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Citation de Helene2051


Le plus drôle ou le plus énervant, comme on veut, ce n'est pas tant la difficulté d'être différent, c'est l'absence de toute prise en compte de cette différence à l'école par les adultes. Toutes mes manifestations de rage à cet âge là contre les professeurs et les adultes du collège, je sais avec le recul que c'était seulement des cris désespérés pour être reconnu tel que j'étais. C'est la même chose avec tous les élèves qui n'y arrivent pas, ils voudraient simplement qu'on les laisse s'épanouir et non qu'on les force à se ranger à la même norme idiote.
Je me souviens un jour qu'on nous a distribué en classe des petits fascicules rouges que j'ai conservés. En mode éducation civique. C'étaient des petits livrets: "Apprenez à dire NON." Les élus politicards de la région qui les avaient créés, nous les avaient distribués à tous. C'est la chose la plus honteuse que j'ai jamais vue de ma vie. Dans le fascicule il y avait un petit bonhomme représenté par un rond, un trait pour le corps, et deux autres traits à angle aigu pour les bras (c'est dire si les politiciens étaient soucieux du réel). Et le petit bonhomme se retrouvait dans toutes sortes de situations. Par exemple on le voyait entouré de trois autres grands bonhommes (eux aussi avec un rond plus grand, un trait plus long, et deux bâtons). Les trois grands bonshommes criaient au petit bonhomme : "Donne moi ton portefeuille !" Et le petit bonhomme répondait : "Non." Il se faisait agresser. Il disait : "Non." Les mecs de la région ou je ne sais quoi, les types qui font des directives ministérielles pensaient sérieusement qu'un gosse pouvait répondre à trois grosses brutes : "Non, vous êtes méchants." et que ça allait être efficace ? Je devais avoir dix ou douze ans mais je me souviens avoir été choqué au plus haut point par ce livre odieux. Comme si on demandait son avis à celui qui est victime de violences ! J'imaginais les situations rocambolesques que devaient peut être avoir en tête les gens qui décidaient de distribuer aux élèves de semblables conneries : "Veux-tu que je te violente ? - Non, je ne veux pas que tu sois violent avec moi." "Tu es d'accord et que je te tape dessus et que je t'attache les oreilles au grillage avec du fil barbelé ? (situation vécue réellement) - Non, je ne suis pas d'accord, car la violence ce n'est pas bien." Mais qu'est-ce que peuvent bien avoir en tête les crétins qui publient de semblables inepties ? Plutôt que d'aider réellement les élèves, on se contente de leur inculquer ce genre de directives risibles. Le jour même où on m'a donné le dépliant, trois grands de 4ème C m'ont laissé à moitié mort contre un mur. Je ne sais plus si j'ai eu le temps de dire : "Non", de leur expliquer que la violence ce n'était pas bien ; ils m'ont plaqué contre le mur et m'ont bourré de coups de pieds quand j'ai essayé de me débattre. Heureusement, j'ai vite compris que dans la réalité, face à quelqu'un qui me traitait de Forrest Gump, il valait mieux dire "Oui" et n'en penser pas moins. Et plutôt trouver un moyen d'esquiver, de contourner. Que le collège était une jungle où il fallait apprendre à survivre par soi-même, et sûrement pas en comptant sur l'appui des surveillants, qui vous envoyaient en colle avec les pires brutes du collège et ou l'horreur recommençait. Non, dire non, c'était bien joli dans les livres, mais il valait mieux se taire et s'enfuir. "Apprenez à dire NON" quelle prétention ! comme s'il suffisait de le dire, alors que personne dans l'établissement n'avait quelque chose à faire des enfants différents et que mes seuls amis comme par hasard étaient le portugais et le rebeu du village. Et on voyait sur le dépliant pendant vingt pages, le petit bonhomme qui faisait la morale aux grands bonshommes. J'ai gardé ce dépliant. Je vous invite à venir boire un coup à la maison si vous n'êtes pas convaincus. Et si j'en profite pour vous kidnapper et vous prendre en otage dans ma penderie, vous me direz : "Non" ? Je vous apprendrai.
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