Mais bordel de shit and take away où donc trouver sa fameuse « langue de l’être » ? Fifi, tu nous fais braire, c’est pas une langue possible, terrestre, cette langue qui te fait être dans un verbe absolu, faut t’y faire sinon t’es foutue !
La sienne, à l’enfant, est celle qu’elle accepterait d’envisager et d’entendre sans sursauter, sans la mettre à la pesée au moindre doute, sans vouloir la retirer et la brûler séance tenante ; cette langue, pas tout à fait sienne, est altérée ; Fifi, on va t’attacher les mains, tu saignes, regarde tes cicatrices, t’as plus rien à voir avec la belle-fille d’Isis !
La langue dérape dans le vide ou recule, fait un pas en avant mais trébuche, reprend ses sens et retombe sur ses deux pieds : je parle l’anglais comme une funambule qui n’en finit pas de glisser sans jamais quitter le fil conducteur.
Ma langue dite maternelle est défunte, mais elle demeure sous-jacente aux autres idiomes parlés durant l’enfance et aujourd’hui, principalement, au Français auquel j’appose ici une majuscule, à l’anglaise, sans doute pour lui filer une révérence puisque de langue d’accueil, le Français est devenu langue dominante, légitime, aimée pour le meilleur et le moins pire.
Chaque fois qu’il m’arrive de me « rattraper » en Français, tous les autres idiomes sont en reste, je ne peux désormais m’identifier tranquillement à aucun, je suis en retard sur tous. Le naturel acquis ne me protège guère des pièges, je dois me justifier de goûter le parler, sinon mieux, l’écrire pour véritable preuve et, veillant à ce qu’il ne m’écrase pas, ne pas me sentir obligée de lui bâtir un mausolée pour m’épargner ses foudres.
Les cinq langues parmi lesquelles, enfant, je circulais plutôt à l’aise, disséminées lors de l’extradition en 1957 du pays natal, allaient se dissoudre into thin air une fois le bannissement prononcé : un lien polyphonique que je croyais indéfectible et qui survivrait aux miens.
Quoi, nos anecdotes allaient se repositionner selon un principe de réalité, nos mythes et nos épopées se dématérialiser de plus belle ; va falloir ravaler notre clapet poly-identitaire, remonter le temps et le redescendre plus vite encore, hors de notre ascenseur Babel-Bordel pyramidal, quoi, tout redeviendrait Histoire, et notre loquacité, notre caqueterie légendaire irait se faire voir ? p 251