Philippe Fabre d'Églantine, L'orage
Il pleut, il pleut, bergère,
Presse tes blancs moutons ;
Allons sous ma chaumière,
Bergère, vite, allons :
J’entends sur le feuillage,
L’eau qui tombe à grand bruit ;
Voici, voici l’orage ;
Voilà l’éclair qui luit.
Entends-tu le tonnerre ?
Il roule en approchant ;
Prends un abri, bergère,
A ma droite, en marchant :
Je vois notre cabane…
Et, tiens, voici venir
Ma mère et ma sœur Anne,
Qui vont l’étable ouvrir.
Bon soir, bon soir, ma mère ;
Ma sœur Anne, bon soir ;
J’amène ma bergère,
Près de vous pour ce soir.
Vas te sécher, ma mie,
Auprès de nos tisons ;
Sœur, fais-lui compagnie.
Entrez, petits moutons.
Soignons-bien, ô ma mère !
Sont tant joli troupeau ;
Donnez plus de litière
A son petit agneau.
C’est fait : allons près d’elle.
Eh bien ! donc, te voilà ?
En corset, qu’elle est belle !
Ma mère, voyez-là.
Soupons : prends cette chaise ;
Tu seras près de moi ;
Ce flambeau de meléze
Brûlera devant toi :
Goûte de ce laitage ;
Mais tu ne manges pas ?
Tu te sens de l’orage ;
Il a lassé tes pas.
Eh bien ! voilà ta couche,
Dors-y jusques au jour ;
Laisse-moi sur ta bouche
Prendre un baiser d’amour.
Ne rougis pas, bergère,
Ma mère, et moi, demain,
Nous irons chez ton père
Lui demander ta main.
L'idée première qui nous a servi de base, est de consacrer, par le calendrier, le système agricole, et d'y ramener la nation en marquant les époques et les fractions de l'année par des signes intelligibles ou visibles pris dans l'agriculture et l'économie rurale.
ROMANCE.
Année 1788.
JE t’aime tant, je t’aime tant !
Je ne puis assez te le dire :
Et je le répète pourtant
À chaque fois que je respire.
Absent, présent, de près, de loin,
Je t’aime est le mot que je trouve :
Seul avec toi, devant témoin,
Ou je le pense ou je le prouve.
Tracer je t’aime en cent façons
Est le seul travail de ma plume ;
Je te chante dans mes chansons,
Je te lis dans chaque volume :
Qu’une beauté m’offre ses traits,
Je te cherche sur son visage ;
Dans les tableaux, dans les portraits,
Je veux démêler ton image.
En ville, aux champs, chez moi, dehors,
Ta douce image est caressée :
Elle se fond, quand je m’endors,
avec ma dernière pensée.
Quand je m’éveille, je te voi,
Avant d’avoir vu la lumière ;
Et mon cœur est plus vite à toi
Que n’est le jour à ma paupière.
Absent, je ne te quitte pas ;
Tous tes discours, je les devine :
Je compte tes soins et tes pas ;
Ce que tu sens, je l’imagine.
Près de toi, suis-je de retour ?
Je suis aux cieux, c’est un délire ;
Je ne respire que l’amour,
et c’est ton souffle que j’aspire.
Ton cœur m’est tout, mon bien, ma loi ;
Te plaire est toute mon envie :
Enfin en toi, par toi, pour toi,
Je respire et tiens à la vie.
Ma bien aimée, ô mon trésor !
Qu’ajouterai-je à ce langage ?
Dieu ! que je t’aime ! eh bien ! encor,
Je voudrais t’aimer davantage !!!
p.209-210