L'orthographe est un sujet qui passionne et chagrine beaucoup les Français, et donne lieu régulièrement à des querelles d'autant plus violentes que bien souvent aucun des partis en présence n'a d'argument fondé. Et la dispute empire si les deux camps sont savants, car chacun campe alors sur ses positions.
D'un côté, l'on trouve généralement les grammairiens et les linguistes, qui, au fait de l'histoire de notre langue, connaissent les erreurs qui se sont répétées, les absurdités qui pourraient être supprimées, en un mot savent « comment on en est arrivé là » ; « là », c'est-à-dire à cette orthographe si souvent cauchemardesque pour les étrangers qui apprennent notre langue, pour les enfants indociles, ou pour ceux qui ont peu de mémoire visuelle et qui se heurtent à des difficultés devenues insurmontables.
De l'autre côté, se trouvent des amoureux du langage et des écrivains, pour lesquels les difficultés mêmes de notre orthographe rendent le français encore plus attachant, plus désirable peut-être, comme une maison dont les ombres, les craquements sinistres, les recoins mystérieux suscitent autant de peurs que de rêves [...] Derrière ces amoureux de la langue jusque dans sa matérialité graphique - et protégés par eux - se cachent des bataillons entiers de citoyens qui font, avec délices et horreur, des fautes d'orthographe mais ne voudraient surtout pas que l'on touche à un cheveu de l'ordre orthographique. Sans compter ceux, bien entendu, qui n'aiment pas le changement, et qui ne supporteraient pas que l'on modifie ces graphies acquises au prix de tant d'efforts: ne dit-on pas qu'il faut environ dix ans pour apprendre correctement l'orthographe française?
Ces thèmes ont été largement évoqués au moment de la dernière tentative de réforme de l'orthographe qui remonte à 1990. Que notre lecteur se rassure : certains de ces argument sont les mêmes depuis le XVI siècle, et la première proposition de réforme de l'orthographe remonte à... 1542 !
Monter sur ses grands chevaux
Se mettre en colère, mais en employant des grands mots, des grandes phrases, ce qui donne toujours l'air un peu ridicule.
On raconte que les chevaliers avaient deux sortes de chevaux: un cheval de parade, pour les tournois, et un cheval plus grand et plus solide qu'ils montaient pour la guerre. Monter sur son grand cheval, c'était signe qu'on partait en guerre. On n'est pas tout à fait sûr que se soit l'origine de l'expression, mais c'est une très jolie histoire!
On sait bien qu'il est difficile à un adulte de modifier sa façon d'écrire. Dans les réserves qu'il peut avoir à adopter un tel changement, ou même à l'accepter dans l'usage des générations montantes, intervient un attachement esthétique, voire sentimental, à l'image familière de certains mots. L'élaboration des présentes propositions a constamment pris en considération, en même temps que les arguments proprement linguistiques, cet investissement affectif. On ne peut douter pourtant que le même attachement pourra plus tard être porté aux nouvelles graphies proposées ici, et que l'invention poétique n'y perdra aucun de ses droits, comme on l'a vu à l'occasion des innombrables modifications intervenues dans l'histoire du français. (extrait du rapport du conseil supérieur de la langue française, concernant la réforme de 1990)
L'apprentissage de l'orthographe du français continuera à demander beaucoup d'efforts, même si son enseignement doit être rendu plus efficace. L'application des règles par les enfants (comme par les adultes) sera cependant facilitée puisqu'elles gagnent en cohérence et souffrent moins d'exceptions. L'orthographe bénéficiera d'un regain d'intérêt qui devrait conduire à ce qu'elle soit mieux respectée, et davantage appliquée. (Extrait du rapport du conseil supérieur de la langue française, concernant la réforme de 1990)