Le mensonge et la vérité sont farine du même sac. Surtout pour des gens comme nous. Que savons nous des artifices à l'origine d'un acte de foi ? Rien multiplié par rien. Parce que les évènements décisifs d'un pays sont en général le produit de conspirations. Nous n'avons accès ni aux intrigues de palais ni aux messages chiffrés. Notre ignorance est si grande qu'elle nous rend vulnérables et inefficaces . J'ai l'impression que, sur le terrain politique, on n'atteint la plénitude qu'en conspirant. Le pouvoir nous chasse de ses antichambres, se débarrasse de nous, et décrète notre inutilité. Il est le seul à être en possession des faits, le seul qui serait en mesure d'établir la vérité historique. En dehors des cabinets ministériels, l'histoire se perd. Ou alors elle devient légende
Je ne veux pas me fier à ces boussoles implacables.Je préfère suivre les étoiles, au petit bonheur.Même les saints ont eu le sens de l'aventure.Dieu aime les aventuriers.
Je me sacrifierai au soleil, mon corps est pétri de mousses et d'herbes antiques, ceux de ma maison ont fait de ma sueur plaies et élixirs, jusqu'à mon père qui attend mon sommeil dans l'espoir d'extraire de ma sueur l'effet bienfaisant de mes vices, de mes vaines métamorphoses, car je ne cesse de me transformer au contact des arbres, des ombres, de la mémoire d'un corps vénéré au temps des sacrifices au soleil, ce soleil qui embrase mes reins, qui effeuille ma peau avec une rudesse si tactile que je deviens eau dans la coupe, j'en épouse les contours, je suis la chair que le soleil dénude...
Nous sommes tous des menteurs de naissance, prédéstinés à des vérités que même nous ne comprenons pas. Comme si nos vérités sortaient de chez le brocanteur ou le ferrailleur. Nous sommes des habitants d'un cimetière de navires, couverts de mélancolie et de rouille. Seuls les artistes échappent à cette oxydation, peut-être parce-qu'ils éclairent en partie nos tunnels, sans craindre d'affronter ces détritus, ces monstres et ces formes étranges et sans nom qu'on appelle l'âme. Je crois que seule la possibilité de vivre la tragédie nous rachèterait, parce que la tragédie fait éclore la vérité baignée dans le sang. Mais qui a le courage de payer un tel prix pour la vérité ?
Je suis peu doué pour la joie. À Lisbonne, je ne sais pas grand-chose de ce qui m'entoure, qui va jusqu'au Tage ou
au-delà. Je distingue ce qui est à ma portée, je me sens chassé du Portugal. Du bout de la colline, je scrute l'horizon au-delà des mers, à partir du fleuve, et j'atteins presque à nouveau le Brésil. Je suis dérouté par les excès de l'imagination, elle m'a pourtant toujours prodigué ses fruits. Je passe tout de même les bornes. Je pense facilement aux navigateurs qui se sont distingués aux yeux de l'Infant, comme l'héroïque Gil Eanes qui, dans l'éclat d'une audace insensée, depuis le pont d'une embarcation aux voiles gonflées à craquer, bravant des tempêtes, des vents diaboliques, les monstres et les sirènes qu'il y’a là-bas, doubla enfin le cap Bojador. Un exploit qui offrit aux Portugais un monde gigantesque.
Ce n’est pas sans raison que ces rêves d’antan reviennent aujourd’hui.
Aucun rêve, si absurde soit-il, ne se perd dans l’univers. Il y a en lui une faim de réalité, une aspiration qui engage la réalité, qui grandit et devient une reconnaissance de dette demandant à être payée.