« - Vous n’ignorez pas que la maison de Lorraine a déjà donné deux reines à la France : Marie Stuart, épouse de François II et Louise de Lorraine, épouse d’Henri III.
Certes, Votre Altesse, ne trouvai-je qu’à répondre, curieux de la suite.
Elle ne me déçut pas.
Bref, vous et moi savons que vous n’êtes point aujourd’hui dans ma demeure en émissaires du duc de Bourbon, lança Léopold. C’est Louis que l’on veut marier prestement, n’est-ce pas ?
Voilà qui commençait mal. Nous étions déjà découverts et, décidément, cette mission gardait peu de secret pour beaucoup trop de monde. Las, il est des moments où il ne sert à rien de nier. Le duc était un homme intelligent : il n’aurait jamais osé cette sortie sans avoir de bons renseignements. J’acquiesçai donc, tout en le priant de conserver la plus grande discrétion à ce sujet.
Rassurez-vous, répondit-il, il y va de l’intérêt de ma fille que la chose reste secrète. Des jaloux pourraient être tentés de se mettre en travers de ce mariage.
Euh, certes, certes … balbutiai-je, médusé de l’aplomb du duc, tout en jetant un regard vers Bréville. «
La marquise de Prie n’était pas femme à tirer des lettres de change sur la banque du hasard. Sa volonté était sa seule boussole, et elle entendait bien faire plier l’échine à tout ce qui pouvait contrarier ses desseins. En l’occurence, elle menait de longue main le projet de se rendre indispensable à la future reine, dont elle s’imaginait devenir une sorte de tutrice. Elle avait des candidates favorites pour ce rôle d’élève, en particulier certaines qui la touchaient de près. Oui, le choix de l’une de ses presque belles-soeurs offriraient à n’en pas douter de solides garanties à ses ambitions, cogitait-elle. Le duc de Bourbon pensait évidemment de même et, dès le lendemain du Conseil secret, les intrigues se nouèrent en ce sens. Une coterie bien pourvue en puissants personnages la soutint dans les soupers de Versailles.
On sait que ce sont toujours les plus humbles qui assument les écarts des puissants lorsque les choses tournent mal.
Veuillez pardonner à un vieux diplomate dont le métier est aussi de savoir ce que l’on ne veut pas lui dire.
Le propre des Hommes d’Etat est de ne s’étonner de rien.