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Critiques de Patrick Godfard (3)
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Les fêtes galantes ou les rêveries de Watteau e..

Dès sa parution en 1869, le recueil de poèmes de Verlaine, Les fêtes galantes, est apparu directement inspiré de la peinture de Watteau. Patrick Godfard s'est attaché à mettre en lumière les résonances et concordances entre ces deux oeuvres que plus d'un siècle sépare.





Etayée par une solide documentation, l'analyse est érudite et experte. Elle s'ouvre d'ailleurs d'emblée sur une introduction si pointue que le néophyte risquera peut-être de s'en effaroucher un temps, un peu perdu d'entrer si vite dans le détail d'un sujet manifestement exploré avec une profondeur intellectuelle de haute volée. Heureusement, très vite, le propos devient limpide grâce à la juxtaposition parlante et judicieusement choisie des vers de Verlaine et des tableaux de Watteau qui les ont inspirés. Et c'est bientôt avec une fascination émerveillée que l'on se laisse guider par l'intelligence et la sensibilité de l'auteur, dans le jeu de répons entre le poète et le peintre.





Ainsi, peu à peu, se retrouve-t-on plongé dans une lecture croisée et extraordinairement complémentaire de Verlaine et de Watteau, l'oeuvre de l'un venant démultiplier la puissance de l'autre. Car, si les vers du poète soulignent en mots et en images musicales l'univers pictural de Watteau, les toiles du maître mettent en évidence le singulier pouvoir de suggestion et le génie poétique de Verlaine. Même s'il l'est pour moi, ce lien entre les deux artistes n'est certes pas une découverte en soi, mais l'art et la manière qu'a Patrick Godfard d'en éclairer toutes les facettes font soudain découvrir leur oeuvre avec une acuité nouvelle.





Alors, lorsque le livre s'achève par les vingt-deux poèmes des Fêtes galantes de Verlaine, chacun illustré de son pendant pictural chez Watteau, c'est d'une oreille et d'un oeil transformés qu'on les appréhende désormais. Un ouvrage brillant, dont il convient également de souligner la grande qualité des reproductions et de l'édition.


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Les fêtes galantes ou les rêveries de Watteau e..

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Je me suis lancé avec appétit dans la lecture de cet essai qui m’avait été offert à Noël, un beau livre magnifiquement illustré par de nombreux tableaux et dessins.

L’auteur a dû ressentir une profonde délectation en écrivant cet essai, étude croisée entre la peinture de Watteau et la poésie de Verlaine. Son érudition atteint des sommets. Presque trop, avais-je pensé… Je redoute souvent que ce genre de livre passe à côté de l’essentiel : expliquer clairement les liens unissant les deux artistes et montrer la beauté de leur art.

Sans toujours comprendre les figures de style de certains mots utilisés par l’auteur, j’ai dépassé cette difficulté de lecture apparente et, finalement, je me suis laissé embarquer par la qualité de l’analyse et la beauté des textes et reproductions de tableaux.



Après la mort de Louis XIV, une folie de plaisir s’installe au moment de la Régence. Le peintre Antoine Watteau montre des personnages de la haute société s’adonnant au badinage dans la pénombre de bois ou parcs, au son de mandolines, au milieu de statues suggestives. Le théâtre et la danse sont présents. Il s’agit d’une sorte de chronique du temps : robes à panier, perruques poudrées, attitudes outrancières, visages pâles agrémentés de touches rouges. En 1712, le peintre est reçu à l’Académie royale de peinture avec le tableau « Pèlerinage à l’île de Cythère ». Ce genre pictural est appelé par les académiciens « peintre en festes galantes ».

Un siècle et demi plus tard, en 1869, le jeune Paul Verlaine fait paraître son recueil de poèmes « Fêtes galantes » directement inspiré de l’œuvre de Watteau.



« Qui d’autre mieux que Verlaine a compris qu’un poème est de la musique avant toute chose. » Elle est constante dans ses vers : sonorité, répétitions, pas de danse, sensations.

Watteau se fait lui-même musicien dans ses tableaux : « Fêtes vénitiennes » ; ou montre des musiciens qui apparaissent dans la plupart de ses toiles : « Les charmes de la vie, « La gamme d’amour ». La peinture elle-même est musique et rythme la composition : les personnages de « Pèlerinage à l’île de Cythère » s’invitent, se lèvent, discutent, s’enlacent au rythme d’un menuet.

Verlaine nous étourdit par la danse dans le poème « Mandoline » : « Leurs courtes vestes de soie / Leurs longues robes à queues / Leur élégance, leur joie / Et leurs molles ombres bleues / Tourbillonnent dans l’extase ».



« Les « Fêtes galantes » sont un éternel bijou », écrit Mallarmé. Watteau a introduit la grâce musicale en peinture ; Verlaine est le poète qui a musicalisé la langue française. Il nous invite au songe dans « L’allée » : « Fardée et peinte comme au temps des bergeries / Frêle parmi les nœuds énormes de rubans / Elle passe, sous les ramures assombries / Dans l’allée où verdit la mousse des vieux bancs ».



Un poète grec Simonide de Céos et le peintre Léonard de Vinci comparèrent la peinture à la poésie. Un chapitre du livre s’interroge : « des « Fêtes galantes » préimpressionnistes ? » On peut se poser cette question, car Verlaine est contemporain de la plupart des peintres avant-gardistes. Lorsque paraît le recueil en 1869, Monet et Renoir créent l’impressionnisme en allant peindre ensemble la guinguette La Grenouillère sur l’île de Croissy. La peinture de Watteau et la poésie de Verlaine cherchent, eux aussi, à rendre la sensation, la fugacité des choses. D’ailleurs, Monet affectionnait « L’embarquement pour Cythère » et Renoir a été influencé par des scènes de Watteau dans ses toiles « La Promenade » ou « Les amoureux ».

On pourrait alors parler de signes avant-coureurs de l’impressionnisme… Pourtant l’auteur ne retient pas l’image impressionniste : pour lui, Watteau et Verlaine proposent une perception de la réalité alors que les impressionnistes créent un univers onirique. J’ai un avis différent de l’auteur sur la poésie de Verlaine dans laquelle je retrouve tout ce que j’aime chez mes amis peintres : spontanéité, atmosphère trouble, vivacité de la touche …



Rubens… Watteau s’inspira de ses toiles en visitant le Palais du Luxembourg à Paris. Nous retrouvons les tonalités colorées du peintre flamand dans son œuvre où la couleur prime : un jeu des contrastes s’intègre dans l’ensemble et les touches de couleur vibrent et fusionnent. Deux vers de Verlaine « Car nous voulons la Nuance encore / Pas la couleur, rien que la nuance ! » peuvent s’appliquer à la façon dont Watteau travaille la couleur : non pour elle-même, mais comme nuance, par touches légères, dans un jeu global où tout est lié.



« Le Verlaine des Fêtes galantes peut nous aider à mieux saisir Watteau : à côté du chantre des plaisirs et de la nonchalance, il y a le Watteau peintre de la mélancolie. » Les deux artistes ont en commun une même vision de l’homme où le libertinage n’est finalement qu’une illusion visant à refuser d’affronter la réalité.

Derrière l’évocation des plaisirs chers à Watteau, certains paysages reflètent l’âme du poète, sa propre sensibilité, laissant entrevoir un spleen baudelairien qui va en s’amplifiant au fil des poèmes. « En sourdine » :

« Et quand, solennel, le soir

Des chênes noirs tombera,

Voix de notre désespoir,

Le rossignol chantera. »



Le ton devient sombre dans « Colloque sentimental » :

« Dans le vieux parc solitaire et glacé

Deux spectres ont évoqué le passé. »



Les 22 poèmes des Fêtes galantes illustrés des toiles de Watteau terminent ce très beau livre.



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Des impressionnistes aux nabis : Un combat ..

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« Pour moi, un tableau doit être une chose aimable, joyeuse et jolie, oui : jolie. » - Auguste Renoir



Le mot « jolie » dans la citation de Renoir correspond parfaitement au livre de Patrick Godfard publié dans une édition d’art richement illustrée. L’auteur nous présente une dizaine de récits sur quelques-uns des peintres les plus représentatifs de la peinture impressionniste et néo-impressionniste qui révolutionna la peinture académique ambiante à la fin du 19e siècle : Manet, Degas, Cézanne, Monet, Renoir, le Douanier Rousseau, Gauguin, Caillebotte, Van Gogh, Sérusier. Ces courts récits, basés sur des faits véridiques de vie et de travail du peintre, sont étayés de tableaux, citations de l’artiste et commentaires de contemporains.



La critique était féroce pour tous ces artistes avant-gardistes qui étaient régulièrement rejetés du Salon officiel. Leur crédo : touche libre, peinture claire, étude en plein air, tons purs appliqués par petites touches d’un jet sur la toile, observation de la lumière changeante modifiant les couleurs, sensations fugitives et éphémère des choses. Les couleurs, juxtaposées, libérées de toute servitude au dessin, s’exaltaient mutuellement.



Émile Zola, avec Baudelaire, sera l’un des rares à défendre la nouvelle peinture. En 1867, jeune critique d’art, il publiera sur Edouard Manet une longue étude biographique. Il le considérait « comme l’un des maîtres de demain dont la place est au Louvre ». En remerciement, Manet lui offrira son portrait : « Portrait d’Émile Zola ».



PAUL GAUGUIN : « La couleur devient reine. Elle peut défaire la réalité, n’être plus que symbole ». Son long combat contre l’existence et la tyrannie de la couleur se terminera aux Marquises, fatigué et rongé par la syphilis. Avant de mourir, il écrira : « La peinture est comme l’homme, mortel mais vivant toujours en lutte avec la matière. ». Ce jour-là, son voisin s’écriera : « Koké est mort, il n’y a plus d’hommes. »



VINCENT VAN GOGH : Vincent vit son dernier été à Auvers-sur-Oise. Il se sent comme un oiseau en cage dans sa vie et peint désespérément. « Il entend un cri, un cri qui lui semble déchirer la toile. Ce cri des corbeaux s’envolant vers l’horizon ? Ou bien, ce cri, est-ce lui-même ? Le cri de la douleur, le cri de la douleur du monde. » Avant l’acte fatal, Vincent gardera sur lui un brouillon de lettre écrite à Théo : « Mon travail à moi, j’y risque ma vie, et ma raison y a sombré à moitié. »



AUGUSTE RENOIR : Sa peinture est un chatoiement de lumières colorées déposées en flocons par petites touches sur la toile. La lumière se disperse partout animant les objets et les personnages de « La balançoire », qui aurait pu être peinte dans une des allées du Moulin de la Galette et son fameux bal, à Montmartre. Un monde en apesanteur.



CLAUDE MONET : seul dans une chambre face à la cathédrale de Rouen, l’artiste tente de défier la lumière en peignant une série de toiles de l’église. Au fur et à mesure de l’avancement de la journée, il change de toile afin de capter les variations atmosphériques. Il fait des cauchemars : « La cathédrale me tombe dessus : elle me semble ou bleue ou rose ou jaune… ». À sa mort, en 1926, son ami Georges Clémenceau se serait écrié : « Pas de noir pour Monet ! ».



DOUANIER ROUSSEAU : Un naïf autodidacte qui n’a jamais appris à peindre. Il émeut par ses toiles. Il révèle la primitivité de l’être à travers cette « Charmeuse de serpents » qui charme la nature, annonçant le surréalisme.



PAUL CÉZANNE : « Sentir pour mieux savoir, savoir pour mieux sentir ». En ce mois d’octobre 1906, Cézanne est sorti peindre lorsqu’un orage le surprend. Il est mal. Il repense à son ami d’école, Émile Zola, à Aix-en-Provence. Il regrette leur amitié flétrie. Comme une pomme… Il se souvient lui avoir dit autrefois : « Avec une pomme, je veux étonner Paris. »



EDGAR DEGAS : Pour Degas, le dessin primait sur la couleur. Son aspiration unique : exprimer un mouvement qui n’efface pas la ligne. Photographe, avec quatre clichés de ses « Danseuses en bleu », il les réunit dans un cercle laissant penser qu’elles ne sont plus qu’une.



PAUL SÉRUSIER : À Pont-Aven, Gauguin, qu’il considère comme un prophète (ou nabi en hébreu), lui dicte la réalisation du « Talisman », son célèbre tableau : « Comment voyez-vous ces arbres ? Ils sont jaunes. Eh bien, mettez du jaune ! Cette ombre, plutôt bleue, peignez-la avec de l’outremer pur ! Ces feuilles rouges ? Mettez du vermillon ! »





J’ai lu une excellente introduction, sensible, trop courte à mon goût, à l’histoire de l’art. J’avais déjà beaucoup apprécié en début d’année le livre très érudit de Patrick Godfard : « Les fêtes galantes ou les rêveries de Watteau et Verlaine ». J’ai retrouvé avec plaisir ce passionné de peinture : « Enfant, j’adorais faire les puzzles de tableaux célèbres. C’était comme une ivresse : un éparpillement de couleurs sans formes, un magma de pensées, d’émotions. Je devenais Renoir, je devenais Monet, je devenais Gauguin. »



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