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Citation de Charybde2


En rentrant dans mon bureau, j’ai juste le temps de décrocher.
– Ici le centre d’opérations, monsieur le commissaire. La patrouille nous a prévenus, on a trouvé un mort au Centre olympique.
Le mauvais pressentiment était juste. J’appelle mes collaborateurs. Koula, Vlassopoulos et Dermitzakis arrivent, sans Papadakis, soit qu’il se sente encore étranger, soit qu’il se planque pour éviter les tâches difficiles.
– Koula, appelle Stavropoulos, le médecin légiste, et dis-lui d’aller tout de suite au Centre olympique de Faliro. Préviens aussi Dimitriou de l’Identité judiciaire.
– Un meurtre ?
– Oui.
– Qui est-ce ?
– On ne sait pas officiellement. Selon un appel anonyme, ce serait l’entrepreneur Yerassimos Demertzis. Vlassopoulos et Dermitzakis viennent avec moi. Toi, Koula, tu restes avec Papadakis pour assurer nos arrières.
– Je serai seule. Papadakis ne s’est pas encore pointé.
– Quelle heure est-il ?
– Onze heures.
Les deux autres lui jettent un regard réprobateur.
– Ne me regardez pas comme ça, dit-elle, furieuse. À partir d’aujourd’hui je ne ferme plus les yeux pour personne ! Nous ne sommes pas les bonnes poires qui viennent tous les matins à huit heures, tandis que l’autre nous fait l’honneur de venir quand ça lui chante. Aucun de nous n’est payé. Il n’y a pas que lui.
– Il a fait ça souvent ? dis-je à Dermitzakis.
– Plusieurs fois.
– Et vous ne m’avez rien dit ?
– Voilà, je le dis, répond Koula, tandis que les regards des deux autres expriment leur solidarité professionnelle.
– À notre retour, je veux le voir dans mon bureau. Koula, tu iras sur le Net ramasser tout ce que tu peux trouver sur Yerassimos Demertzis.
L’avenue Vassilissis Sofias est assez encombrée, mais Vlassopoulos met la sirène et nous passons. À Syntagma, nous tombons sur une banderole, à l’endroit où trois ans plus tôt les Indignés avaient déployé la leur déclarant que « La dictature des Colonels continue ». Celle d’aujourd’hui dit : « Aux USA, le Sud a perdu la guerre. Nous la gagnerons. »
– C’est parti pour la guerre ? dit Dermitzakis en riant.
– Ne t’étonne pas si demain tu vois l’armée dans les rues, répond Vlassopoulos.
– Qu’est-ce qu’on aura ? Un nouveau 1940 ?
– Ou une nouvelle dictature, répond sérieusement Vlassopoulos.
– En 40, dis-je à Dermitzakis, nous n’avons pas vaincu les Allemands, mais les Italiens, qui sont du Sud. Quand à un deuxième putsch, oublie. Les chars ne descendront sûrement pas dans la rue.
– Pourquoi ? demande Vlassopoulos.
– La moitié n’a pas de pièces de rechange et l’autre moitié manque de carburant. Donc nous sommes à l’abri, nous surtout, qui aurions été les porteurs d’eau de l’armée.
La circulation dans l’avenue Syngrou est sporadique et nous arrivons en un rien de temps. La voiture de patrouille barre l’entrée du Centre olympique. – Vous le trouverez à côté du gymnase, monsieur le commissaire, me dit le conducteur. Sur un tas d’ordures. Ce n’est pas beau à voir.
Pas besoin de chercher, le tas se voit de loin. Un homme est couché dessus, le visage enfoncé dans les ordures.
J’envoie mes adjoints jeter un coup d’œil aux ruines des installations olympiques et je reste examiner tranquillement le corps.
Je reconnais Yerassimos Demertzis aussitôt, non à son visage, mais aux vêtements. Il les portait lors de la visite à son fils.
Il faut que j’attende Stavropoulos pour me faire une idée, mais même sans lui je vois que la mort a été causée par une blessure : la balle a traversé l’omoplate, puis le cœur avant de ressortir. La mort a dû être immédiate.
Dimitriou de l’Identité judiciaire arrive le premier avec son équipe.
– On cherche quelque chose de précis ?
– La douille. Mais je ne pense pas que vous la trouverez. On a dû le tuer ailleurs et le transporter ici.
Je lui laisse faire son boulot et vais retrouver mes adjoints. Des bâtiments il ne reste que les murs. L’intérieur est vide. Tout ce qui pouvait se revendre a été volé. Il n’y a plus que des sièges cassés, des portes brisées, des filets de but déchirés. Les projecteurs qu’on n’a pas emportés gisent par terre en morceaux. Les débris d’une grandeur passée, qui n’impressionne plus personne : la Grèce entière n’est plus qu’un débris.
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