MIGUEL. ─ Et les singes, les macaques japonais, ils ressemblent beaucoup aux Japonais, ils sont très organisés.
GUY. ─ Hé...
MIEKE. ─ C'est plutôt les Japonais qui leur ressemblent, hein.
MIGUEL. ─ Bah, on peut dire ça aussi.
STEPHANE. ─ Eh, c'est dans quel sens, alors ?
MIGUEL. ─ Bah, puisque c'est le climat qui règle la vie, quand il s'agit d'espèces aussi proches que le singe et l'homme, les styles de vie ont fini par se ressembler. Et l'apparition des troubles psychologiques, pour une grande part, est elle aussi déterminée par le climat, vous savez.
GUY. ─ Je vois.
STEPHANE. ─ Bon, alors, la femelle du macaque japonais, elle est pudique ?
MIGUEL. ─ Aah, ça, je ne sais pas.
STEPHANE. ─ Allons bon.
MIGUEL. ─ D'abord, maintenant, la femme japonaise n'est plus aussi docile.
STEPHANE. ─ Aah, bon.
MIGUEL. ─ Tu n'as qu'à voir celles qui sont venues dans ce centre de recherches.
STEPHANE. ─ Mais ça, c'est valable pour des spécialistes de la recherche sur les singes.
MIEKE. ─ Eh bien, quelle terrible façon de parler.
STEPHANE. ─ Ah, non plus, euh, je retire ce que je viens de dire.
MIEKE. ─ Je pardonne pas.
STEPHANE. ─ Excuse-moi.
MIEKE. (en néerlandais) ─ Guy, vous savez ? les femelles des anthropoïdes, elles ont la notion de rancune.
GUY. ─ Eh ?
MIEKE. ─ En général, chez les singes, on dit que la femelle est sage et le mâle belliqueux, n'est-ce pas ?
GUY. ─ Eeh.
MIEKE. ─ Mais, en réalité, c'est un peu différent.
GUY. ─ Eh, ah bon ?
MIEKE. ─ Comme phénomène, c'est vrai, mais, ça, c'est parce que le mâle n'est pas très doué pour les réconciliations.
GUY. ─ Eh, comment ça ?
MIEKE. ─ Le mâle, vous voyez, même s'il s'est disputé, le lendemain, il a tout oublié, et il fait du grooming, tandis que la femelle, une fois qu'elle est en colère, pendant quelque temps, elle ne peut pas retrouver une bonne relation.
GUY. ─ Ha...
MIEKE. ─ C'est pour ça que les femelles se battent le moins possible. Parce que c'est un coup fatal pour le groupe.
GUY. ─ Je vois,
MIEKE. ─ Les femelles ne pardonnent pas...jamais.
GUY. ─ Oui.
MIGUEL. ─ Bon, alors, Guy, vous connaissez l'hypothèse d'Eve ?
GUY. ─ Eh, non, je ne sais pas.
MIGUEL. ─ Eh bien, quand on analyse les gènes, on remonte jusqu'à la première femme qui est l'ancêtre de l'homme.
GUY. ─ C'est l'aïeule de l'humanité, hein.
GUY. ─ Tout à l'heure, je suis tombé sur une scène d'amour libre entre bonobos, êtes-vous sûr que c'est une bonne chose de montrer ça à des enfants ?
STEPHANE. ─ Aah.
GUY. ─ La stimulation est un peu trop forte, vous ne croyez pas ? Enfin, c'est exactement comme...les hommes.
STEPHANE. ─ Exactement, c'est pourquoi il faut le consentement des parents. Et c'est pourquoi, oui, justement, l'établissement éducatif est important. Aux parents, on montre la situation des bonobos dans la nature. Pendant ce temps-là, aux enfants, dans l'établissement éducatif, on fait des expériences sur le langage des bonobos et on les éduque à la nature.
GUY. ─ Bon, alors, un par un.
STEPHANE. ─ Exactement, à la base, un par un.
GUY. ─ Et cela ne leur fera pas trop de stress ?
MIGUEL. ─ Bah, on fera en sorte qu'il n'y en ait pas, hein. Simplement, dans les jardins zoologiques, il y a beaucoup d'endroits où on élève les bonobos tout seuls, alors dans l'ensemble on peut pas dire que c'est pas bien, hein ?
STEPHANE. ─ On n'a pas l'intention de cacher le sexe des bonobos, vous savez. Au contraire, on voudrait en faire un argument de vente. Par exemple, je crois que ça devrait réjouir les couples en voyage de noces.
GUY. ─ Mais ça, c'est une chose.
STEPHANE. ┬ Il faut que vous sachiez que les bonobos ne répugnent pas à montrer leurs accouplements.
GUY. ─ Ha...
MIGUEL. ─ Mais, bah, tu ferais mieux de ne pas dire ça devant Mieke.
STEPHANE. ─ Bien sûr. Mais quand même, il n'y a personne chez les humains qui ne soit pas intéressé par les ébats des autres.
...
Et ça, on peut le voir également. Ça peut pas ne pas être populaire.
...
GUY. ─ Bah, faites de votre mieux.
STEPHANE. ─ Merci.
BERNARD. ─ Vous ne voulez pas essayer, avec la position des singes, la communication.
GUY. ─ Aah, non, ça n'a pas grand-chose à voir avec la psychologie.
MIEKE. ─ Tu continues ?
BERNARD. ─ Je vous aiderai, pour apprendre aux singes toutes sortes de positions.
GUY. ─ Je décline l'invitation.
BERNARD. ─ Bien sûr, on leur montre seulement, aux singes, toutes sortes de positions, seulement la forme.
MIEKE. ─ Heureusement encore.
BERNARD. ─ Enfin, vous savez, il n'y a pas si longtemps, une femelle, pour demander à manger, a montré son derrière à un mâle.
MIEKE. ─ Oui.
GUY. ─ Eh ?
MIEKE. ─ Ça arrive souvent, ça.
BERNARD. ─ Aah, c'est vrai ?
MIEKE. ─ Oui, alors, ils copulent, et après, en général, elle reçoit à manger du mâle.
BERNARD. ─ C'est pour ça que, si on tend la main, comme ça, on le fait au gré des sentiments, on demande à manger, mais présenter le derrière, ça permet une sorte de communication. On peut dire que c'est une tactique, pas vrai ?
GUY. ─ Bah, peut-être, mais alors, est-ce qu'il peut s'agir de prostitution ?
MIGUEL. ─ Bah, en quelque sorte, hein.
GUY. ─ Ooh.
MIEKE. ─ Ça, en fin de compte, à ce moment-là, la femelle, elle veut lui montrer que s'il le fait, il faut qu'il se dépêche, elle le provoque, l'entrejambe ouvert.
MIGUEL, à Mieke. ─ Euh, quand même, c'est trop vulgaire.
MIEKE. ─ Ah, je vous demande pardon.
GUY. ─ Non non.
MIEKE. ─ Excusez-moi.
MIGUEL. ─ Bah, s'étendre sur ce genre d'histoire, c'est pas si vulgaire que ça, après tout.
MIEKE. ─ Bah, en principe, dans la sexualité des bonobos, il n'y a pas de notion même de vulgarité.
GUY. ─ Je vois.
BERNARD. ─ C'est sûr.
GUY. ─ Euh, et des choses comme l'homosexualité, est-ce qu'il y en a ?
MIGUEL. ─ Bien sûr que oui.
GUY. ─ Eh, mais alors, comment ça se concrétise ?
MIGUEL. ─ Eh bien, le plus souvent ils se frottent le derrière, l'un contre l'autre. Après, ça existe aussi chez les anthropoïdes, il y a le mounting. Ils se grimpent sur le dos, vous voyez. Normalement, chez les singes japonais, celui qui est de rang plus élevé monte sur celui en dessous pour affirmer sa position, mais chez les bonobos, c'est différent.
GUY. ─ Finalement, ça aussi c'est pour le plaisir ?
...
MIGUEL. ─ Eeh, ils vont et viennent, et il leur arrive d'éjaculer, entre mâles.
GUY. ─ Ha...
BERNARD. ─ Uniquement pour le plaisir.
GUY. ─ Ha...
MIEKE. (en néerlandais) ─ Après, on ne peut pas tellement l'observer, mais il y a le penis-fencing, c'est comme le hokahoka, ils se frottent le pénis, hein.
GUY. ─ Eh ?
MIEKE. ─ Eh bien, ils se suspendent à un arbre, comme ça.
GUY. ─ Aah.
BERNARD. ─ Ah ça, moi aussi, je l'ai vu une fois.
MIGUEL (en français) ─ Ah, ah bon ?
BERNARD. ─ C'est assez rigolo, hein, ça.
MIGUEL. ─ Je suppose.
...
(en néerlandais) Excusez-moi.
GUY. ─ Non non, je vais m'habituer petit à petit.
MIGUEL. ─ Oui.
MIEKE. ─ N'importe quel anthropoïde possède un moyen de communication élevé pour éviter les chocs décisifs. Dans le cas des bonobos, il s'agit du sexe et des caresses, voyez-vous.
GUY. ─ Ha...
MIEKE. ─ Et les gorilles, eux, ils ont le drumming.
GUY. ─ Eh ?
MIEKE. ─ Comme ça (Elle se frappe la poitrine pour lui montrer.)
GUY. ─ Aah.
MIEKE. ─ Plutôt qu'une menace, ça leur permet d'éviter de se battre ?
MIGUEL (en français) ─ Ces temps-ci, on observe qu'ils le font aussi quand ils sont contents.
MIEKE. ─ Parce que, chez les anthropoïdes, il n'y a pas vraiment de différence entre l'excitation et la nervosité.
GUY. ─ Aah, ah bon ?
BERNARD. ─ Le drumming, pour nous aussi c'est émouvant de l'entendre, vous savez. On le perçoit même de très loin.
MIEKE. (en néerlandais) ─ Vous êtes resté longtemps au Japon ?
GUY. ─ Non, je n'étais pas au Japon.
MIEKE. ─ Eh, mais vous êtes bien venu sur la recommandation du professeur Takamura de l'université de Kyoto ?
GUY. ─ Dans l'université américaine où j'étais avant, il y avait un chercheur japonais qui grattait tous les jours la plante des pieds d'un singe.
MIEKE. ─ Eh ?
GUY. ─ Il chatouillait la plante des pieds d'un singe à qui il avait implanté des électrodes dans le cerveau, pour vérifier quelle partie du cerveau réagissait à la stimulation de la plante des pieds.
MIEKE. ─ Je vois.
GUY. ─ En fait, pour cette fois, je crois que la demande lui a été adressée, mais il n'était pas intéressé par autre chose que la plante des pieds, vous savez.
MIEKE. ─ Eeh.
GUY. (en Néerlandais) ─ Pour en revenir à notre histoire, alors, ça voudrait dire que dans la société des singes de type harem, on pratique la tuerie des petits ?
MIGUEL. ─ Exactement. Maintenant, les espèces qui ne tuent pas leurs petits sont rares. Chez les hommes aussi, les mauvais traitements aux enfants, lorsqu'ils sont rapportés, ça se produit. Mais dans la société libertine des bonobos, où le sexe n'induit aucun stress, le nombre de mâles par rapport aux femelles n'entre pas en ligne de compte. (Miguel s'adresse en français à Stéphane). Que penses-tu de ce genre de société ?
STEPHANE. (en Français) ┬ Mais, chez l'homme il y a le désir de possession exclusive, hein ?
MIGUEL. ─ Ça oui, et chez les bonobos aussi. Simplement, ils prennent possession mais ne sont pas exclusifs.
STEPHANE. ─ Ça...Mais qu'est-ce que ça donne comme situation ?
MIGUEL. ─ Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans la forêt, ils n'ont pas de problèmes de nourriture...Sur les arbres, les ennemis extérieurs sont peu nombreux...Après, s'ils arrêtent de se disputer avec les femelles, il n'y a plus aucun problème.
STEPHANE.─ Je vois...Bon, alors il faut d'abord apprendre à grimper aux arbres...
Suzuki - C'est terrible, hein.
Matsumoto - Non, non.
Suzuki - Euh, c'est peut-être déplacé pour une première rencontre, mais puis-je vous poser une question.
Sazaki- Eh, à moi ?
Suzuki - Eeh.
Sazaki - Oui.
Suzuki - Euh, ça vous dit quelque chose, "il faut tenter de vivre " ?
Sazaki - Eh ?
Matsumoto - Comme ça c'est incompréhensible.
Sazaki - C'est une colle ?
Suzuki - Non, vous connaissez bien le roman intitulé Le vent se lève ?
Sazaki - Aah.
Suzuki - Dedans, il y a une citation, n'est-ce pas, "Le vent se lève, il faut tenter de vivre", vous savez ce que ça signifie ?
Sazaki - Aah.
Suzuki - On se pose la question depuis tout à l'heure.
-Pyjama de docteur...Pyjama jaune, pyjama rouge.