Deverill se renfrogna. S’il quittait Londres, sa fuite le ferait paraître coupable, mais c’était inévitable.
- Si j’étais le seul à courir des risques, je resterais peut-être, mais je ne veux pas qu’Antonia Maitland tombe entre ses griffes.
- Des mesures drastiques s’imposent, approuva Macky. Que comptes-tu faire ?
- L’emmener en Cornouailles. Dans le château de lady Isabella, près de Falmouth. Howard ne la trouvera jamais là-bas.
- Sera-t-elle d’accord ?
Deverill sourit.
- Je ne pense pas qu’elle s’y rendra de son plein gré. Il faudra que je lui raconte une histoire pour qu’elle embarque avec moi tout à l’heure.
Elle sourit à Deverill, qui eut l’impression que son cœur cessait de battre.
- Vous reverrai-je, ce soir? demanda-t-elle.
- Non, j’enverrai un domestique à qui vous remettrez votre lettre.
Il tendit la main vers sa joue mais la retira précipitamment, électrisé par ce simple contact.
- Je pense qu’il vaut mieux éviter de nous voir pendant un moment. Vous représentez une trop grande tentation, Antonia. Puisque nous ne nous marierons pas, je préfère éviter de vous approcher de trop près.
Il ressentit une pointe de satisfaction en remarquant la déception qui emplissait ses grands yeux bleus.
Deverill était conscient d’avoir réussi à immiscer un doute dans l’esprit d’Antonia. Sa beauté et sa fortune lui garantissaient d’épouser l’homme de son choix. Rien ne l’obligeait à se marier avec Howard. Il demeurait convaincu qu’elle trouverait aisément un meilleur parti.
Son absence de titre l’empêchait de prétendre lui-même à sa main, et d’ailleurs le mariage ne faisait absolument pas partie de ses projets.
Antonia s’apprêtait à monter en selle quand, ignorant le valet, Deverill s’approcha et lui saisit la taille. Elle inspira vivement et se tendit. Leurs regards se croisèrent, et elle eut la certitude qu’il savait précisément l’effet qu’il produisait sur elle. Alors, avec une aisance qui trahissait une grande force physique, il la déposa sur sa selle d’amazone.
En observant Antonia Maitland traverser la foule qui emplissait la salle de bal, Trey Deverill songea qu’elle ne ressemblait nullement à une jeune fille en détresse. A la voir, on ne se serait jamais douté que sa vie fût en danger. Elle était pourtant la victime potentielle de l’homme à qui elle avait promis de donner sa main.