[...] ... - Je n'ai pas d'explication. Mais c'est indubitable. Tout à fait indubitable, disait le Dr Henning Kirchhoff [= le médecin-légiste] en secouant la tête lorsque Bodenstein entra.
Son flegme professionnel et son cynisme avaient entièrement disparu. Son assistant et Pia paraissaient, eux aussi, médusés, le procureur mordait sa lèvre inférieure d'excitation.
- Qu'avez-vous trouvé ? demanda Bodenstein.
- Quelque chose d'incroyable, dit Kirchhoff en lui faisant signe d'approcher de la table et en lui tendant une loupe. J'ai remarqué quelque chose à l'intérieur de son bras gauche, un tatouage. Je ne l'avais pas vu à cause des meurtrissures que le cadavre présentait au bras. Il était tombé sur le sol du côté gauche.
- A Auschwitz, tout le monde était tatoué, objecta Bodenstein.
- Mais pas comme ça."
Kirchhoff montra le bras du mort. Bodenstein plissa les yeux et observa l'endroit désigné à travers la loupe.
- On dirait ... hum ... deux lettres. En gothique. Un A et un B, si je ne me trompe pas.
- Vous ne vous trompez pas, dit Kirchhoff en lui reprenant la loupe.
- Qu'est-ce que ça signifie ?
- Je renonce à mon métier si je me trompe, répondit Kirchhoff. C'est incroyable, car enfin Goldberg était juif.
Bodenstein ne comprenait pas l'émotion du légiste.
- Vous mettez ma curiosité à rude épreuve, dit-il. Qu'est-ce qu'un tatouage a de si extraordinaire ?
Kirchhoff regarda Bodenstein par-dessus le bord de ses lunettes. Il baissa la voix comme un conspirateur.
- C'est un tatouage indiquant le groupe sanguin. Il est identique à celui qu'avaient les membres de la Waffen-SS. A vingt centimètres au-dessus du coude, à l'intérieur du bras gauche. Après la guerre, comme ce tatouage était un signe de reconnaissance, beaucoup d'anciens S. S. ont essayé de le faire disparaître. Cet homme aussi. ... [...]