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Critiques de Nicolas Bancel (14)
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De l'indigène à l'immigré

La première conférence internationale sur l'Afrique a eu lieu à Berlin en 1884-85 au nom du " libre-échange " et s'est traduit par le partage d'une grande partie du continent entre les principales puissances occidentales de l'époque. La France y était présente en bonne position. Elle eut sa part du gâteau sans trop de douleurs. Et ce fut l'une des rares occasions où la grandeur grossièrement affichée de l'impérialisme occidental se montra prête à remodeler le monde, sans ambiguïté aucune, à l'image de ses propres fantasmes et projections.



Il va de soi que l'on pourrait analyser le fait sous l'angle uniquement économique : toute entreprise capitaliste bien menée sait se donner les moyens aussi bien intellectuels que matériels d'aboutir à ses fins. Par exemple pour transformer, au sortir de l'esclavage, des générations entières d'individus issus des possessions françaises en chair à fric, et plus tard encore, en chair à canon au nom de la République. On connaît le fameux couplet de Jules Ferry pour légitimer la conquête coloniale : " les races supérieures ont un droit sur les races inférieures. Je dis qu'il y a pour elles un droit parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ". Et on connaît le résultat.



Mais l'angle économique ne saurait tout expliquer. Car ceci n'était que l'expression d'un long processus qui allait au gré de l'histoire, et pour longtemps encore, fournir à l'opinion française ces contradictions toujours tendancieuses lui permettant de redéfinir régulièrement son rapport avec ces individus évoluant en son sein mais considérés comme des " pièces rapportées ". Des individus issus, à une ou trois générations près, des populations de ses anciennes colonies. Pour mémoire... à la fin du XIXè siècle, l'idéologie coloniale avait su trouver les mots pour inventer le modèle sauvage de l'" indigène " à qui la République devait à tout prix apporter la lumière. Par la suite, on tenta le coup de la politique d'assimilation. Puis, il y eut les indépendances et le besoin de main-d'oeuvre étrangère et son flux d'immigration.



Sans trop figer les stéréotypes sur l'Autre (le nègre, l'arabe...), sans trop s'en débarrasser non plus, on fit alors grand cas dans la société française du phénomène immigré, qui supplanta celui de l'indigénat. L'époque avait changé mais le principe restait le même : selon les besoins, il fallut trouver de nouveaux mots pour mieux intégrer la présence de l'Autre (qui reste un danger permanent). Déconstruire une image pour en mettre une autre qui nous arrange à la place, à défaut de pouvoir assumer pleinement les pages d'une histoire complexe et mouvementée, voilà le fin mot de l'histoire. Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, spécialistes en matière d'iconographie et d'histoire coloniales, se lancent à travers ce livre dans une aventure critique qui dit " avec force et mieux qu'un discours l'imaginaire sur l'Autre, indigène puis immigré ", tel qu'il a été vécu depuis la fin du siècle dernier et tel qu'il continue à se vivre dans la France des années 90. Des pans entiers de l'histoire se perdent : la preuve par 128 pages... Un travail de mémoire, une belle réflexion en somme pour les allumés du discours sur l'intégration. Le débat, certes, reste encore ouvert ! Mais la réalité historique ne saurait trop s'effacer. Bonne lecture



. Shttp://www.africultures.com
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Culture coloniale en France : De la Révolutio..

Les éditions du CNRS ont pris l’heureuse initiative de réunir en un seul volumineux ouvrage de plus de 700 pages les trois tomes dans lesquels les chercheurs de l’ACHAC ont décrit l’émergence ("Culture coloniale 1871-1931"), l’apogée ("Culture impériale 1931-1961") et la persistance ("Culture post-coloniale 1961-2006") d’une culture coloniale. Il s’agit de renverser la perspective habituelle qui insiste sur les bouleversements provoqués par la colonisation dans les colonies pour montrer combien la métropole elle-même a été influencée en retour par les conquêtes coloniales. Cette thèse était au centre de "La fracture coloniale" qu’ils avaient publié en 2005 et qui décrivait les effets laissés dans la société française par les héritages coloniaux. Ce livre avait eu un certain retentissement et avait provoqué un débat tandis que battait son plein la controverse sur la loi du 23 février 2005 dont l’article 4 avait bien imprudemment recommandé de valoriser dans les programmes scolaires les aspects positifs de la colonisation. D’un côté, ou lui savait gré de remettre le legs colonial au cœur du débat du l’identité nationale dont il avait été trop longtemps refoulé. De l’autre on lui avait reproché de faire le lit du communautarisme.



"Culture coloniale" est moins sociologique, plus historique dans son approche. L’histoire de la culture coloniale depuis 1870 est décrite dans ses moindres aspects. Les auteurs sont particulièrement convaincants quand ils montrent comment les Français durant l’entre deux guerres ont baigné dans une culture coloniale omniprésente qu’ils traquent au cinéma, au music-hall, dans la littérature de voyage mais aussi dans des objets plus surprenants : les cartes postales, les jouets, la publicité (le nègre hilare de Y’a bon Banania est bien sûr mentionné). Ce travail de déconstruction empirique d’un ensemble de dispositifs culturels démontre la force de séduction exercée par la culture coloniale. La conséquence fut l’adhésion quasi-unanime des Français de l’Empire, qui culmine lors de l’Exposition coloniale de Vincennes de 1931.



Même si elle peut susciter quelques réserves, l’œuvre des chercheurs de l’ACHAC présente une cohérence admirable et mérite d’être saluée. Depuis une quinzaine d’années, Blanchard, Lemaire et Bancel poursuivent leurs recherches sur la colonisation, la construction de l’image de l’autre, les liens entre immigration et décolonisation, dans une multitude de recherches et d’ouvrages : l’essai "La République coloniale" publiée avec Françoise Vergès, le colloque "Les Zoos humains" à l’Institut du monde arabe fin 2001, l’ouvrage de vulgarisation "De l’indigène à l’immigré" chez Découvertes Gallimard, la collection "Le Paris noir", "Le Paris arabe", "Le Paris Asie", etc.

Sans doute serait-il exagéré de comparer cette entreprise à celle dont Pierre Nora fut le maître d’œuvre dans les années 80 avec "Les lieux de mémoire". Mais elle n’en présente pas moins certaines similitudes : le travail en équipe, l’intérêt porté à des formes négligées d’expression populaire (les objets quotidiens, le cinéma, les guides de voyages…), le souci constant d’articuler cette recherche historique à une mise en tension de problématiques sociologiques contemporaines.
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L'invention de la race

L’ouvrage réussit à proposer une étude systématique sur le destin du concept de race, en lien avec l’anthropologie physique et les lieux d’exhibition. De l’anthropométrie aux taxonomies raciales, les discours scientifiques ont légitimité l’impérialisme et la colonisation en s’associant aux exhibitions ethniques, devenues en 1870 un « système mondialisé ». Les répétitions (notamment dans la troisième partie, dont le cas de la Vénus Hottentote décrit dans plusieurs contributions) n’enlèvent rien à la qualité de l’ouvrage qui articule science et spectacles en soulignant combien « l’explication par la race » deviendra extraordinaire pour expliquer l’ordre du monde. Le livre prolonge ainsi les débats sur la construction de l’« Autre » et impulse des questions encore peu explorées : pourquoi les spectacles ethniques s’épuisent-ils presque partout dans les années 1920 ? Quels liens existent entre l’anthropologie raciale et l’eugénisme ? Nul doute que les spécialistes, dont les contributeurs de l’ouvrage, continueront à travailler sur ces questions centrales.



http://www.lectures.revues.org
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Le grand repli

A en croire Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Ahmed Boubekeur, la société française est entrée dans l’ère du Grand repli. Hantée par le spectre du déclin, elle se recroqueville sur une identité mythifiée, celle des « Français de souche », et sur la haine de l’autre. Cette idéologie racialiste, sinon carrément raciste, est alimentée par le discours des élites politiques et médiatiques. Elle percole dangereusement dans la société française alimentant une lepénisation rampante des esprits dont témoigne par exemple l’antisémitisme décomplexé d’une Dieudonné.

Le Grand repli est une idéologie de combat qui entend répondre à une violence par une contre-violence. La violence c’est la peur du Grand remplacement. La théorie a été forgée par Renaud Camus en 2010 et reprise notamment par Eric Zemmour dans son succès de librairie « Le suicide français » : l’identité française serait menacée par le métissage. Pour répondre à cette violence, une contre-violence s’impose. C’est l’altérophobie, la haine de l’autre, le juif hier, le musulman aujourd’hui.

Les auteurs insistent sur la centralité de l’islamophobie chez les tenants du Grand repli. Les musulmans incarnent désormais l’ennemi intérieur, d’autant plus dangereux qu’il se cache à l’intérieur du corps national à protéger. Faisant fond sur les travaux de Thomas Deltombe , de Mathieu Rigouste et de Bertrand Godard , ils séquencent cette phobie en trois périodes. Les premières vagues d’immigration maghrébine pendant les Trente glorieuses sont l’ère du mépris : les musulmans n’ont pas droit de cité dans la république gaullienne et pratiquent leur religion en cachette. Avec la crise, la fin de l’immigration économique, la sédentarisation des familles maghrébines et sahéliennes, naît le temps du soupçon : les croyants, dont la foi devient plus visible, sont suspectés de constituer la « cinquième colonne » d’un islam téléguidé de l’étranger. L’échec de la gauche comme de la droite à structurer l’islam de France conduit à la période actuelle : l’ère de la peur. Cette peur s’exprime à travers ce que les auteurs qualifient, non sans outrance, de « rage laïcarde » (p. 35). Loin de favoriser le vivre-ensemble, la laïcité serait facteur d’exclusion, renvoyant tous ceux qui ne se plient pas à ses règles, de plus en plus contraignantes, à une marge honnie.

Le Grand repli fonctionne comme un système de poupées russes ou de vases communicants. La laïcité cache en fait l’exclusion de l’islam. Le « problème musulman » renvoie à la crise des banlieues. La ghettoïsation, l’apartheid géographique sinon racial fait ressurgir un imaginaire colonial. Et c’est ce dernier point qui est le plus stimulant et le plus polémique dans le travail de ces trois auteurs. Depuis une quinzaine d’années ils explorent, dans de nombreuses publications dont nous avons rendu compte ici la rémanence du fait colonial. L’immigré aujourd’hui, disent-ils, est traité comme le colonisé hier. L’inquiétude qu’il inspire au « Français de souche » justifie qu’un traitement dérogatoire lui soit appliqué : ses doits civiques (le droit de vote), individuels (la liberté religieuse), sociaux (le droit au travail, à un logement décent) sont bafoués. Une même « situation coloniale » – au sens où l’entendait Georges Balandier – perdure entre des citoyens et des indigènes qui vivent côte à côte mais pas ensemble.

Comment sortir du Grand repli ? Comment restaurer le vivre-ensemble ? Les auteurs et leurs collègues de l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine (ACHAC) le répètent sans être entendus : en évoquant sans fard le passé colonial de la France afin que tous les enfants de la République s’y reconnaissent. Ce « passé qui ne passe pas » doit être enseigné dans les écoles : la réforme des programmes scolaires laissant plus de place à l’histoire de la colonisation va dans le bon sens. Il doit être montré dans les musées : après l’inauguration du mémorial ACTe en Guadeloupe reste à espérer qu’un lieu de mémoire soit inauguré en métropole, qui ne cède ni à la nostalgie ni à la repentance.
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De l'indigène à l'immigré

Nous en avons tous plus ou moins conscience, la présence de populations immigrées en France est l’héritage d’une longue histoire coloniale française. Étendu au Maghreb, à l’Afrique noire et à l’Indochine, l’empire colonial français qui s’est affirmé comme une puissance économique mondiale dès le 19è siècle, s’est donné pour mission de civiliser les peuples indigènes de ses colonies. La théorie de la « supériorité raciale » paradoxalement étayée par les scientifiques de l’époque et la multiplication des expositions coloniales alimentent alors les stéréotypes coloniaux et ouvrent la voie aux fantasmes les plus grotesques à propos des populations des contrées exotiques. Dès 1945, cette hégémonie coloniale française est mise à mal par la lutte pour l’indépendance de l’Algérie incarnée par Messali Hadj et par la résistance de figures emblématiques comme Hô Chi Minh en Indochine. Les puissances coloniales doivent faire face à une crise sans précédent qui exige une refonte des discours politiques. L’image de l’indigène fait place à celle de l’immigré. Les « politiques assimilationistes » caractéristiques à la France misent désormais sur une logique d’intégration des populations immigrées mais la réalité est cruelle. Les stéréotypes et préjugés raciaux véhiculés pendant des décennies au travers de l’abondante production iconographique restent profondément ancrés dans l’imaginaire collectif et perdurent encore de nos jours malgré une prise de conscience de la résurgence du racisme et la forte mobilisation des autorités publiques et de la société civile autour de ces questions...



Aimé Césaire avait profondément raison lorsqu’il déclarait en 1954 : « Le colonialisme porte en lui la terreur. Il est vrai. Mais il porte aussi en lui, plus néfaste encore peut-être que la chicotte des exploitateurs, le mépris de l’homme, la haine de l’homme, bref le racisme. Que l’on s’y prenne comme on le voudra, on arrive toujours à la même conclusion. Il n’y a pas de racisme sans colonialisme. » Cette citation mise en exergue au début de l’ouvrage offre une belle entrée en matière pour les spécialistes de l’histoire coloniale et post-coloniale que sont Nicolas Bancel et Pascal Blanchard. En effet, il est difficile d’évoquer le colonialisme sans dénoncer le racisme. Aussi, grâce à une approche basée sur une analyse historique, documentaire et iconographique originale, les deux auteurs proposent avec ce titre, un passionnant travail historiographique et mémoriel sur l’histoire coloniale française dont certains aspects encore malheureusement méconnus méritaient d’être étudiés et mis en en lumière. Enrichi par l’analyse d’un précieux panel de sources iconographiques d’époque, De l’indigène à l’immigré démontre en outre, la puissance de la manipulation par l’image et la façon dont l’image s’est faite l’instrument de tous les discours de propagande. Tenant en à peine 128 pages, ce livre d’ailleurs doté d’un substantiel appareil critique (illustrations, témoignages, citations, chronologies, bibliographie...), est surprenant par la richesse et la qualité de son contenu. Et à vrai dire, en ouvrant ce livre, vu son épaisseur et ses nombreuses illustrations, je m’attendais plutôt à de la littérature jeunesse. Mais l'incroyable masse critique d’informations, si elle reste accessible à des publics jeunes, peut/doit intéresser tous les publics car l’approche pédagogique, les propos argumentés et les références largement documentées permettent de nourrir une réflexion pertinente autour de l’histoire coloniale française et invitent intelligemment à approfondir ses connaissances sur le sujet. Assurément un livre à mettre entre toutes les mains !
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Ruptures postcoloniales : Les nouveaux visa..

Voilà plusieurs années que je suis avec intérêt les travaux de l'ACHAC (Association pour la Connaissance de l'Histoire de l'Afrique contemporaine). Dans leur précédente somme "Culture coloniale" (CNRS Editions/ Autrement, 2008), ce groupe de jeunes historiens exhumait, de 1870 à nos jours, les traces en France métropolitaine d'une colonialité dont on avait jusqu'alors sous-estimé la prégnance. Deux ans plus tard, le groupe élargit sa perspective en s'ouvrant à de nouvelles problématiques, moins historiques et plus politiques, et à de nouveaux horizons (on saluera les contributions de nombreux chercheurs de toutes nationalités travaillant aux Etats-Unis tel l'historien sénégalais Mamadou Diouf ou la grande dame des Gender studies Anne McClintock). Ce faisant, "Ruptures postcoloniales" peut se lire comme le troisième volet d'un tryptique, commencé en 2005 avec "La fracture coloniale" qui, dans une perspective plus sociologique, cherchait à démontrer la présence toujours bien vivace dans la société française contemporaine d'un héritage colonial mal assumé. Ce faisant aussi, la quarantaine de contributeurs réunis autour de Nicolas Bancel et de Pascal Blanchard s'exposent aux critiques parfois virulentes de J.-F. Bayart qui leur reproche de réifier le fait colonial et d'en nier l'historicité.

Dans une introduction remarquable, les six coordinateurs du livre répondent aux critiques qui leur sont adressées. On leur reproche d'ethniciser le fait social ? Vent debout contre le "retour tonitruant" de l'identité nationale dans le débat politique français" (p. 26) mais aussi contre le procès en communautarisme qui leur est intenté, ils prônent un vrai cosmopolitisme et affirment que la société française doit se penser en termes d'hybridation voire de créolisation (p. 15). On les accuse d'entretenir une "guerre des mémoires" ? Ils revendiquent au contraire un "travail d'anamnèse" (p. 22) préférable selon eux à "l'aphasie coloniale" (l'expression est de Ann Laura Stoler) qui a trop longtemps prévalu. On pointe leur engagement politique au détriment de leur rigueur scientifique ? Ils invoquent les mânes de Michel Foucault pour réhabiliter la figure de l'intellectuel engagé.

La démarche a le mérite de rompre avec le conformisme timoré qui prévaut souvent dans le monde des sciences humaines. Elle n'en rencontre pas moins certaines limites dont cet ouvrage collectif est emblématique.

"Ruptures postcoloniales" a en effet perdu la cohérence de ses prédécesseurs. Nulle part n'est explicité le choix du titre : de quelles "ruptures postcoloniales" s'agit-il ? Les contributions se succèdent sans plan très clair (autant le premier quart du livre consacré aux pères fondateurs de la pensée postcoloniale a sa cohérence - on saluera l'essai de A. Boubeker consacré au trop méconnu A. Sayad - autant la seconde partie apparaît comme un fourre-tout hétéroclite). Certains contributeurs prestigieux n'ont pas pris la peine d'écrire des articles en bonne et due forme et ne sont présents que sous la forme d'entretiens ce qui n'est jamais bon signe (Patrick Weil, Mamadou Diouf, Pascal Boniface). A côté des contributions toujours très sures de Benjamin Stora ou de Marie-Claude Smouts, certaines autres sont la reprise parfois à l'identique d'articles de "Culture coloniale" (Achille Mbembe, Gabrielle Parker, Herman Lebovics), d'autres ne se justifient guère (ainsi du long article de Françoise Vergès sur la Maison des civilisations et de l'unité réunionnaise sans lien clair avec les autres articles du recueil). Plus inquiétant encore, d'autres se perdent - et perdent au passage leurs lecteurs - dans un sabir inutile (on peine à voir l'intérêt de certains néologismes forgés sans justification : mêlement (p. 180), déréalisation (p. 224), déclosion (p. 305), monstration (p. 398), transcolonialité (p. 404), etc. ) et dans des développements dont je confesserai, le rouge au front, ne pas avoir compris le moindre mot (ainsi de l'article de Ramon Grosfoguel sur le "pluri-versalisme décolonial").

A force de vouloir parler, mal, de tout, la pensée postcoloniale, véritable auberge espagnole, court le risque de ne plus parler de rien.
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Histoire globale de la France coloniale

Premier livre commenté en 2023, et c'est une somme.

Un pavé regroupant 108 contributions et 700 pages de textes (écrits dans un corps minuscule et sur 2 colonnes ! ) plus les références et la bibliographie …



Une révélation pour moi qui ai vécu de loin l'exaltation de l'Empire colonial français – le planisphère avec ses grandes étendues roses – les écho de la guerre d'Indochine – mais c'étaient des militaires de carrière – les négociations de Pierre Mendès-France, mais surtout la guerre l'Algérie où combattait mon beau-frère …



Cette pléiade de contributeurs internationaux appartient au groupe de recherche Achac qui travaille depuis 1989 sur la question coloniale et postcoloniale et analyse les prolongements contemporains de la représentation coloniale et ses enjeux.



Une approche globale – très diversifiée : littérature, cinéma, lieux de mémoire, séquelles profondes de l'esclavage, propagande d'Etat touchant particulièrement les enfants et les ménagères, opérations de marketing visant à favoriser les produits coloniaux, ségrégation de fait, néocolonialisme, réservoir de troupes efficaves et peu payées, réseaux françafrique, organisation de transfert de main d'oeuvre, rôle des diasporas – à chaque sujet, juste quelques pages, parfois difficiles à « avaler » …



Une découverte pour moi : pas à pas, pierre par pierre, image après image … l'exhibition de l'Autre, le colonisé, une mise en scène qui associe la construction des grands empires coloniaux à l'émergence de théorie racialistes comme la supériorité intellectuelle de l'homme blanc, le cannibalisme de l'homme noir – eugénistes, sexistes ou ségrégationniste.



En fait, si l'intrusion coloniale en Afrique subsaharienne se fit dans un premier temps discrète et parfois séduisante à la fin du XVIIIème siècle face aux désordres internes antérieurs, les Africains ne réalisèrent que trop tard qu'ils s'étaient fait prendre au piège.



Ensuite, la propagande aidant – la grande exposition coloniale de 1931 – la plus grande majorité de l'opinion publique se rassemble derrière le mythe de la supériorité de l'homme blanc et la « mission civilisatrice » de la France.



La perte de l'Empire colonial a été une grande blessure narcissique du nationalisme français, la perte d'un imaginaire considérable. Nous sommes bien loin d'en mesurer aujourd'hui et pour l'avenir toutes les conséquences morales, culturelles, sociales et politiques.



Un livre indispensable pour comprendre la France d'aujourd'hui, et nos semblables.



A propos, saviez-vous que nous avions mené une guerre « de haute intensité » au Cameroun entre 1955 et 1971 ? Avec vastes opérations de guerre révolutionnaire, regroupement de populations, tortures, exécutions extra-judiciaires, bombardement et ratissages ? Une guerre coloniale « oubliée » !



 
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Décolonisations françaises : La chute d'un empire

Parallèlement au documentaire en 2 volets sur France2, sur le même thème avec aussi Pascal Blanchard à la direction avec David Korn-Brzoza, il en épouse peu ou prou le même découpage mais cette fois sur la base de films d'archives et de témoignages de l'époque ou contemporains.

Une très intéressante fresque qui explique à grands traits comment cet empire colonial qui a permis au nationalisme français d'être fier et conquérant s'est déconstruit en 25 ans à travers du sang et des larmes pour les colons et les colonisés. Cette décolonisation s'est faite par la victoire des peuples colonisés face à l'armée et la répression sous toutes ses formes, et la France n'a pas hésité à essayer par tous les moyens de préserver son accès aux richesses de ses anciennes colonies. Elle n'a pas réussi à regarder en face ce passé qui est basé sur le racisme, lequel imprègne encore notre société. Et les dernières colonies françaises sont encore de nos jours comme la Nouvelle-Calédonie, des enjeux soumis à de fortes passions. Il serait temps de laisser la place à ce que la vie, passée et présente, soit l'objet d'accéder à la connaissance de chacun.
Lien : https://www.france.tv/france..
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Sexe, race & colonies

Bien que trop moralisateur pour une oeuvre qui se veut historique (le méchant blanc contre le pauvre indigène), on peut noter toutefois la puissance de certaines réflexions qui n'en demeurent pas moins cruellement d'actualité. En outre, un travail iconographique d'une grande qualité nous fait replonger dans une partie honteuse de l'histoire de laquelle nous découlons.
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Le postcolonialisme

Ce petit livre (par son format, 123 pages) explique de façon lumineuse la théorie postcoloniale, un courant de recherches qui explore depuis les années 70 les mécanismes de domination politique, sociale, juridique, mais aussi symbolique, psychique, sexuelle, qui sont à l'œuvre dans la colonisation et qui ont cours encore aujourd'hui dans nos sociétés et les sociétés décolonisées.

Ce courant de recherches imprègne de nombreux domaines de la connaissance - la littérature comparée, la sociologie, l'histoire - comme le fit le marxisme à son époque. Très présent dans le monde anglo-saxon, il reste marginal en France. En histoire, le postcolonialisme a le mérite de dépasser les temporalités classiques - colonisations / indépendances - en montrant que les effets de la colonisation perdurent encore largement, que ce soit dans les relations diplomatiques entre les anciennes métropoles et leurs colonies, les mémoires des populations immigrées, les métissages culturels.

L'auteur, Nicolas Bancel, n'oublie pas de faire le point dans son dernier chapitre sur les critiques qui ont pu être adressées à certains travers de ce courant : une focalisation sur les textes littéraires et les discours qui a pour effet de négliger les conditions concrètes de vie des acteurs ; une essentialisation de la colonisation qui en gomme les réalités les plus diverses (le Maroc de Lyautey n'est pas le Congo de Léopold II) ; de la même façon, une essentialisation de l'Europe ou de l'Occident, qui sont traversées par des débats intellectuels (ex : l'esclavage).
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Histoire globale de la France coloniale

L’ouvrage aborde de manière éclairante l’épineuse question du dépassement des clivages engendrés par cette histoire.
Lien : https://www.lemonde.fr/afriq..
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Sexe, race & colonies

L’appropriation coloniale des corps est un sujet passionnant. Mais dans « Sexe, race & colonies », la recherche de l’effet esthétique suscite le malaise.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Sexe, race & colonies

Traversant six siècles d’histoire (de 1420 à nos jours) au creuset de tous les empires coloniaux, depuis les conquistadors, en passant par les systèmes esclavagistes et jusqu’à la période postcoloniale, "Sexe, race et colonies. La domination des corps du XVᵉ à nos jours" explore le rôle central du sexe dans les rapports de pouvoir.
Lien : https://www.lemonde.fr/afriq..
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La France arabo-orientale : Treize siècles de..

Cet ouvrage tombe à point nommé en offrant «une histoire globale» qui dépasse «les seuls rapports à la religion, à la guerre, à l’affrontement». L’ensemble des chapitres chronologiques confiés à des spécialistes, incroyablement servis par une iconographie minutieuse et souvent inattendue [...]
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