis débarquant en France dans les années soixante, sachant déjà que plus jamais tu ne reverrais les ruelles de ton enfance… Et moi, j’avais enregistré ce mouvement dans mon corps, si bien que j’émigrais à mon tour mais sans que l’histoire ne me le demande (…) En pensant écrire ma propre histoire, je continuais d’écrire la tienne. »
La révolution s’achevait. Nathalie sortait de la spirale par le haut. Elle pouvait s’autoriser une renaissance sans abandon. La mutation exemplaire qu’elle finissait d’accomplir lui permettait de retrouver ses origines sans perdre aucun des bénéfices du grand mouvement circulaire qu’elle venait de parcourir. Ce tour complet sur elle-même n’eut pas seulement pour conséquence de la réconcilier avec son ascendance mais il la propulsa dans une vie nouvelle où les contradictions se dépassent et où les allées-venues d’un parcours prennent sens.
En sombrant dans un coma définitif, la mère de Nathalie a réveillé sa fille, comme pour lui donner un cœur nouveau au moment où le sien s’arrêtait de battre.
Et nous, nous y gagnons un livre qui nous va droit au cœur et nous fait rêver à d’autres vies possibles.
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Lire des pages sans images permettait à mon imaginaire de se charger de l’illustration. Les mots étaient ceux de tous, mais les images qui se formaient dans ma tête n’étaient qu’à moi. Ces images étaient le fruit de mon histoire, j’y retrouvais des sensations, je revoyais des visages croisés ou inventés. Enfin, la récréation ne me torturait plus, je pouvais retrouver en cachette celle qui, alors, devint ma meilleure amie : ma solitude. Ma corde à sauter restait rangée dans mon cartable, au cas où la bibliothèque serait fermée mais, le plus souvent, les sauts que je faisais étaient d’époque, de narration, ou de style. Papa avait habitué mon palais au sucre des bonbons qu’il m’achetait en cachette de toi mais, là-bas, je salivais à la simple lecture des titres. La solitude que je voulais fuir était en réalité une porte ouverte vers de nouvelles rencontres ; j’étais libérée. Tourner les pages, c’était comme entendre le bruit du sucre qui éclate en bouche. Les corner, c’était sentir l’affolement des papilles quand le liquide acide envahit le palais. Je ne ramenais rien chez nous, je voulais tout consommer sur place, comme si l’atmosphère studieuse de ce lieu ajoutait au plaisir de lire. J’avais les dents bleues et la langue verte à force d’écouter ces inconnus murmurer à mon oreille des histoires inédites. Je pensais à chaque fois leur arracher des confidences, mais c’était en réalité la cloche de la sonnerie qui m’arrachait à eux. Le soir, mon cartable était léger comme une plume, mais mon cœur était rempli. Je sautillais dans la rue en me disant, ma nouvelle famille, c’est eux.
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Je ne suis pas allée vers les livres pour me mettre à distance de toi. Je suis allée vers eux comme je serais entrée dans une salle pleine de têtes inconnues. Avec tant de rencontres à faire, tant d’histoires à écouter. Les livres sont venus remplir mon vide, ils ont tenu compagnie à ma solitude d’enfant. J’ai trouvé en eux les sœurs que je n’ai jamais eues, les confidents sont j’ai souvent manqué. Les livres m’ont rassurée en me disant que je n’étais pas folle, ils ont créé un lieu pour que mon excentricité s’exprime, ils ont été les fondations de ma nouvelle maison. Aujourd’hui encore, j’appréhende une nouvelle rencontre comme un livre. Je suis encore pressée de tout. Je balaye les épisodes de vie comme les pages, je feuillette jusqu’au chapitre qui m’intéresse et, ensuite, je le dévore. Si la rencontre m’a marquée comme le texte, j’y pense sans cesse et quelque chose se dépose en moi pour toujours. Sinon, j’oublie la rencontre comme le livre que je crois ne jamais avoir lu.
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J’étais enfant arrivée sur le tard, comme une dernière chance. Tu ne voulais pas que je me brûle à la flamme de la vie, trop chaude, trop dangereuse, trop intense. La flamme de la vie, toi, avec ta naïveté et ton optimisme d’antan, elle t’avait brûlée. Elle avait laissé sur ton corps des cicatrices indélébiles. Alors je m’en suis éloignée et ne l’ai utilisée que pour éclairer les pages des livres que je lisais. Tu préférais de loin que je me frotte à la douceur du papier. Enfant seule entourée d’adultes qui ne me racontaient pas la vraie vie, il ne me restait que les textes des autres pour savoir ce que tu me cachais. Dans notre bibliothèque, tu avais sélectionné des romans à l’eau de rose et il me fallut attendre un certain temps avant de tomber sur les livres qui font mal. Un jour, je suis rentrée de l’école avec le livre Un sac de billes et, tout en me servant ton pot-au-feu, tu as médit sur le professeur qui apportait de la tristesse à notre table.
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Je sautais à l’élastique dans la cour de l’école primaire quand une camarade du cours préparatoire m’avait approchée avec cette question si bizarre : « Tu es quoi, toi ? » L’élastique s’était affaissé à mes pieds, j’avais froncé les sourcils et, voyant que je ne comprenais pas la question, elle avait détaillé quatre réponses possibles : « Tu peux être catholique, musulmane, juive ou rien. » J’avais tenté de retenir ces mots compliqués en lui promettant une réponse pour le lendemain. Le soir, en sortant les endives au jambon et au fromage du four, tu ne m’avais même pas regardée en me répondant : « Dis-lui que tu es juive. » Sans ajouter le moindre élément de contexte, tu m’avais laissée explorer seule ce que cette phrase avait de conséquences.
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Je me sentais étrangère dans mon propre pays de naissance. Le passeport que je présentais, c’était celui de tes blessures. Et celles ne cessèrent de s’étendre à mesure que les jours à l’écart de leurs fumées s’écoulaient. Mon nom de famille à consonance arabe avait beau avoir une sonorité élégante, presque française, il n’empêche que je me sentais d’emblée suspecte. Tout me heurtait ; leurs chaussures trop vernies, leurs sourires de connivence, leur aisance à l’oral, les livres qu’ils avaient lus en primaire, les expositions qu’ils avaient aimées. Tout.
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Faire un métier artistique, monter sur scène, c’était plonger à pieds joints dans tes peurs. C’était reprendre le bateau, revivre le temps de l’indépendance en Tunisie, revoir les encriers jetés par terre et revivre l’errance, matérielle cette fois-ci. C’était à nouveau travailler à l’heure comme caissière au magasin général de ta tante à Tunis, c’était revivre l’humiliation familiale, sociale, avoir une vie décousue et, surtout, c’était s’aventurer sur un territoire qui n’était pas le nôtre.
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Chaque nuit, immergée dans le noir, les mots se sont mis à couler en flot continu, comme le barrage qui cède après des années de retenue. Ils se sont épanchés sur le papier, comme les gouttes de sang de ta veine éclatée, dont personne ne se doutait. Tant qu’ils coulaient, à flux constant, je me sentais vivante, ton cœur battait de plus belle. Dans leur course lente mais certaine, ils m’ont appris la patience et la frustration que tu n’as jamais osé m’enseigner.
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Incipit :
J’ai ouvert la porte de ta chambre, je suis entrée comme pour éteindre un incendie. J’ai jeté mon sac à mes pieds et je me suis approchée de toi. J’ai gardé mon manteau sur le dos, car j’avais trop froid de te voir endormie. Froid de te voir enfermée dans un monde duquel j’étais exclue. D’habitude, il n’y a rien que tu ne partages pas avec moi. Tes pensées, tes espoirs, tes peurs, ton assiette, tout.
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A pas de velours, je me suis approchée de toi, j’ai pris ta main, j’ai embrassé tes joues, mes lèvres ont reconnu leur creux et j’ai prononcé ce mot qui m’a paru soudain aussi fragile que moi : « Maman ». C’était comme si, pour la première fois, j’appelais mon nouveau-né du prénom que j’avais choisi pour lui. Maman. Ce mot, mon tout premier mot, disparaîtrait de ma bouche en même temps que toi.
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