Découvrez l'histoire incroyable de Philippe Aubert, dictée lettre par lettre, mot par mot et publiée par les ateliers henry dougier.
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Chaque année, des milliers d'animaux en provenance d'Amérique du Sud, d'Afrique, d'Asie sont arrachés à leur milieu naturel et vendus en Europe. Ces oiseaux, félins reptiles et poissons meurent en grand nombre durant le voyage ou en captivité.
Il y a ce que nos oreilles peuvent entendre, ce que nos yeux peuvent voir, ce que nos gestes peuvent dire, ce que notre entendement peut mesurer. Ce que l’on nomme, faute de mieux, le réel. Et il y a ce que la partie profonde de notre être devine, ce dont elle a l’intuition. Ce qui concerne la haine et l’amour, l’indifférence – qui est une forme cachée de haine – et la bienveillance – qui est une forme visible d’amour. L’antique philosophie lutine est basée sur cette seconde approche du vivant : deviner. Les lutins ne sont pas assez raisonnables pour placer la raison au dessus de tout. Ils préfèrent s’abandonner avec naturel à l’intuition, à ce qu’on devine. Je viens d’une très ancienne famille de prêtres, parait-il. Mes morts ont souvent été des gens de croyance, des raconteurs d’histoire diront certains. Mais leurs histoires, si souvent dites et redites, ont pénétrés leur sang, leur chair, leur âme. Je suis résolument militaire mais je suis resté un peu prêtre. Je devine. Je devine que ces trois aérotraîneaux annoncent le pire, apportent une guerre qui sera effroyable. Et entre nous, pour parler poliment comme on dit dans l’armée royale et au risque de choquer, ça me fait bien chier. (Noeland)
Cet archipel, non loin de Christmas, est un cauchemar. On nous parachutait dans des vallées perdues à trois semaines de marche de l’unique ville fortifiée, Cocorico Bueno. L’objectif de notre patrouille de huit lutins était de rallier le plus rapidement que possible ce repaire de traîne-savates professionnels, de prétendus pèlerins en route vers les antiques temples des pré-Murfuliens et de chercheurs d’œufs géants. Forêts épaisses et hivernales, vallées impénétrables cernées de pics sans noms. Rivières en furie, pluie et neige presque perpétuelle. Et sur les hauts plateaux, jungle et re-jungle, nuits courtes dans les frondaisons, repas froids tout feu interdit, risque de noyade dans des torrents géants, de chute terrible avec ces escalades monstrueuses. Et une rumeur insistante voulant qu’un peuple de lutins cannibales, anciens pirates exilés par l’un des premiers Pères Noël, ait survécu sur place dans la haine du Noeland. Les Piratapaches. Des guerriers féroces ne pensant qu’embuscade et corps à corps, massacre et vengeance. Voilà pour l’agréable décor des Mégadindes. Sans compter que notre vaillante petite troupe devait éviter la pire des menaces, ce qui nous paralysait de peur : se faire pister, chasser et bouffer par l’une de ces redoutées dinde géante. Des volatiles de dix tonnes et quinze mètres de haut, carnivores, d’une cruauté sans pareille, capable de dépiauter vif un lutin en quelques minutes pour l’avaler en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Tu vois ? On y va ? (Noeland)
Aujourd'hui, depuis ma chambre où le jour s'éteint, j'observe la clarté tamisée par le feuillage d'un grand tilleul. Peut-être la beauté n'est-elle que la ruse de la vie pour tenter de nous convaincre de rester encore un moment ici-bas ? Au cas où. L'aventure, l'amour. Vous savez ce que c'est, on se promet de ne plus y croire mais nous ne sommes que des humains : une offrande à notre charme déclinant et nous fonçons tête baissée dans les ennuis, comme le toro (Leçon de ténèbres)
Günter soupira d’un air de dire « c’est ainsi ! » puis il détourna la conversation en demandant au chef de patrouille des précisions purement militaires sur ce qui allait suivre. Autour du puits, on apercevait des femmes dont les seins témoignaient de la faim et des privations. Des hommes paraissaient réparer des outils hors d’âge. Des gamins traînaient, en guenilles, disputant des reliefs de repas à deux chiens méchants. On devinait le front luisant, perpétuellement en sueur, des mangeurs de racines, d’herbes et de charognes. C’était la vision du peuple de Caïn. Une petite foule paraissant absente à elle-même (Teutonik)
Se surprendre à sourire en croisant une femme qui sent délicieusement le bonbon. Comme si l'amour, tel un increvable chien battu, pouvait encore nous sauter à la gorge ("Mythologie générale", in "Personne n'est mort")
Au lit, tu tends la main vers elle. Tu fais un geste pour la serrer dans tes bras, pour caresser ses épaules de reine-lionne des jungles perdues. tu souris de tristesse : dans ton lit, juste un oreiller.
Novembre
Bien plus tard, alors que les violons réglaient leurs désaccords à l’amiable, que les bois finissaient de se suçoter les hanches, arrive au milieu de l’allée centrale une grand-mère à l’œil espiègle et à la démarche conquérante quoique approximative. Ses longues jambes légèrement courbées avaient un jour dû être droites, les imaginer avantageusement galbées relevait de l’inconcevable. Quant à sa taille elle avait cessé d’être un objet de convoitise pour n’être plus qu’un nombre à trois chiffres.
Philippe Vieille – "Parle pas de Mahler"
Je ne voulais pas en arriver là. Comprenez-moi, je voulais juste simplifier les choses, les rendre accessibles à tout un chacun. Une langue c'est fait pour vivre, changer, évoluer. Mais j'ai sous-estimé la force et l'enthousiasme des mots, je ne contrôle plus rien. Je suis désolé.
Charlotte Richard - "La guerre des mots"
Traverser une ville acquise au prochain sommeil. Chaleur de juin. Te frôler. « On va se faire une dînette avec les moyens du bord, j’ai faim ! Pas toi ? Et en plus dans le film, ils mangeaient tout le temps ! » Et maintenant, reine de Saba, tu viens dormir. Tu seras belle même dans le noir.