Ce chemin à l'envers m'intimidait. Je quittais l'hôpital non pas avec regrets mais avec crainte comme si l'endroit où je me sentais chez moi avait changé de nom. Dans la chambre 95, j'étais en sécurité, je partais vers l'inconnu.
Rue Dorlodot. Ce nom m'avait plu tout de suite, il campait bien la tiédeur de cette terre où se mêlait les odeurs et les bruits. Des touffes d'enfants la jalonnaient en riant aux portes des maisons. Je marchais sur le sol brûlant, je ne pensais à rien. Ma vie, la raison de ma vie, c'était chaque cri d'oiseau qui griffait le silence, la morsure d'une pierre usée où butait mon pied nu, le baiser pointu du soleil sur ma joue, mon épaule. Je goûtais intensément le parfum âcre d'herbes salées et d'eau verte.