Mais alors qu'il observait son ennemi mortel, il se rendit compte que ce dernier pleurait. Oui, il pleurait ! Des torrents de larmes jaillissaient de son œil au regard fixe, et dévalaient les pentes escarpées de ses joues pâles, puis mouillaient son torse nu et scintillant, comme recouvert d'une magnifique pluie de perles. Là, en plein milieu de ce couloir vide, seul et délaissé de tous, Ádeio avait l'air si malheureux, comme l'enfant incompris de tous, le laissé-pour-compte errant sans but et sans raison dans la cour de récréation. La tristesse poignante de cette scène frappa Alexandre en plein cœur. Il demeura immobile durant quelques instants, ne sachant s'il devait croire ce qu'il voyait. Mais n'en pouvant douter, il éprouva aussitôt d'amers regrets pour avoir jugé cet être si sensible de manière si honteuse. Dans un bref moment de lucidité, il se demanda si en fin de compte les rôles n'avaient pas été inversés, si en vérité ce n'était lui le monstre, et Ádeio l'être humain. Comment pouvait-il encore se tenir là, debout, insensible à la souffrance et à l'expression si pure du désespoir ? Comment se faisait-il qu'il ne se fût toujours pas précipité à la rencontre de cette âme meurtrie pour la réconforter ?
Soudain, les pieds d'Alexandre glissèrent imperceptiblement sur le sol en direction du Ténébreux. Mais quelle ne fut sa surprise, lorsque soudain, la tête du souverain démon pivota vers lui, et qu'il lut la vérité sur son étrange visage plein d'une joie malsaine !
"Tu as beau la cacher au fond de ton coeur, mais moi je la ressens... ta douleur ! Une aussi jolie chose ne devrait pas être exposée à tant de noirceur. Pour qu'une fleur puisse s'épanouir dans sa plus belle robe, il lui faut beaucoup de lumière, de soin, et de confiance en elle-même."