Au dix-huitième siècle, les armes de la justice étaient à
double tranchant : la répression allait de pair avec l’arbitraire.
Le roi de France et ses ministres pouvaient faire incarcérer le
moindre de leurs sujets à leur guise, en toute discrétion, sans
autre forme de procès, condamnant parfois l’importun à
l’oubli éternel. La lettre de cachet était l’instrument de cette
politique radicale, et les citoyens, loin de s’offusquer de la
présence de ce dangereux outil dans les mains de leur
souverain, cherchaient de plus en plus souvent à ce qu’il s’en
servît à leur avantage, qui pour éloigner un parent prodigue,
qui pour sanctionner un voisin bruyant, qui pour punir une
femme volage, qui pour se débarrasser d’un ennemi.
— C’est à la justice de s’en charger, Hec, pas à toi !
— Tu parles de cette justice qui ne l’a mis au trou que
deux ans pour son premier viol et qui lui a ainsi permis de
recommencer ? De cette justice léthargique qui ne le
condamnera que dans cinq ans ? De cette justice qui le libérera
à la moitié de sa peine ? Hors de question ! J’aurai encore des
cauchemars après l’avoir crevé, c’est certain, mais je dormirai
en paix avec moi-même au moins. Je veux venger Nadine, tu
comprends ?