En toute modestie, je viens proposer mes savoir-faire de héros grec, afin de vous débarrasser de la bête immonde.
Malheureusement, il y avait toujours quelque chose pour le sortir de ses rêveries. Là c’était un type assez gros qui s’impatientait à son guichet : « C’est pas lire qui va te faire mal. »
Boniface posa le livre derrière son comptoir. Il ne cornait jamais les pages, se contentait de laisser le livre ouvert, dos vers soi, mais savait les vrais lecteurs détruire les leurs à la lecture. Il avait honte de ne jamais rien souligner, jamais rien arracher des textes pour les exhiber. Sa mémoire lui faisait souvent défaut. Il se plongeait dans le flux, c’était tout.
Hormis lire, Boniface était guichetier à l’entrée du Labyrinthe, attraction principale du Royaume de Minos. Chaque matin, et jusqu’au soir, les fiers-à-bras faisaient la queue devant le bâtiment carré. Vantards ou gênés, on les aurait dit pressés d’être éviscérés et de servir de nourriture. Portés disparus, comme d’autres avant eux, ils seraient peut-être plus appréciés morts que vivants, faute d’avoir été celui qui apportera la tête décapitée de Minotaure et qui épousera la fille du Roi. Ils piaffaient d’impatience, de vrais gosses. Personne ne les voyait dans le rôle, même eux doutaient ; mais avant de tenter sa chance, il fallait s’acquitter du prix.
« Plutôt que rien foutre, donne-moi un ticket. »